Il y a plusieurs façons de suivre et de comprendre le processus d’élection d’un pape. Pour faire bref, il y a d’abord l’italienne. Il semble que la presse de la péninsule se délecte de combinazione qui se noueraient dans les couloirs du Vatican. Les journalistes étrangers sont souvent médusés par ces mœurs qui semblent consubstantielles à une certaine culture et se trouvent renforcées par des fuites qui proviennent d’intermédiaires pour le moins indélicats. Et puis il y a la vision mystique. Les bons catholiques sont persuadés, sans être le moins du monde des rêveurs irrationnels, d’une action directe de l’Esprit saint. C’est vrai qu’il est difficile de faire la relation entre ces deux conceptions, à moins de faire du saint Esprit un adepte du machiavélisme dans la patrie de l’auteur du Prince. Mais cette contradiction est aussi une façon d’appréhender l’Église dans sa nature humano-divine. Elle n’est pas une institution comme les autres, parce qu’elle est de fondation divine et parce que sa fonction consiste d’abord à être dispensatrice de la grâce. Les bons théologiens n’ont cessé de nous rappeler qu’elle était née du côté du Christ, lorsque le soldat romain donna un coup de lance qui fit sortir du sang et de l’eau.
En même temps, elle est bel et bien tout à fait humaine, constituée d’hommes et de responsables pécheurs. L’histoire, de ce point de vue, n’est pas avare de scandales, les plus célèbres étant ceux de la Renaissance. On en connaît la terrible sanction, avec la rupture de la Réforme qui s’est perpétuée jusqu’à nous. Pourtant, l’institution a tenu bon, elle a résisté aussi à la Révolution française et aux tentatives de subordination de Napoléon. C’est qu’il y a une réalité mystérieuse de la succession de Pierre, qui trouve d’abord sa justification dans les Évangiles et la fondation de l’Église. Au XIXe siècle, le grand Newman le reconnut, alors que tout le climat intellectuel, où il baignait, s’y opposait. De Rome, on peut et on doit attendre d’extraordinaires réveils. Souvenons-nous de 1978. Beaucoup alors doutaient et même n’y croyaient plus. Arriva l’extraordinaire Jean-Paul II, qui en même temps qu’il bouleversait l’histoire du XXe siècle, faisait retentir partout la voix de Celui qui, disait Irénée de Lyon, est la nouveauté même. Notre attachement à Pierre est lié au mystère même de l’Église.
Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 12 mars 2013.