Samedi soir, sur la place Saint-Pierre, le pape François n’avait pas le visage souriant qu’on lui connaît habituellement. Il exprimait une gravité qui s’expliquait par le poids qui reposait sur ses épaules, à l’heure où il jetait toutes ses forces dans une mobilisation spirituelle pour la paix. Et ce n’est pas moins de quatre heures que dura cette veillée de prière, avec des fidèles de tous âges, qui tinrent à rester jusqu’au bout. C’était bien la preuve que le pape avait été compris, non seulement à Rome d’ailleurs, mais dans le monde entier où partout son appel avait été relayé. Mais n’étions-nous pas, nous autres Français, dans une singulière situation, puisqu’à l’heure même où nous nous associons à cette prière universelle, nos dirigeants politiques exerçaient tous leurs efforts afin de trouver des alliés en faveur d’une coalition punitive contre le régime de Damas ? Bien sûr, l’opinion française est massivement opposée à ces frappes auxquelles voudraient procéder les présidents Obama et Hollande, mais la détermination de ceux-ci semble devoir déboucher sur une offensive prochaine. Ne sont-ils pas assurés du bien-fondé de leur cause, qui serait celle même du droit et de la morale.
Une situation assez identique s’était déjà produite au cours de la Première guerre mondiale, dont on commence à beaucoup reparler, à cause du prochain centenaire du commencement de cette tragédie européenne. En effet, le pape Benoît XV s’était fait l’avocat d’une solution négociée qui aurait pu arrêter le massacre, grâce notamment à la médiation du bienheureux empereur Charles d’Autriche. Les autorités françaises, et singulièrement Georges Clemenceau, s’étaient opposées de toute leur énergie à l’initiative du pape, et il faut bien le dire, bon nombre de catholiques français avaient partagé le même refus. Bien sûr, les circonstances sont tout à fait différentes. Il n’empêche qu’on devrait s’interroger sérieusement : lorsque le successeur de Pierre s’engage ainsi pour empêcher un nouvel emballement de la guerre dans une région aussi bouleversée il y a tout lieu de penser qu’il le fait en connaissance de cause, avec le souci supérieur de sa charge.