Le pape calomnié - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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Le pape calomnié

Cible de graves accusations sur son action durant la Seconde Guerre mondiale, Pie XII fut en réalité une figure de courage et d’habileté, comme le révèlent les archives du Vatican qui viennent de s’ouvrir. Entretien avec Johan Ickx, responsable des Archives historiques de la Secrétairerie d’État, et auteur de Le Bureau. Les juifs de Pie XII (éd. Michel Lafon).
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Pie XII en 1939.

Pie XII en 1939.

Avant de devenir le pape Pie XII, Eugenio Pacelli a été marqué par l’action pour la paix de Benoît XV. En quoi a-t-il marqué son propre pontificat ?

Johan Ickx : S’il existe un nombre très important de livres publiés sur Pie XII, il est surprenant de constater l’absence d’études sérieuses sur l’activité durant la Première Guerre d’Eugenio Pacelli, alors diplomate et secrétaire de la Congrégation pour les affaires ecclésiastiques extraordinaires – le ministère des Affaires étrangères du Saint-Siège de cette époque. Lors de la préparation du livre La guerre et le Vatican (éd. du Cerf), publié en 2018 à partir de sources disponibles depuis des décennies, j’ai été convaincu qu’il existait une anomalie – pour ne pas dire une distorsion idéologique – dans l’interprétation de l’œuvre du pape d’alors, Benoît XV, en faveur de la paix. Dans nos livres et cours d’histoire, à de rares exceptions près, ce pape fut appelé par l’historiographie belge et française « der Moffenpapst » : le « pape des Boches ». Ce refrain nous a été enseigné et répété depuis les années 1960 dans les universités comme une vérité définitive, acquise par la science historique.

Cette historiographie a utilisé un grief formulé par un courant présent dans l’opinion publique française et belge après la Grande Guerre, qui voulait que le pape n’ait pas parlé, n’ait rien fait et soit resté inerte face à la brutalité de la fureur teutonique. Et ce sont les mêmes accusations qui seront portées, vingt ans après la Seconde Guerre mondiale, contre Pie XII. Or, on découvre que la diplomatie de Pacelli, pendant la Première Guerre mondiale, suivait une orientation inverse : une ouverture vers les forces alliées, la Belgique, la France et l’Angleterre. Parmi ses propres collaborateurs, il règne au contraire une singulière méfiance envers le mensonge teutonique, et même envers les éléments pro-allemands. Tout ceci a des répercussions sur l’historiographie du pontificat de Pie XII. Mais il faudra attendre de nouvelles études sur cette période spécifique pour comprendre totalement le jeune Pacelli.

Mgr Pacelli est en Allemagne lors du putsch raté d’Hitler, en 1923. Quel est son regard sur l’idéologie du futur dictateur ?

Certaines études menées par des chercheurs de la nouvelle génération indiquent à quel point Pacelli a immédiatement compris le déraillement du courant national-socialiste vers une dimension inhumaine. Le futur Pie XII s’est ainsi montré, dans les années vingt et trente, un « expert » de la résistance idéologique contre le racisme au niveau international.

Dans quelle mesure l’encyclique Mit brennender Sorge, (« Avec une brûlante inquiétude », 1937) condamnant le national-socialisme, est-elle l’œuvre de Pacelli ?

Pour répondre à la question, il faut remonter aux années de la Première Guerre mondiale. En 1915, le cardinal Mercier, alors archevêque de Malines en Belgique, fait lire une lettre pastorale dans les chaires de toutes les églises de Belgique appelant au patriotisme, et donc implicitement à la résistance contre l’Allemagne. Cette lettre a été préparée en secret, enveloppée dans des emballages de sucre, distribuée clandestinement dans tout le pays, avec consigne donnée aux curés de la lire dans toutes les églises le même dimanche… Cette démarche irrite grandement l’occupant allemand. Eugenio Pacelli a été marqué par cet épisode. En 1937, alors qu’il est désormais le cardinal secrétaire d’État, la préparation et la distribution de l’encyclique Mit brennender Sorge suivent la même logique. Et il va en effet participer à la rédaction de cette encyclique écrite en allemand, et non en latin, au point d’être l’un des principaux auteurs.

Quelle fut la réaction de l’Allemagne nazie ?

En 1937, les nazis n’ont pas hésité à engager immédiatement des représailles – confiscation des exemplaires distribués, arrestations et déportations des personnes impliquées –, envoyant ainsi à Rome un violent avertissement. On peut dire que la réitération de la provocation de 1915 a fini, en 1937, de manière bien plus tragique.

La légende noire de Pie XII s’est ensuite répandue en 1963 avec la pièce Le Vicaire (cf. p. 15) qui a été, dites-vous, « conçue et financée par les services secrets soviétiques »…

J’ai pu affirmer cela grâce aux résultats des investigations du professeur américain Rychlak qui, dans le volume dans lequel sont publiés les documents et les révélations du général Pacepa, plus grand transfuge soviétique vers les États-Unis, a confirmé ce que des chercheurs allemands dans le passé avaient déjà deviné et déduit sur la base des sources dont ils disposaient en Allemagne.

Retrouvez l’intégralité de l’entretien et de notre Grand Angle consacré à Pie XII dans le magazine.