La visite que Benoît XVI vient d’accomplir dans l’île de Chypre constitue un nouveau signe de sa résolution courageuse. Il n’esquive aucune difficulté. Les foules du Portugal ou même de Malte, cette autre île de la Méditerranée, n’étaient pas au rendez-vous dans ce pays où le catholicisme est très minoritaire. Peu importe. Le successeur de Pierre visite toutes les Églises, y compris les plus humbles. Et puis, la situation très particulière de Chypre exigeait de sa part une détermination en faveur de la paix religieuse, de la paix civile et de la paix internationale dans une région extraordinairement sensible ! Est-il nécessaire de rappeler que Chypre se situe à quelques encablures d’Israël, de la Palestine, et de cette bande de Gaza vers laquelle tous les yeux demeuraient fixés, durant la visite. C’est tout l’équilibre interne du Proche Orient qui se trouve affecté par une opération qui est d’ailleurs partie de Chypre, et où le rôle de la Turquie est prédominant.
Une Turquie également présente à Chypre, cette île divisée en deux par une partition douloureuse, qui fait penser à d’autres partitions, celle qui sépara l’Allemagne en deux, celle qui sépare les deux peuples de la Terre Sainte. Dans la partie non occupée de l’île, Benoît XVI a écouté les doléances de la hiérarchie orthodoxe, qui se plaint, à juste titre, de l’attitude de l’occupant à l’égard de l’héritage chrétien : « La Turquie, a dit Chrysostomos II l’archevêque orthodoxe de Chypre, a envahi de façon barbare et conquis par les armes 37% de notre territoire. Ses forces planifient notre destruction nationale. Notre héritage culturel a été sauvagement détruit et nos œuvres d’art vendues à des trafiquants. » Que pouvait répondre le pape, sollicité d’apporter sa coopération active à l’encontre de cette entreprise d’abolition de l’orthodoxie ? Il s’affirmait solidaire, tout en concentrant son message sur les exigences de la paix.
Avec les orthodoxes eux-mêmes, les choses ne sont pas simples, puisque plusieurs évêques avaient fait part de leur désaccord avec la visite, par ailleurs ardemment souhaitée par leur archevêque. Comment les chrétiens ne seraient-ils pas solidaires dans cette région où leur présence est menacée. Ce n’est pas pour rien que le pape avait convoqué à Chypre les évêques catholique de l’ensemble du Proche Orient pour leur remettre l’instrument de travail qui servira de base aux travaux du Synode qui se tiendra à Rome en octobre prochain. Il s’agit là d’une initiative inédite. Jamais il n’y avait eu un tel Synode pour l’ensemble de la hiérarchie catholique du Proche Orient. On sait que la situation des chrétiens y est critique. En Irak, la moitié d’entre eux a d’ores et déjà quitté le pays, à la suite des persécutions dont ils sont l’objet depuis le début de la guerre. Le pape veut que face au péril la solidarité entre Églises s’affirme contre toute étroitesse et toute rivalité. Il a invité des représentants des Églises orthodoxe de la région à Rome et il voudrait également associer juifs et musulmans à l’événement dans le cadre d’un dialogue trilatéral. En ce sens, la visite à Chypre était le prologue d’une entreprise difficile, qui vise à la paix totale et qui passe par la réconciliation chrétienne, mais aussi par la ferme volonté de dissocier le religieux de la violence.
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Dépêches du VIS, 4 et 5 juin (le Pape à Chypre)
- SYRIE : ENTRE CONFLITS ARMES ET DIALOGUE INTERNE
- Ouverture du Synode pour le Proche Orient
- La vérité, la réconciliation, et le respect, clef du succès pour Chypre