Le vieil anti-catholicisme du dix-neuvième siècle avait surgi avec l’arrivée aux Etats-Unis de la première grande vague de migration catholique. Certaines de ces communautés immigrées avaient créé leurs propres écoles privées. De nombreux Américains non-catholiques croyaient que ces écoles catholiques enseignaient des superstitions qui étaient incompatibles avec les principes de la démocratie américaine. Ils tenaient à s’assurer que ces écoles ne pourraient prétendre à un financement public quel qu’il soit ; des lois, tant au niveau fédéral qu’à celui des Etats, furent adoptées pour prohiber tout usage de fonds publics pour des motifs « religieux », c’est-à-dire « catholiques ».
Le projet le plus ambitieux de transcrire ce sentiment en droit fut l’amendement Blaine du nom de son auteur au Congrès. Il stipulait qu’« aucun Etat ne peut légiférer aux fins d’instaurer une religion ou d’empêcher son libre exercice ; aucun fonds ne sera prélevé par voie d’impôt ou issu de ressources publiques dans aucun Etat aux fins de financer l’enseignement, ni aucun terrain public ne sera affecté à une organisation religieuse, ni partagé entre plusieurs d’entre elles. »
L’amendement ne sera pas inscrit dans la Constitution mais il a servi de modèle pour certaines législations étatiques encore en vigueur. L’esprit anti-catholique de ce type de mesures survivra jusqu’aux années soixante et l’élection du premier catholique à la présidence des Etats-Unis, John F. Kennedy.
Un de nos grands historiens, J.M. Dawson (1879-1973), avait publié en 1948 un ouvrage intitulé « Séparez l’Eglise et l’Etat maintenant » dans lequel il écrivait : « les Catholiques… supprimeraient notre système public d’éducation qui est un grand facteur d’unité nationale et le remplaceraient par leurs écoles paroissiales médiévales, du Vieux-Monde, avec leur culture étrangère. Ou sinon ils entendent prendre toutes dispositions pour enseigner leur religion au sein de nos écoles publiques. »
Dawson se faisait l’écho d’un sentiment largement répandu. Kennedy eut à y répondre dans son discours de Houston durant sa campagne présidentielle.
Le vieil anti-catholicisme, en dépit de ses défauts et de son étroitesse de vue, n’exigeait cependant pas que le gouvernement contraigne l’Eglise catholique à modifier ses pratiques et ses croyances dans le service qu’elle rendait à un large public américain. Il ne lui serait jamais venu à l’esprit de demander que l‘Etat pénalise fiscalement les œuvres hospitalières, caritatives ou éducatives catholiques au motif qu’elles se refusent à des pratiques jugées gravement immorales par cette Eglise.
Le vieil anticatholicisme se considérait en effet comme le simple gardien de la tradition de séparation entre l’Eglise et l’Etat défendue par James Madison et Thomas Jefferson, ainsi qu’exprimé par ce dernier : « Personne ne sera contraint de fréquenter ou de soutenir un culte, un édifice ou un clergé de quelque religion ; ni obligé, sanctionné ou molesté, ou désavantagé, dans sa personne ou ses biens, ou souffrir pour cause de ses opinions religieuses ou ses croyances ; mais tout homme doit être libre de professer, et de conserver, par son raisonnement, ses opinions en matière de religion, sans restreindre ni avantager ni affecter ses droits civiques. »
Le vieil anti-catholicisme adhérait à ce principe jeffersonien. Il respectait donc les droits des catholiques à jouir de la liberté religieuse et à développer leurs propres institutions éducatives, médicales et caritatives dans le cadre de ce qui était leur entendement des enseignements du Christ et de l’Eglise.
Tant que les catholiques ne réclamaient rien à l’Etat, et donc aux anti-catholiques, pour financer leurs institutions, ces derniers se satisfaisaient de leur assurer une réelle tolérance, même si ce vieil anti-catholicisme persistait à regarder le catholicisme comme une foi erronée et répugnante.
Les jours de ce vieil anti-catholicime ont passé depuis longtemps. Un nouvel anti-catholicisme, selon les termes de Philip Jenkins, est apparu. Il s’exprime par une hostilité et une vive répugnance à l’encontre de la plupart des positions adoptées par l’Eglise catholique sur le plan moral. Sur l’avortement, l’euthanasie, les pratiques homosexuelles, le « mariage » homosexuel, l’ordination des femmes, et la contraception, le nouvel anti-catholicisme s’inscrit contra ecclesia.
Ce nouvel anti-catholicisme ne s’arrête pas à une contestation intellectuelle de ces positions sur des sujets qui divisent les citoyens raisonnables venant de différentes traditions théologiques et laïques. Il n’hésite pas à utiliser le bras séculier de l’Etat pour contraindre les institutions catholiques à aller à l’encontre de la propre théologie morale de l’Eglise et compromettre ainsi sa mission de Charité et d’Espérance.
Ceci est apparu de la manière la plus claire dans le récent refus du Département de Santé de modifier sa réglementation qui oblige tous les programmes privés de santé, catholiques inclus, à fournir gratuitement contraception, stérilisation et certains médicaments abortifs. L’exception religieuse est tellement restreinte qu’elle ne permet pas à une institution catholique d’échapper à la coercition étatique pour des actes qui contreviennent gravement à la morale enseignée par l’Eglise.
Le nouvel anti-catholicisme ne rejette pas seulement le principe jeffersonien, il le retourne. Le vieil anti-catholicisme demandait que l’Eglise ne se mêle pas de lui. Le nouvel anti-catholicisme entend se mêler des affaires de l’Eglise. L’idée de contraindre l’Eglise à soutenir et à payer des choses que sa conscience réprouve aurait paru proprement non-américaine au vieil anti-catholicisme. Le nouvel anti-catholicisme n’entend pas s’arrêter avant d’occuper le Vatican.
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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/the-new-anti-catholicism-occupy-the-vatican.html