Le débat sur le remariage après un divorce a refait surface avec l’interprétation d’aspects controversés d’Amoris Laetitia par l’archevêque Victor Fernandez, un conseiller du pape dont la rumeur suggère qu’il aurait servi de nègre pour le document. Comme beaucoup qui souhaitent accueillir des « secondes unions », il semble préférer rester dans le vague et marginaliser ceux qui élèvent des objections, plutôt que de présenter une raison précise et compréhensible. Cependant, cela vaut la peine d’essayer de clarifier quelques points clés.
Le problème commence avec la tendance humaine de traiter la morale comme une sorte de système légal. Cette approche identifie à tort l’application rigoureuse de règles avec la « justice » et des adaptations de circonstance avec la « miséricorde ». Ceux qui préfèrent la « miséricorde » étiquettent souvent leurs opposants du terme de « Pharisiens ». Mais ils échouent à reconnaître qu’en opposant justice et miséricorde, ils exposent leur propre mentalité pharisienne. L’appréciation correcte d’une « seconde union », ou de n’importe quelle situation morale, requiert une compréhension de la morale fondée sur le Christ et sur la droiture de Dieu, pas sur des approches conçues pour faciliter les applications prétendument justes ou miséricordieuses de préceptes légaux.
Les lois humaines ne peuvent pas prévoir toutes les situations. Par conséquent, les décisions de justice tendent soit à appliquer strictement la loi, soit à l’adapter aux circonstances. Comme la justice légale s’efforce de donner « ce qui leur revient » aux autres, la miséricorde envers un délinquant entre parfois en conflit avec la justice pour la partie lésée.
Mais ce n’est tout simplement pas le cas pour la justice et la miséricorde divines. Dieu ne nous doit rien ; Ses œuvres de création et de salut sont des actes de pure générosité. L’Ancien Testament appelle cette générosité « justice » ou « droiture » (tzedeqah). Cela signifie donner aux autres « ce qui est bon » plutôt que « ce qui est dû ». Dieu appelle Son peuple à pratiquer cette justice généreuse plutôt qu’une justice simplement légale.
Malgré le péché, la justice de Dieu ne nous abandonne pas mais offre « ce qui est bon » pour nous : la vérité, la conversion et l’union avec Lui. Ainsi, la justice divine se révèle dans l’amour miséricordieux (hesed) et la fidélité (emet). Parce que l’amour de Dieu exprime Sa justice, il ne peut pas y avoir de tension entre les deux. La justice d’alliance est fondée sur l’amour de Dieu et du prochain. Cette fondation est personnelle, pas juridique, elle appelle au don fidèle de soi en imitation du don que Dieu fait de Lui-même.
La justice d’alliance, l’amour miséricordieux et la fidélité sont dirigés vers des biens authentiques et réalisables, pas vers des buts subjectifs ou idéalisés. Dans un monde déchu, ces biens peuvent être malvenus ou entraîner une souffrance considérable, la mort, même, parce que la fidélité au bien tranche sur notre condition déchue, nos jugements erronés, nos faux attachements et nos inclinations au péché.
Notre engagement envers Dieu et le prochain est cause de douleur lorsque l’on voit comment les autres et nous-mêmes les maltraitons. Il conduit également à souffrir innocemment du mal et de l’animosité du monde.
Le peuple de Dieu a prouvé son infidélité au travers des épreuves, dans l’Ancienne Alliance. Répondant avec justice, Dieu promet généreusement de l’épouser dans une Nouvelle Alliance en envoyant Son Esprit et en lui donnant des cœurs nouveaux et fidèles.
Par l’incarnation, la mort et la glorification de Jésus, Dieu accomplit Sa promesse. Il demeure à présent en nous pour que nous partagions Sa justice, Son amour miséricordieux et Sa fidélité. Cette nouvelle relation d’alliance rend possible une nouvelle droiture. L’amour ne se mesure plus par la capacité de l’homme (c’est-à-dire « de tout votre cœur » et « comme vous-mêmes »). A la place, l’amour de Jésus devient la source et la mesure de notre amour (c’est-à-dire « comme Je vous ai aimés »). L’imitation de Dieu est ainsi réalisée par une participation à demeure à Sa vie divine, qui nous rend capables d’être fidèles en toutes circonstances.
Ainsi, la morale chrétienne n’est pas fondée sur l’application de préceptes ni sur des idéaux, mais sur notre union nuptiale avec Dieu en Christ. L’appréciation morale d’une situation, y compris le remariage après un divorce, est fondamentalement une question de reconnaissance de ce que signifie rejoindre Jésus en faisant ce qui est vraiment bon pour nous et pour les autres. Ceci est toujours juste, miséricordieux et fidèle.
Jésus insistait sur le fait que ce qui est bon pour nous conduit à la crucifixion ; nous devons être prêts à perdre ceux que nous aimons et nos vies si nous devons aimer comme Il aime (Mt 10, 37-39). Inévitablement, cela comporte des sacrifices et des martyres de toutes sortes, y compris la perte du soutien financier et personnel d’un « second conjoint » qui abandonne une famille parce qu’un partenaire refuse les relations sexuelles adultères. Dans cette situation, ce n’est pas un acte de miséricorde d’offrir un contournement de la Croix en déclarant « bonnes » les relations sexuelles car l’infidélité délibérée, n’est pas bonne, mais nuisible pour l’union avec Jésus de chacun des partenaires, pour leur relation présente, les enfants, et le premier mariage.
La fidélité nuptiale pour son premier conjoint et pour le Christ doit être choisie de préférence à l’adultère, quel qu’en soit le coût. C’est la signification claire de la fidélité, de l’amour miséricordieux et de la justice que Dieu nous a montrés, une signification réaffirmée par la vie du Seigneur et son enseignement comme quoi le remariage après un divorce est un adultère ; que l’adultère est un péché ; que le péché est une trahison envers Lui ; qu’il vaut mieux souffrir que de Le trahir (Mc 10, 11 ; Jn 8,11 ; Mt 25, 31-46, Mc 9, 43).
Jésus a condamné les Pharisiens, pas seulement à cause des faux fardeaux qu’ils créaient, mais aussi pour les justes devoirs qu’ils mettaient de côté (Mc 7, 1-15). Naguère, des prêtres stricts chargeaient à tort ceux dont les mariages étaient en difficulté en refusant de considérer la nécessité de la séparation légale ou la possibilité de l’invalidité du mariage. Maintenant, des prêtres accommodants déclarent faussement des relations sexuelles lors d’une seconde union comme « bonnes » en mettant de côté le premier mariage du fait du soutien des partenaires actuels l’un pour l’autre et pour leurs enfants.
Ceci n’est pas un progrès pastoral, ni la miséricorde, mais le remplacement d’une ancienne approche pharisienne par une plus récente qui est l’image dans un miroir de la première. Au prétexte d’éviter le rigorisme, ceci « réduit à néant la Parole de Dieu » de manière effective, en ce qui concerne la fidélité à l’alliance, le mariage, l’adultère et le péché.
Cette nouvelle approche pharisienne ne peut être corrigée qu’en regardant les secondes unions à la lumière du premier mariage et de l’union du Christ et de l’Église. Car l’on ne qualifie pas de « bonne » une chose parce qu’elle satisfait une application stricte ou accommodante de principes moraux, ou parce qu’elle convient à notre préférence pour une solution « juste » ou « miséricordieuse », mais parce qu’elle Lui est conforme, Lui qui est seul est bon (Mc 10, 18-19).
Source : https://www.thecatholicthing.org/2017/08/23/the-newer-phariseeism/
Malédiction contre les Pharisiens par James Tissot, v. 1890 [Brooklyn Museum]
Le père Timothy V. Vaverek, docteur en théologie sacrée, est prêtre du diocèse d’Austin depuis 1985 et actuellement curé de paroisses à Gatesville et à Hamilton. Son doctorat porte sur la dogmatique, avec une insistance particulière sur l’ecclésiologie, le ministère apostolique, Newman et l’œcuménisme.
Le père Timothy V. Vaverek, docteur en théologie sacrée, est prêtre du diocèse d’Austin depuis 1985 et actuellement curé de paroisses à Gatesville et à Hamilton. Son doctorat porte sur la dogmatique, avec une insistance particulière sur l’ecclésiologie, le ministère apostolique, Newman et l’œcuménisme.