Le “non” à la peine de mort inscrit désormais dans le Catéchisme de l’Eglise catholique (CEC) vient compléter le grand “oui” de l’Eglise à la vie, avec une modification du CEC du 2 août dernier. Une modification saluée par le gouvernement français…
“La France se réjouit de l’opposition ferme à la peine de mort exprimée par le Saint-Siège, pour laquelle elle est une « mesure inhumaine qui blesse la dignité personnelle »”, indique le Quay d’Orsay le 2 août. Le communiqué ajoute: “Nous saluons le souhait exprimé que l’Eglise « s’engage de façon déterminée, en vue de son abolition partout dans le monde ».”
Et il conclut: “La France est engagée de façon déterminée et constante pour l’abolition universelle de ce châtiment injuste, inhumain et inefficace. Elle appelle tous les États appliquant encore la peine de mort à établir un moratoire en vue d’une abolition définitive.”
L’évêque de Gap, Mgr Xavier Malle, salue ce commentaire en répondant au tweet de France Diplomatie: “Merci. Et on espère une même réjouissance sur d’autres sujets abordés par le Saint-Père ! #migrants #avortement #euthanasie #meresporteuses #pmasanspere”.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit : de la cohérence dans le respect de toute vie humaine, dans toute sa continuité, de sa conception à sa mort naturelle.
A l’origine de cette déclaration de la diplomatie française la décision de la Congrégation pour la doctrine de la foi, dirigée par un théologien « de Benoît XVI » qui l’avait appelé à ce dicastère, le cardinal Luis Ladaria Ferrer sj, de revoir la rédaction de l’article du Catéchisme de l’Eglise catholique sur la peine de mort.
Le numéro 2267 du CEC constate en effet que « pendant longtemps, le recours à la peine de mort de la part de l’autorité légitime, après un procès régulier, fut considéré comme une réponse adaptée à la gravité de certains délits, et un moyen acceptable, bien qu’extrême, pour la sauvegarde du bien commun ».
Il constate aussi l’évolution de la conscience morale pour ce qui est du respect de la vie et l’évolution de la capacité des sociétés de mettre un agresseur hors d’état de nuire: « Aujourd’hui, on est de plus en plus conscient que la personne ne perd pas sa dignité, même après avoir commis des crimes très graves. En outre, s’est répandue une nouvelle compréhension du sens de sanctions pénales de la part de l’État. On a également mis au point des systèmes de détention plus efficaces pour garantir la sécurité à laquelle les citoyens ont droit, et qui n’enlèvent pas définitivement au coupable la possibilité de se repentir. »
C’est le point : la possibilité de conversion. L’exemple du « Bon larron » vient facilement à l’esprit. On se souvient aussi de la prière de Thérèse de Lisieux pour Henri Pranzini (1857-1887), reconnu coupable d’un triple meurtre crapuleux, à Paris. Et de la conversion d’un Jacques Fesch (1930-1957), condamné à mort pour un braquage commis le 25 février 1954, à Paris également, suivi par le meurtre d’un gardien de la paix. Son procès de béatification a été ouvert. Mais dans les trois cas, il y a eu sentence de mort.
L’article du catéchisme conclut, pour être en cohérence avec l’Evangile, que la peine de mort est « inadmissible »: « C’est pourquoi l’Église enseigne, à la lumière de l’Évangile, que “la peine de mort est inadmissible car elle attente à l’inviolabilité et à la dignité de la personne’’ et elle s’engage de façon déterminée, en vue de son abolition partout dans le monde. »
En employant le terme « inadmissible », le Catéchisme cite entre guillemets le discours du pape François aux participants de la Rencontre organisée par le Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation, le 11 octobre 2017.
Le pape François a approuvé la nouvelle version de ces paragraphes du Catéchisme, au cours d’une audience accordée le 11 mai 2018 au cardinal Ladaria, et il a demandé qu’ils soient traduits dans les différentes langues et inclus dans toutes les éditions du CEC.
Le texte révisé du catéchisme s’accompagne d’une lettre du cardinal Ladaria et du secrétaire du même dicastère, Mgr Giacomo Morandi, aux évêques du monde, pour expliquer les fondements de la décision. Ils soulignent que le “respect dû à chaque vie humaine”, est la motivation profonde du changement apporté à la rédaction du Catéchisme, et qu’elle s’appuie notamment sur l’enseignement du saint pape Jean-Paul II dans « L’Evangile de la vie »: “L’enseignement de l’Encyclique Evangelium vitae de Jean-Paul II est d’une grande importance (…). Le Saint-Père indique parmi les signes d’espérance d’une nouvelle civilisation de la vie «l’aversion toujours plus répandue de l’opinion publique envers la peine de mort, même si on la considère seulement comme un moyen de “légitime défense” de la société, en raison des possibilités dont dispose une société moderne de réprimer efficacement le crime de sorte que, tout en rendant inoffensif celui qui l’a commis, on ne lui ôte pas définitivement la possibilité de se racheter».”
La lettre rappelle cette réflexion de Jean-Paul II sur Caïn: “Meurtrier, il garde sa dignité personnelle et Dieu lui-même s’en fait le garant”.
Elle cite les interventions de Jean-Paul II contre la peine de mort, notamment dans une homélie à Saint-Louis, aux Etats-Unis, le 27 janvier 1999: “Un signe d’espérance est constitué par la reconnaissance croissante que la dignité de la vie humaine ne doit jamais être niée, pas même à celui qui a fait le mal. La société moderne a les moyens de se protéger sans nier de façon définitive aux criminels la possibilité de se racheter. Je renouvelle l’appel que j’ai lancé tout récemment à Noël en vue d’un accord visant à mettre un terme à la peine de mort, qui est à la fois cruelle et inutile.”
Et l’enseignement de Benoît XVI est allé dans le même sens, ajoute la lettre, que ce soit dans son exhortation apostolique post synodale Africae munus (n.96), ou au cours d’une audience du 30 novembre 2011 où il s’est exprimé en faveur de l’abolition de la peine de mort: “Que vos débats encouragent les initiatives politiques et législatives actuellement promues dans un nombre croissant de pays en vue d’abolir la peine de mort et de poursuivre les progrès importants accomplis afin de rendre le droit pénal plus conforme à la dignité humaine des prisonniers et au maintien efficace de l’ordre public”.
Ainsi, la révision du CEC “se situe dans la continuité du Magistère précédent et atteste un développement cohérent de la doctrine catholique”.
La nouvelle formule invoque la lumière de l’Evangile: “L’Évangile aide à mieux comprendre l’ordre de la création que le Fils de Dieu a assumé, purifié et porté à sa plénitude; il nous invite aussi à la miséricorde et à la patience du Seigneur, qui donne à chacun le temps de se convertir.”
Et le document s’achève par la demande de reconnaissance par les Etats de la “dignité de chaque vie humaine”: “La nouvelle formulation du n.2267 du Catéchisme de l’Église Catholique veut pousser à un engagement décisif, notamment par un dialogue respectueux et serein avec les autorités politiques, afin de favoriser une mentalité qui reconnaisse la dignité de chaque vie humaine; de même, elle incite à créer les conditions qui permettent d’éliminer dans le monde contemporain l’institution légale de la peine de mort, là où elle est encore en vigueur.”
Mgr Malle ne s’y trompe pas, ce qui est en jeu, c’est de faire progresser aussi dans l’opinion publique le respect dû à toute vie humaine, à chaque moment de sa vie. C’est une étape en vue de l’adhésion au grand « oui » à la vie proposé par l’Evangile où le Fils de Dieu, l’Innocent, donne sa vie pour le salut du monde – y compris des pires criminels – et meurt, condamné à mort par un pouvoir inique, en régime d’Occupation. Et de sa mort jaillissent le pardon et la vie, l’Esprit qui est pour qui l’accueille puissance pour ne plus pécher : « Va, et désormais ne pèche plus! »