Le mythe Libération - France Catholique
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100 ans. Donner des racines au futur
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Le mythe Libération

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Pourquoi aujourd’hui privilégier la situation du journal Libération, alors que tant de sujets graves mériteraient une réflexion appropriée ? C’est qu’il s’agit d’abord d’une affaire de presse qui ne peut que toucher le journaliste que je suis. C’est aussi que dans une société qualifiée de « société de communication », le destin d’une entreprise comme celle-là à presque valeur de parabole.

J’ai assisté aux débuts de Libération, j’ai suivi avec attention l’évolution de la ligne du journal qui présentait cet intérêt de correspondre aux tendances culturelles et sociétales. En dépit de mes oppositions souvent radicales, je m’intéressais à la façon dont les rédacteurs traitaient l’actualité, souvent de façon originale, ayant gardé de leurs origines militantes d’extrême gauche le goût du concret, du terrain. Ils avaient leurs idées en tête mais ils avaient toujours la volonté de décrire les choses, les personnes, les événements, dans leur singularité.

Comment un quotidien qui se voulait anticapitaliste, anarchiste, égalitaire, en est-il venu à se conformer à toutes les normes du système libéral ? C’est peut-être là où réside la principale question.

On a pu dire qu’à un certain moment Libération avait accompli la synthèse des idées libertaires telles qu’elles avaient été recyclées depuis 68 avec le régime économique qui avait vaincu ses contestataires. On connaît la boutade : la lutte des classes a fini par être gagnée par les patrons, contrairement aux prévisions de Marx. Et du coup c’est toute une utopie qui s’est effondrée. Aujourd’hui Libération en est spectaculairement la victime.

Pour un journal qui a toujours mis la culture au pinacle, il convient d’admettre que ladite culture doit se soumettre aux impératifs stricts de la rentabilité. Surtout – il faut être juste – lorsque le déficit est abyssal et lorsque la faillite est en vue. La patience des grands capitalistes généreux a ses limites. Voici le personnel de Libé réduit d’un tiers de ses effectifs, les survivants devant consentir à des conditions de travail extrêmement strictes et même à une très étonnante « clause de non-dénigrement ».

Hier, il était interdit d’interdire. Aujourd’hui il est interdit de contester ou de protester. Ainsi passe et trépasse ce qui fut une aventure de libres militants. Les lois d’airain de l’entreprise ont mis fin à l’un des principaux mythes contemporains.

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 17 septembre 2014.