« Le monde selon K. » - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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« Le monde selon K. »

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Pierre Péan publie un livre* à charge contre Bernard Kouchner.
Il y dénonce les choix politiques et les activités de consultant
du french doctor. Pourquoi tant d’acharnement ? Entretien.

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propos recueillis par Catherine Pauchet

Acip : Votre livre tient du règlement de compte.

Pierre Péan : D’une certaine manière, oui. J’ai longuement enquêté sur le Rwanda. C’est un dossier qui me tient à cœur aussi j’ai été choqué quand Bernard Kouchner a annoncé qu’il voulait rétablir des liens diplomatiques avec Paul Kagamé. Le président de la République rwandaise est soupçonné par la justice française d’être à l’origine de l’attentat qui a coûté la vie à son prédécesseur ainsi qu’à trois Français, un crime qui est à l’origine indirecte du massacre des Tutsis. Paul Kagamé a également insulté des hommes politiques, des magistrats et des militaires français en les traitant de « génocidaires ». Je suis donc en désaccord très fort avec le ministre des Affaires étrangères. Cela m’a donné envie de regarder son parcours politique depuis le Biafra et d’explorer ses activités récentes de consultant.

Acip : Bernard Kouchner affirme qu’il a agi en toute légalité.

Pierre Péan : Il répond à une accusation que je n’ai pas portée. Je ne l’accuse pas d’activité illégale, je me situe du côté de l’éthique et de la morale républicaine. Je dis qu’il y a un possible conflit d’intérêts. Ainsi, entre 2002 et 2007, il a travaillé au Congo et au Gabon sous une double casquette : d’une part, celle de président d’ESTHER, un groupement d’intérêt public œuvrant dans le domaine de la santé publique et qui distribue des subsides, d’autre part, celle de consultant en système de santé, employé et rémunéré par deux sociétés, Africa Steps et Imeda, dirigées l’une par Jacques Baudouin, l’autre par Eric Danon. Rien qu’au Gabon, ils ont facturé leurs prestations plus de deux millions d’euros. Il n’y a rien d’illégal, juste de l’ambiguïté. Je suggère que cela peut aller plus loin, mais je n’ai pas de preuves.

Acip : Vous le dites vous-même, Bernard Kouchner n’est qu’un employé.

Pierre Péan : C’est exact. Mais, il faut tenir compte du contexte. Pour les chefs d’Etat africains qui signent ces contrats, Africa Steps et Imeda, c’est Bernard Kouchner et personne d’autre. Par ailleurs, quand il devient ministre des Affaires étrangères, Jacques Baudouin entre à son cabinet et Eric Danon est nommé ambassadeur extraordinaire à Monaco. Si l’on prend le cas d’Eric Danon, il est à la fois diplomate et président de sociétés. Et c’est avec la casquette d’entrepreneur privé qu’il envoie au trésorier payeur général du Gabon une télécopie lui rappelant le règlement d’une facture impayée de huit cent mille euros alors qu’il est ambassadeur. Il va d’ailleurs devoir s’en expliquer devant la Commission d’éthique du quai d’Orsay.

Acip : Pour rédiger votre livre, vous n’avez pas jugé utile de le rencontrer.

Pierre Péan : Je mène des enquêtes sensibles depuis quarante ans et j’agis toujours de la même façon. Je privilégie les documents écrits. Bernard Kouchner a beaucoup parlé et beaucoup écrit. Je ne vois pas ce qu’il aurait pu me dire de plus.

Propos recueillis par Catherine Pauchet.

La faute de Bernard Kouchner

Sur les douze chapitres du livre de Pierre Péan, un seul – le dernier – concerne le rôle de consultant que Bernard Kouchner a en Afrique alors qu’il intervient aussi dans les pays de l’Est. Les autres sont une charge contre son « cosmopolitisme anglo-saxon » qui lui vaut l’étiquette d’« anti-France » et son côté « va-t-en-guerre ». L’auteur le reconnaît : il n’y a, à ce jour, rien d’illégal et aucune preuve de malversation.

Bernard Kouchner est entré dans la vie des Français en 1968, lors de la guerre au Biafra. La trentaine, joli garçon, le jeune médecin a conquis les cœurs et les esprits en défendant la cause des plus faibles. Le développement des organisations non gouvernementales, le droit d’ingérence, le refus de laisser les dictateurs écraser leur peuple, les couloirs humanitaires pour sauver les blessés, lui doivent beaucoup. Nul doute : il laissera son empreinte sur la diplomatie internationale.

Quarante ans plus tard, le voici ministre des Affaires étrangères. Qu’à près de soixante-dix ans, il n’ait plus la même vision du monde que du temps de sa jeunesse, est-ce une « répudiation » de ses idéaux ? Qu’il ait accepté d’être ministre dans un gouvernement de droite afin de poursuivre, par une autre voie, l’action de toute une vie quand les socialistes sont vides de projet politique, est-ce un « reniement » ? Lorsqu’il n’est pas ministre, le french doctor travaille comme consultant international en santé publique. Consultant bénévole pour ESTHER, consultant salarié pour des entreprises. A quel prix ? Il annonce, dans Le Figaro, 6 000 euros par mois, pendant trois ans, pour avoir créé un système de sécurité sociale au Gabon.

Au fond, ce qui fait la surprise du livre de Pierre Péan, c’est l’apparition d’un autre Bernard Kouchner. Le médecin des boat people s’est mué en expert mondial de la santé. On le croyait voué à la blouse blanche portée telle une bure et mendiant son pain, on le découvre, au fil des pages, professeur à Harvard et au CNAM, consulté par des gouvernements étrangers et gagnant correctement sa vie. Bernard Kouchner a commis une faute : il a réussi. En France où l’on a de l’affection pour les perdants, cela ne pardonne pas.

*« Le monde selon K. », Pierre Péan, Fayard, 324 p., 19 euros.