La révolution de 1830, qui renversa Charles X, avait été l’occasion de violentes manifestations d’anticléricalisme dont le saccage de l’église Saint-Germain l’Auxerrois reste le symbole. Lors de la révolution de février 1848, qui renversa Louis-Philippe, on vit au contraire des insurgés acclamer les prêtres aux cris de : « Vive la religion, vive le Christ, vive Pie IX ! » et des arbres de la liberté étaient bénis par les curés… Entre-temps, il y avait eu tout un travail de l’Église, détachée de la monarchie de Juillet par légitimisme, pour reconquérir le peuple. Ce moment de grâce entre peuple et Église fut ensuite oublié, notamment après les émeutes meurtrières de juin 1848 puis l’instauration de l’Empire de Napoléon III. Mais il avait été le fruit de l’engagement d’un certain nombre de catholiques, notamment au service des pauvres au nom du Christ, qui fut l’une des origines d’une nouvelle doctrine sociale de l’Église qui prendrait son essor après l’effondrement français de 1870 et dont nous vivons encore aujourd’hui. Les conférences de Notre-Dame en furent l’une des matrices.
On trouve le récit des origines de cette aventure dans le livre que vient de publier l’historien Aimé Richardt – Ozanam, le compatissant (éd. Artège) – qui a l’avantage d’être rapide et clair, notamment sur la fondation des Conférences de Notre-Dame (pages 39-40). Le 12 février 1834, Frédéric Ozanam – il fondera les conférences Saint-Vincent de Paul qui remirent les paroisses au service des familles pauvres – écrivait à ses parents : « …tous les prédicateurs sont effacés par M. Lacordaire qui fait des conférences tous les dimanches au collège Stanislas… Les jeunes gens y vont en grand nombre ; beaucoup d’élèves de l’École polytechnique, plusieurs de l’École normale, des personnages distingués, des députés, des professeurs, des savants, se mêlent à cet auditoire et chaque fois, on sort étonné de tant de choses sublimes dites d’une manière si simple, si naïve, si touchante… »
Aimé Richardt rappelle ensuite comment Ozanam et ses amis étudiants en droit remettent à Mgr Hyacinthe-Louis de Quelen, l’archevêque de Paris, une pétition de 100 personnes en janvier 1833 pour organiser des conférences à Notre-Dame avec Lacordaire (alors que Mgr de Quelen vient de désavouer Lacordaire à Stan, suspecté de républicanisme, compromis dans l’aventure de Félicité de Lamennais1. Ils présentent une seconde pétition de 200 signatures en janvier 1834 à laquelle de Quelen cède en nommant sept conférenciers (mais pas Lacordaire). En mars 1835, Ozanam et ses amis continuent leur campagne et Lacordaire monte enfin en chaire dans la cathédrale. L’archevêque ne le regrettera pas car l’éloquence de Lacordaire correspondait pleinement à la sensibilité de son temps.
En 1835, Ozanam démultipliait l’écho des conférences par ses comptes rendus dans le quotidien L’Univers, fondé par l’abbé Migne. En 2019, celles du père de Menthière sont diffusées en direct ou presque sur les radios chrétiennes, sur KTO et sur France Culture et éditées très rapidement par les éditions Parole & Silence.
- Prêtre catholique devenu démocrate à tendance socialiste, auteur d’une œuvre de plus en plus progressiste, avec beaucoup de succès. Il sera élu député en 1848, et mourra séparé de l’Église en 1854. Lacordaire avait participé à son journal L’Avenir fondé en 1830.
Pour aller plus loin :
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- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- Pie XII a-t-il abandonné les juifs lors de la dernière guerre ?
- La France et le cœur de Jésus et Marie
- Charles de Montalembert (1810-1870)