Dans les commentaires souvent peu amènes qui ont accompagné le remaniement ministériel, une mention particulière s’impose à propos de la nomination de Laurence Rossignol au ministère de la Famille, de l’Enfance et des Droits des femmes. C’est, en effet, à une véritable bronca féministe que nous avons assisté, comme si l’association faite entre la cause des femmes et celle de la famille constituait un crime inexpiable. Le gouvernement socialiste aurait cédé à une sorte d’impératif réactionnaire, enfermant les femmes « dans le rôle stéréotypé qui leur est assigné depuis des siècles : celui d’épouse et de mère ». Ce n’est pas seulement l’ire des Femens, ces militantes néo-staliniennes qui s’est exprimée, mais celle de personnalités féministes appartenant à des formations très diverses. L’intéressée, Mme Rossignol, s’est vigoureusement défendue de toute concession au machisme ou au sexisme. Mais cette querelle vaut quand même la peine d’un rapide examen.
Les féministes ont de très bons arguments à faire valoir, à propos des inégalités qui briment encore trop souvent les femmes, notamment en matière de salaire. Pour ma part, je suis très sensible à la condition éprouvante et souvent scandaleuse des mères abandonnées avec leurs enfants, pudiquement désignées à l’enseigne des « familles monoparentales ». Oui, il y a un beau combat pour la justice à mener. Mais a contrario, je crains – et je crois obtenir à ce propos l’adhésion d’un très grand nombre de femmes – une rhétorique qui stigmatise la famille, considérée comme un ghetto ou une prison. Je crains aussi une polarisation sur l’unique modèle masculin au détriment de la valorisation de la différence féminine.
Hélas, ce glissement est comme contenu dans les gènes du féminisme, qui a cru trouver, par exemple, dans Simone de Beauvoir sa grande référence intellectuelle. Bien sûr, il y a bien des contradictions chez elle, mais on y trouve aussi une véritable phobie de la condition féminine : « On dit volontiers que les femmes ont des maladies dans le ventre : il est vrai qu’elles enferment en elles un élément hostile : c’est l’espèce qui les ronge. » Heureusement, on peut trouver d’autres accents chez Simone de Beauvoir, mais on peut redouter aussi que pour un certain féminisme la cause de la femme et celle de la famille ne soient compromises par une vision unisexe et le déni de ce qu’Hannah Arendt appelait « le miracle de la natalité ».
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 18 février 2016.
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