Le message de Soljenitsyne - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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Le message de Soljenitsyne

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Le centenaire de la naissance d’Alexandre Soljenitsyne est l’occasion de revenir sur la personnalité et l’œuvre d’un écrivain qui aura marqué son temps, comme peu d’autres. La publication de L’Archipel du goulag en Occident, dans les années soixante-dix, produisit une véritable révolution intellectuelle, car non seulement la réalité du totalitarisme soviétique y apparaissait dans toute son horreur mais elle contraignait les intellectuels à se libérer de l’opium idéologique qu’un Raymond Aron dénonçait, sans pouvoir convaincre tous ceux qui en étaient intoxiqués. En France, l’opposition du Parti communiste et de ses alliés (parfois chrétiens) fut rude pour contrer l’effet d’un ouvrage aussi puissant. Mais le courage allait porter enfin tous ses fruits, annonçant l’effondrement de l’empire soviétique, avec la chute du mur de Berlin en 1989.

Alexandre Soljenitsyne posait à l’Occident une question tenace, au-delà de son témoignage historique. Car ses livres faisaient part des convictions conquises par un homme qui, à l’origine, avait été lui-même formaté par le régime. On a pu parler à l’époque d’Homo sovieticus (Zinoviev) pour caractériser le rétrécissement anthropologique auquel avait conduit un système mortifère à tous les points de vue. Si l’écrivain avait pu briser l’écorce de ce système, c’était à la suite d’une véritable conversion personnelle. Notre ami Olivier Clément, collaborateur de France Catholique, avait pu en rendre compte dans un bel essai intitulé L’esprit de Soljenitsyne, paru en 1974. Ce titre renvoyait directement à L’esprit de Dostoïevski de Berdiaev, avec le même dessein de révéler le fond d’un itinéraire, qui renouvelait la redécouverte de la tradition orthodoxe russe : « L’œuvre de Soljenitsyne est traversée d’une certaine lumière (…). Un message universel s’ébauche : où la rencontre de la mort, l’émerveillement d’être, la découverte des visages ouvrent pour l’homme d’aujourd’hui des chemins inhabituels vers le divin. »

Cet aspect-là du message de ce lutteur pouvait-il être compris par un Occident, par ailleurs rudement secoué pour son manque de courage ? Certains ont pu trouver injuste celui qui, en 1978, à l’université de Harvard, trouvait les mots les plus cinglants pour dénoncer une sorte de décadence morale : « Étant donné la richesse du développement spirituel acquise dans la douleur par notre pays en ce siècle, le système occidental, dans son état d’épuisement spirituel, ne présente aucun attrait. » On peut discuter de la validité d’un tel réquisitoire. La Russie a-t-elle, au travers de sa terrible épreuve, réussi le rétablissement que Soljenitsyne annonçait ? L’Occident avait-il renoncé définitivement au meilleur de son héritage ? Cela n’empêche pas qu’il y avait beaucoup de pertinence dans cet appel : « Nous n’éviterons pas la révision des définitions fondamentales de la vie humaine et de la société humaine : l’homme est-il effectivement au-dessus de tout et n’existe-t-il point au-dessus de nous un Esprit supérieur ? »