Le martyre de Thomas Becket - France Catholique
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Noël : Dieu fait homme
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Le martyre de Thomas Becket

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Pour ma confirmation j’ai pris le nom de Bernard, d’après Bernard de Clairvaux. Mais j’avais aussi envisagé Thomas, non celui qui a douté, mais Becket, le saint martyr. J’avais aussi dans l’esprit Thomas Merton, mais ce n’est pas un saint.

Ma confirmation est arrivée tard dans ma vie. J’ai écrit récemment un livre où Bernard jouait un rôle (comme celui qui définit les règles de la chevalerie), tellement son influence dansma vie a été directe et forte. Mais quand j’ai commencé à songer à devenir catholique il y a plus de 35 ans, j’ai été stimulé autant par Thomas Becket que par la lecture de The Seven Storey Mountain [publié en fr. sous le titre : « La Nuit privée d’étoiles »] de Merton ou les Confessions de saint Augustin, hommes qui sont venus de ce monde au Christ.

Catholiques comme non-catholiques connaissent pour la plupart le Becket de Jean Anouilh, le plus souvent dans la version fimée de Peter Glenville (avec Richard Burton dans le rôle de Becket et Peter O’Toole dans celui de Henry II).

J’avais vu le film quand il sortit en 1964, et je fus hypnotisé par les scènes dans l’église et par la transformation remarquable que subit celui qui était un vrai démon dans son chemin vers la sainteté. J’ai acheté la pièce d’Anouilh, puis je suis allé à T.S.Eliot et son Murder in the Cathedral.

Becket naquit en 1118 le jour de la fête de saint Thomas l’Apôtre. Son ascendance était normande (de Scandinaves) et par certains côtés c’était un Viking dans le cœur. Ses parents avaient émigré de France (beaucoup de gens dans l’Angleterre de ce temps étaient plus français qu’anglais) et il devint un Londonien achevé. Il fut élevé en partie au Prieuré de Merton, et reçut une formation de prêtre, devenant diacre et travaillant pour Theobald de Bec, l’archevêque de Canterbury. Dans cette position (archidiacre de la cathédrale à 36 ans) il attira l’attention de l’un des grands hommes de cette période, le roi Henry II, qui avait 21 ans.

Becket devint le conseiller le plus proche de Henry et – c’était inhabituel – aussi le meilleur ami du roi.

Dans le film de Glenville, Henry et Thomas se battent, boivent et courent les filles, bien que Becket fût quelque peu réticent sur ce dernier point, compte tenu du fait que le Thomas réel était, à sa manière, un homme d’Eglise. Henry envoya son fils aîné (le jeune roi Henry, comme on l’appelait) vivre avec Becket, sur lequel le jeune homme, dit-on, porta ce jugement : « Becket me montra plus d’amour paternel en un jour que mon père dans toute ma vie ».

Quand Henry chercha à affaiblir la position de l’Eglise dans la société, Becket, devenu Lord Chancelier, fut son homme de main bénévole. Il le fut de toute façon jusqu’à la mort de Theobald et Henry eut ce qui semblait une idée magnifique : faire de Thomas l’archevêque de Canterbury. Comment exercer mieux son contrôle sur l’Eglise ?

Bien sûr Thomas n’était pas prêtre. Aussi le samedi 2 juin 1162 il fut ordonné et dès le lendemain consacré évêque.

Becket ne désirait pas cette tâche, sachant que cela le mettrait directement en conflit avec le roi. Il le dit bonnement à Henry qui ne put tout simplement pas croire que son camarade pourrait jamais le défier.

La pomme de discorde entre Henry et Thomas fut la question de la juridiction dans les procès des membres du clergé accusés de crimes graves. Henry voulait les soumettre à son propre tribunal ; l’Eglise insistait pour qu’ils fussent portés devant des tribunaux ecclésiastiques : Thomas désormais fut du côté de l’Eglise.

Il y a des ressemblances remarquables entre le conflit de Henry II et Thomas Becket et la lutte à couteaux tirés qui opposa plus tard Henry VIII et Thomas More. Evidemment More était un « prêtre encore plus gênant » pour son roi que Becket ne l’était pour le sien, et les enjeux en 1535 étaient beaucoup, beaucoup plus importants qu’en 1270.

Henry II ne prévoyait pas la Réforme que Henry VIII rendit manifeste. Les deux rois étaient profondément catholiques. Jusqu’à ce que le pape Clement VII refusât une annulation à Henry Tudor, le roi était presque un favori du pape. Mais le protestantisme était dans l’air et – vu la suite de l’histoire d’Henry VIII (5 mariages de plus, un autre divorce, et deux épouses décapitées) – rien de ce que More aurait pu faire n’aurait fait la moindre différence dans la séparation de l’Angleterre et de Rome.

Les deux Henry se ressemblaient dans leur rapacité, leur duplicité, et leur cruauté ; leurs adversaires catholiques se ressemblaient dans leur courage, leur fidélité et leur désintéressement.

Dans Murder in the Cathedral, T.S.Eliot donne à Thomas des traits extraordinaires. Toute sa vie d’adulte, et tout au long de son amitié avec le roi, Becket essaya de servir en accord avec son état. Mais quand le temps fut venu de servir Dieu dans l’Eglise, s’étant débarrassé lui-même de sa mondanité ancienne, il ne vit aucun moyen d’éviter la confrontation.

Maintenant ma voie est claire, maintenant le sens est simple

Tentation sous cette forme ne reviendra pas

La dernière tentation est la plus grande trahison

Faire l’acte juste pour la mauvaise raison.

Becket ne cherche pas le martyre mais ne peut l’éviter. Dans un sens il ne s’oppose même pas au roi ; il suit le Christ. C’était la même situation où allait se trouver le Thomas suivant (More) : « loyal serviteur du Roi mais de Dieu d’abord »

Eliot et Anouilh admettent tout deux que Henry II ne peut réellement avoir ordonné la meurtre de Becket ; que pour plaire à sa majesté, les trois chevaliers traîneurs de sabre agirent de leur propre chef. De plus, l’acte accompli, le roi se fit volontairement flageller par les moines sur la tombe de Becket. Nous pourrions avoir des prêtres plus courageux, et, de temps en temps, un chef authentiquement repentant.

Surtout, Henry II était un vrai roi et si jamais un monarque mérita d’être fouetté (ou pis) ce fut Henry VIII. Mais l’histoire, au moins comme nous la vivons, assure rarement l’équilibre. Dieu le fera pourtant.

Henry II s’entoura d’« hommes nouveaux » des experts militaires er administratifs qui abordèrent leurs tâches parce qu’ils étaient compétents et non parce qu’ils étaient » bien nés ». Becket était l’un d’eux ; le grand William Marshall un autre.

Aujourd’hui c’est la fête de Becket, l’anniversaire de son martyre il y a 844 ans. Saint Thomas, priez pour nous.

Lundi 29 décembre 2014

Source : http://www.thecatholicthing.org/2014/12/29/beckets-martyrdom/

Image : Le Martyre de saint Thomas de Cantorbéry par Maître Francke, c. 1430