En juin 2015, par cinq voix contre quatre, la Cour Suprême, statuant sur le cas Obergefell contre Hodges, a déclaré que la Constitution des États-Unis contenait un droit au mariage homosexuel. Immédiatement, toute loi contraire devenait anticonstitutionnelle.
Voici la question que je souhaiterais poser ce jour : depuis cette date quelle devrait être l’attitude des catholiques américains à l’égard du mariage homosexuel ? Devons-nous reconnaître avoir perdu la guerre et nous tourner vers autre chose ? Ou devrions-nous poursuivre le combat, en espérant qu’un jour nous puissions non seulement annuler l’arrêt Obergefell mais, au moins dans quelques états, repromulguer des lois qui restreignent le mariage à un homme et une femme ?
Je dis que nous devrions choisir la deuxième option, et cela pour deux raisons. Tout d’abord, le mariage homosexuel tend à délégitimer l’institution traditionnelle du mariage et, puisque la principale utilité sociale de cette institution est de procurer le bien-être des enfants durant leur croissance, une telle délégitimation fait courir à ces enfants des risques graves et multiples.
Il est vrai que le mariage a déjà perdu massivement de sa reconnaissance durant à peu près les cinquante dernières années. Divorce sans faute, tolérance des relations sexuelles hors mariage des adolescents, pratique à grande échelle du concubinage, acceptation des naissances hors mariage : ces développements, et d’autres avec eux, tous corrélés à la dénommée révolution sexuelle, ont contribué à délégitimer le mariage traditionnel et de ce fait ont contribué à exposer les jeunes enfants à des risques financiers, émotionnels, éducatifs et moraux.
On peut argumenter, cela a souvent été fait, que le processus de destruction du mariage étant allé tellement loin, l’adoption du mariage homo ne faisait plus guère la différence. Le mariage ayant été affaibli et dévalorisé, quelle différence cela fait-il à la toute fin si la société permet aux homosexuels des deux sexes de se marier entre eux ? Le dos du chameau est déjà brisé, alors ajouter une brindille de plus n’a guère d’importance. Le cheval s’est déjà échappé ; pourquoi se soucier de refermer la barrière ?
Bien qu’il y ait quelque vérité dans cette opinion, mon propre avis est qu’il vaut la peine de s’opposer au mariage homosexuel : non comme un but en soi mais comme une première étape pour contrer la dévalorisation du mariage qui s’est progressivement installée ces dernières décennies.
Si nous ne sommes pas enclins à tenter ce retour en arrière, nous pouvons laisser tomber toute objection au mariage homosexuel. L’interdire tout en permettant aux autres attaques contre le mariage traditionnel de perdurer serait comme un plombier qui colmaterait une fuite sur un tuyau tout en laissant 99 autres trous laisser passer l’eau. La première chose qu’il doit faire, c’est couper l’alimentation en eau.
Deuxièmement, nous devrions continuer de nous opposer au mariage homosexuel en raison de la manie de la Cour suprême de trouver dans la Constitution des droits qui n’y sont pas. Elle l’a fait (la Cour Suprême actuelle le reconnaît) en 1973, dans le célèbre arrêt Roe contre Wade. Et elle l’a fait de nouveau avec Obergefell.
Y a-t-il quelqu’un qui croit, en toute bonne foi, que les rédacteurs de la Constitution et de ses amendements, ou les membres du Congrès qui ont voté pour envoyer ces amendements aux états, ou les membres des corps législatifs de ces états qui ont voté pour adopter la Constitution et ses amendements avaient le moins du monde l’intention de faire de l’avortement et du mariage homosexuel des droits constitutionnels ? Rien de plus faux.
Les juristes et juges progressistes disent que peu importe ce que les auteurs de la Constitution avaient à l’esprit ; ce qui compte, c’est « l’esprit » de la Constitution, et cet esprit est un esprit de liberté individuelle, un esprit dont les implications vont bien plus loin que ce qu’avaient l’intention de faire les auteurs originels.
On nous explique que les rédacteurs de la Constitution étaient des sortes de docteur Frankenstein. Avec un peu de ceci et un soupçon de cela, ils ont assemblé une grande machine légale, la Constitution des États-Unis. Et ensuite ils en ont perdu le contrôle. Elle s’est trouvé avoir sa propre volonté, entièrement indépendante de la volonté de ses créateurs.
De ce fait, le travail de la Cour Suprême, quand elle doit interpréter la Constitution, n’est pas de se demander : « Quelle était la volonté du docteur Frankenstein ? » Elle doit plutôt demander : « Quelle est la volonté actuelle du monstre que le docteur Frankenstein a créé ? »
Le souci avec ce mode d’interprétation de la Constitution, c’est qu’il peut être utilisé par tout parti idéologique dominant pour faire dire à notre document fondateur ce qu’il veut lui faire dire.
Pour le moment, le parti idéologique dominant est celui d’un humanisme athée. Alors qui peut être surpris que la Cour, quand elle est composée de cinq membres ou plus acquis à l’humanisme athée, nous dise que la Constitution est un document humaniste athée ?
Si le parti idéologique dominant était marxiste, on nous dirait que la Constitution est d’essence marxiste. Et si le parti idéologique dominant était fasciste, on nous dirait que la Constitution est un document d’essence fasciste. Avec cette grille de lecture, le document peut être utilisé comme un gourdin pour rosser les adversaires de l’idéologie dominante.
Et qui sont les adversaires les plus importants, donc les plus susceptibles d’être battus avec ce gourdin ? Les catholiques, les protestants évangéliques et les mormons. Pour le moment, grâce en soit rendue à Donald Trump et Mitch McConnell, l’idéologie dominante n’a pas la majorité à la Cour Suprême. Mais cette situation ne durera vraisemblablement pas très longtemps.
Et de toute façon, même sans contrôler la Cour Suprême, l’humanisme athée contrôle plusieurs autres institutions puissantes – dont la presse, l’industrie des loisirs, nos grandes universités, le parti démocrate (mon bon vieux parti) et, à un rythme croissant rapidement, nos écoles publiques.
Tout comme les catholiques ont un credo, les humanistes athées en ont un. Et l’un des principaux articles de ce credo anti-chrétien est que la Constitution des États-Unis donne son approbation à toutes les valeurs humanistes athées, les comptant comme « droits humains fondamentaux ».
Tant que nous catholiques n’opposerons pas de résistance à cet article, nous ne devons pas être surpris que notre religion continue de décliner en Amérique.
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Affaire Ulrich KOCH contre Allemagne : la Cour franchit une nouvelle étape dans la création d’un droit individuel au suicide assisté.
- Sur le général de Castelnau et le Nord Aveyron.
- Édouard de Castelnau
- LA « MODERNITÉ » : UN CENTENAIRE OUBLIÉ