Le mariage, le divorce et une casuistique constructive. - France Catholique
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La justice de Dieu
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Le mariage, le divorce et une casuistique constructive.

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Sur ordre du pape François, le Vatican tiendra à l’automne ce qui est annoncé comme une « assemblée extraordinaire » d’évêques et d’autres clercs pour réexaminer les questions sur le mariage et le divorce. Aux Etats-Unis et dans d’autres pays, des « synodes » locaux ont déjà été convoqués pour déterminer quels problèmes préoccupent les catholiques dans les différents diocèses.
Un synode archidiocésain de ce type a été demandé par l’archevêque Listecki de Milwaukee, et s’est tenu récemment. Le Milwaukee Journal en a résumé la teneur :

La majorité des catholiques ayant répondu à une enquête de l’archidiocèse de Milwaukee n’acceptent pas les enseignements de l’Eglise qui prohibent la contraception artificielle et écartent de la réception des sacrements les divorcés remariés. Ils croient que l’Eglise devrait permettre les unions de même sexe. Et ils ne considèrent pas l’Eglise comme une autorité morale sur les questions familiales… Le père David Cooper, curé de la paroisse Saint Matthias de Milwaukee a déclaré… « Dès que Paul VI a refusé de suivre l’avis de sa propre commission sur la famille et la sexualité… un nombre sans cesse croissant de catholiques a perdu foi dans la crédibilité morale du magistère. »

J’ai été membre de l’archidiocèse de Milwaukee durant de nombreuses années, et j’estime que les opinions exprimées lors de ce synode sont très communes dans cette région, tant parmi le clergé que parmi les laïcs. Espérons qu’ailleurs les synodes diocésains seront plus en accord avec l’enseignement de l’Eglise.

Mais même si la majorité veut de tels changements, ceux qui espèrent voir l’encyclique Humanae vitae être dénoncée, ou l’union homosexuelle approuvée, se préparent une grande déconvenue. Le pape François n’a pas demandé un référendum mais plutôt une discussion intelligente sur les cas qui se présentent et ne semblent pas pouvoir être soumis à la règle commune. Et il y a effectivement des cas contemporains qui méritent qu’on en discute, en regard de la théologie morale et du droit canon.

Voici quelques exemples, dont certains me sont familiers :

1) Un jeune couple de fiancés fait savoir à la famille et aux amis qu’ils ont l’intention de ne pas avoir d’enfants. Ils contactent le prêtre de leur paroisse, lui révèlent leur dessein et il donne son accord au mariage, qui est célébré quelques mois plus tard, bénédiction et messe nuptiale. Quelques années plus tard, j’ai rencontré ce prêtre, lui ai rappelé ce mariage et lui ai demandé comment il avait pu approuver un mariage délibérément voulu stérile. Il m’a répondu que, selon Vatican II, les dimensions « unitive » et reproductive » du mariage pouvaient être séparées (NDT : ce qui est faux), et qu’il était important de remettre à l’honneur la dimension unitive, et que donc l’intention unitive était suffisante pour rendre le mariage valide. J’ai fait ressortir qu’un mariage stérile ne pouvait vraisemblablement s’obtenir que par la contraception et/ou l’avortement, mais il ne voyait pas cela comme un problème.

J’augure que ce n’est pas un cas isolé et que de nombreux mariages catholiques sont conclus avec une semblable méconnaissance ou négligence de la nécessité de « l’ouverture à la vie », et sont donc passibles d’annulation, notamment si l’un des époux décide d’avoir des enfants. La validité de tels mariages est même discutable.

2) Deux catholiques contractent un mariage sacramentellement valide. Après quelques années et plusieurs enfants, l’épouse décide de prendre un contraceptif, ou le mari de subir une vasectomie, contre le gré de l’autre époux. Si cette décision se confirme, et que le mariage ne soit pas du genre à survivre à l’absence de relations conjugales, il semble que l’époux innocent devrait pouvoir communier sans culpabilité tant qu’il ou elle n’a pas réussi à convaincre son conjoint de revenir à ses engagements originels.

3) A en juger par les commentaires publics de théologiens et de prêtres, il arrive souvent que des époux s’entendent dire par leurs confesseurs qu’il n’y a pas de problème à utiliser la pilule pour « espacer » les naissances ou qu’ils doivent juste « suivre leur conscience ». En règle générale, on conseille aux pénitents de suivre les conseils de leurs directeurs spirituels, pas de se livrer à une gymnastique théologique pour déterminer si l’obéissance à son confesseur est ou non un péché. Si des pénitents ont reçu un conseil de cet ordre de leurs confesseurs, pourquoi ne pourraient-ils pas licitement communier ? La responsabilité est du domaine des confesseurs. Combien de catholiques fervents ont lu Humanae vitae et/ou sont capable de comprendre que l’usage de la pilule n’est pas uniquement un problème de « santé reproductive » ?

Le privilège paulin s’applique aux mariages contractés par deux non-baptisés, lorsqu’un des conjoints devient chrétien. Il peut être autorisé à se remarier sous certaines conditions sur la base de la « prérogative de la foi » telle que soutenue par Saint Paul dans sa première épitre aux Corinthiens (1 Cor.7 : 15-16). Qu’en serait-il d’un « privilège paulin à rebours » (je ne parle pas du privilège pétrinien, qui concerne les mariages mixtes) lorsqu’un des époux d’un mariage sacramentel perd la foi et même milite contre elle, incitant les enfants à l’athéisme ou au paganisme ?

5) Et pour finir, je pense au cas où un mari, après avoir engendré plusieurs enfants, décide qu’il est gay et divorce. De tels cas deviennent plus fréquents et diffèrent des autres situations maritales tragiques quand un des époux devient alcoolique, violent, adultère ou auteur de sévices sur enfant. Techniquement, quelqu’un se déclarant gay se déclare impuissant, ce qui est le premier empêchement canonique au mariage. Ce facteur doit-il être pris en compte si la possibilité d’annulation du mariage est évoquée ?

Il est clair que la révolution sexuelle des années soixante et la contestation très répandue concernant la contraception (sans même parler des « redéfinitions libérales » du mariage) ont changé le type et la fréquence des problèmes qui se posent pour maintenir intact l’engagement du mariage catholique.

Ce sont des problèmes qui méritent d’être examinés et j’ai une grande admiration pour les canonistes et médiateurs qui, de nos jours, essaient en toute conscience de préserver le mariage sacramentel au milieu des nombreux défis, dont ceux mentionnés ici.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/marriage-divorce-and-constructive-casuistry.html


Howard Kainz est professeur émérite de philosophie à l’université de Marquette.

Note sur le privilège paulin : Après avoir insisté sur l’indissolubilité du mariage contracté devant Dieu, Saint Paul aborde le problème des couples païens où l’un des époux se convertit. Il est d’avis que si le conjoint non chrétien ne supporte pas d’être marié avec un chrétien/ une chrétienne, le conjoint chrétien doit lui laisser la liberté de rompre le lien conjugal et se trouve alors dégagé de toute obligation à son égard. Ce qui implique pour le conjoint chrétien la possibilité de contracter une nouvelle union, sacramentelle cette fois.