Feu le Père Richard John Neuhaus prêchait toujours : « espérez.» Et alors qu’à chaque étape les « guerres culturelles » de nos politiciens vont s’aggravant, on pourrait l’entendre dire : « il doit y avoir encore une échappatoire.»
Les échos du Père Neuhaus résonnaient de plus en plus faiblement alors qu’en petit groupe nous piétinions devant la Cour Suprême mercredi dernier 29 avril après les plaidoiries sur le mariage. Quelques amis s’accrochaient à quelques paroles prononcées par le Juge Kennedy, réveillant leur espoir qu’il pourrait enfin, au dernier moment, reculer et quitter la voie qu’il avait tracée depuis dix-neuf ans. Cette voie s’était tracée pas à pas comme pour atteindre le sommet du « droit constitutionnel » au mariage homosexuel.
Pour Kennedy, tout avait été lancé sur les bases qu’il avait établies dans l’affaire Romer contre Evans (1996) : la répulsion envers l’homosexualité ne pouvait s’expliquer que par une animosité irrationnelle. Ainsi donc, il n’était pas sensé pour un État d’inclure dans sa législation un argument hostile à l’homosexualité.
Mais alors, un État ne pouvait refuser de reconnaître un mariage homosexuel contracté dans un autre État — ce qui a promu l’Acte de Défense du Mariage de 1996, tentative pour faire échouer l’autorité des États et préserver le mariage traditionnel.
Dans l’affaire Lawrence contre l’État du Texas (2003), Kennedy remit à la Cour, sur les mêmes bases, des conclusions opposées aux lois contre la sodomie. Il érigeait une protection contre tout jugement moral sur la liberté des gays et lesbiennes dans l’intimité sexuelle de leur vie privée. À cette époque, il insistait, cette décision ne devrait ouvrir à aucune autre « reconnaissance formelle » sur les relations homosexuelles, allusion à une éventuelle reconnaissance du mariage homosexuel.
Le Juge Scalia émit une contradiction fracassante : « Je n’y crois pas.» Puis, voici deux ans, dans le procès U.S. contre Windsor, Kennedy attaquait une partie de l’Acte de Défense du Mariage, car il déclarait avoir découvert qe cet Acte excitait une fois de plus l’animosité contre l’homosexualité, haine irrationnelle que rien ne pouvait justifier.
Les chambres basses fédérales s’emparèrent vite de l’argument, et commencèrent à casser les lois et règles constitutionnelles des États refusant le mariage de même sexe, car, après tout, si ces lois s’appuyaient assez sur une animosité irrationnelle, elles ne pouvaient, d’évidence, se fonder sur des « justifications » raisonnées.
Mais revenons à la Cour Suprême pour un appel soumis au 6ème Cirduit Fédéral sur les lois du mariage de l’État de l’Ohio. Alors, curieusement, dans son introduction, le Juge Kennedy prononçait des paroles de prudence. Le mot-clé était : « Millénaire » : « Cette définition est nôtre depuis des millénaires. Et . . . . la Cour aura bien de la peine à dire, « oh, eh bien on trouvera une meilleure définition ».»
Le Juge Breyer, du côté libéral, tint le même langage. « Le mariage, tel que nous le connaissons, a été la loi partout depuis des milliers d’années pour des gens qui ne rejetaient même pas les homosexuels, et, tout d’un coup, vous voudriez que neuf personnes hors suffrage obtiennent des États . . . . le changement du mariage pour y inclure les homosexuels.»
Était-ce l’écho d’une prudence retrouvée incitant à la précaution? Ou n’étaient-ce que les gesticulations de juges feignant l’effort avant de continuer ce qu’ils avaient souhaité faire de tout temps? L’effort disparaîtrait vite. On nous dira que « l’esclavage a été une des plus anciennes institutions, elle aussi comptant des millénaires avant qu’on en comprenne le caractère nuisible.» Les conservateurs invoquent la « tradition » comme prétexte pour soutenir le point de vue qu’ils veulent défendre. Supprimez la tradition, et leur point de vue s’effondre.
Seul le Juge Alto a soutenu la question que j’ai posée maintes fois à mes lecteurs. Si le mariage était séparé de son objet, avoir des enfants, quelle raison pourrait réduire le mariage à une vie en couple? Alito énonce le problème de quatre personnes — deux hommes, deux femmes — souhaitant « se marier en un ensemble ». Où serait la logique de leur refuser ce même droit? On a aussi entendu parler de « Tricouples », ensembles de trois personnes, et on peut bien être certain qu’ils iront chercher aussi la réponse à la même question.
Mary Bonauto, défendant le mariage homosexuel, répliqua que « plusieurs personnes s’unissant en une relation commune, ce n’est pas la même chose que ce qu’on a dans le mariage, qui est . . . . soutien réciproque et consentement mutuel de deux personnes.» S’agit-il d’une simple stipulation? Elle répondit : « il faut deux personnes.» Bon, insistons en suivant ce raisonnement : « il faut qu’ils soient un homme et une femme.»
Mme Bonauto voyait dans ces ensembles [multiples] des problèmes de « consentement et de coercition. » Non, répliqua Alito, « disons qu’il s’agit d’adultes consentants, d’un haut niveau d’instruction. Ils sont tous juristes.» À ces questions il n’y avait pas de réponses valables, alors qu’Alito tentait de trouver les limites au principe qui changerait nos institutions et nos modes de vie.
C’est le genre de questions typiquement mises en avant par les juges conservateurs. Et elles auraient fort bien pu être soutenues ici pour révéler encore plus fortement l’incohérence des arguments en faveur du mariage de mêmes sexes. Mais il n’y eut aucun autre juge conservateur pour suivre Alito et poursuivre l’argumentation. Les juges conservateurs semblaient abasourdis, incrédules, comme nous tous.
La sentence est maintenant hors de leur portée, ils ne peuvent que s’accrocher, et nous avec, à l’espoir du renversement des états d’âme du Juge Kennedy.
5 mai 2015.
Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/05/05/marriage-and-the-court-clinging-to-the-strands-of-hope/
Photo : Nous attendons le renversement des états d’âme du Juge Kennedy.
Pour aller plus loin :
- 300e anniversaire de la mort de Richard Simon
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- Sur le général de Castelnau et le Nord Aveyron.
- Affaire Ulrich KOCH contre Allemagne : la Cour franchit une nouvelle étape dans la création d’un droit individuel au suicide assisté.
- Édouard de Castelnau