Il y a aujourd’hui soixante-quinze ans, l’évêque de Münster, Clemens August Graf von Galen, condamnait depuis la chaire de sa cathédrale le programme euthanasique nazi :
« si vous établissez et appliquez le principe selon lequel vous avez le droit de tuer les être humains improductifs, alors malheur à nous tous quand nous deviendrons âgés et fragiles !… Est-ce que vous avez, est-ce que j’ai le droit de vivre uniquement tant que nous sommes productifs ?… Plus personne ne sera en sécurité. Qui pourra faire confiance à son médecin ? On ne peut imaginer quelles conduites perverses, quelle suspicion pourrait pénétrer la vie des familles si cette terrible doctrine était tolérée, adoptée, menée à terme. »
Ayant été témoin de l’essor du nazisme et de ses tactiques brutales, von Galen était passé à l’offensive peu après que Hitler soit devenu Chancelier. Dans sa lettre pastorale de Carême de 1934, il mettait en garde ses ouailles contre l’impie idéologie nazie. Deux ans plus tard, il pointait la persécution anti-chrétienne :
« Il y a en Allemagne de nouvelles tombes contenant les restes de ceux que le peuple allemand regarde comme des martyrs. »
Fervent défenseur de la liberté catholique, il soutenait des requêtes exigeant le droit pour les enfants d’être instruits dans des institutions catholiques. Il avait également rassemblé un groupe de scientifiques catholiques pour réfuter les doctrines raciales anti-chrétiennes et anti-sémites formulées dans le livre de l’idéologue nazi Alfred Rosenberg : « le mythe du vingtième siècle ».
Pie XI a fait venir von Galen à Rome pour les aider, lui et le cardinal Eugenio Pacelli (le futur Pie XII) à rédiger l’encyclique Mit Brennender Sorge, qui condamne « le mythe de la race et du sang » du nazisme.
Cependant, Mgr von Galen est mieux connu pour avoir combattu les efforts du régime pour éliminer les « personnes en mauvaise condition physique. » Le personnel médical allemand avait largement adopté le National Socialisme – pour eux, le racisme nazi était « de la biologie appliquée » – et fournissait les idées et les techniques qui conduisaient à un massacre sans précédent.
Hitler lui-même était un fervent partisan de l’euthanasie. Dès 1935, il disait à Gerhard Wagner, président de la ligue des médecins nazis, que « l’euthanasie à grande échelle devrait attendre la déclaration de guerre car il serait alors plus facile de la gérer. »
Six centres euthanasiques ont ouvert dans les premières années de guerre sous le nom de Fondations Charitables de Soins Institutionnels. Comme le nom le suggère, le meurtre était justifié comme acte compassionnel.
Von Galen a immédiatement condamné ces « centres » dans une série de sermons. Le dimanche 13 juillet 1941, il a averti que personne n’était à l’abri d’être « enfermé dans les cellules et les camps de concentration de la Gestapo… Le droit à la vie, à l’inviolabilité, à la liberté sont une part indispensable de l’ordre moral de la société… Nous réclamons la justice ! »
Un semaine plus tard, il condamnait la récente fermeture, par la Gestapo, des maisons religieuses, écoles, couvents, monastères, abbayes, et la confiscation des propriétés :
Restez fermes ! Nous voyons et expérimentons clairement ce qui se cache derrière les nouvelles doctrines que l’on nous impose depuis des années, pour la sauvegarde desquelles la religion a été bannie de nos écoles, nos organisations supprimées et maintenant nos jardins d’enfants catholiques sur le point d’être abolis – il y a une haine profondément enracinée contre le christianisme, qu’ils sont déterminés à détruire.
Peu après, von Galen administrait le coup de grâce. L’article 31 du code pénal allemand stipule que « quiconque ayant connaissance d’un projet de commettre un crime contre la vie d’une personne et qui manque à informer en temps voulu les autorités ou la personne dont la vie est menacée… commet une infraction passible de poursuites pénales. »
Von Galen alla voir les autorités pour rapporter que des patients « classés comme improductifs » dans un hôpital local étaient transférés vers un hôpital psychiatrique où « ils allaient être mis à mort intentionnellement. »
Sa plainte étant tombée dans l’oreille d’un sourd, courageusement, il la rendit publique :
« Nous devons donc nous attendre à ce que les pauvres patients sans défense soient, tôt ou tard, mis à mort. Pourquoi ? Non parce qu’ils ont commis un délit quelconque… mais parce que selon le jugement de quelque administration, selon la décision de quelque comité, ils sont devenus « indignes de vivre », parce qu’ils sont classés comme « membres improductifs de la communauté nationale. »
Et il appela les fidèles à dire franchement ce qu’ils pensaient « sinon nous serons contaminés par leurs façons de penser et leurs actes impies, sinon nous serons complices de leur faute. »
Le sermon devint « viral ». Les forces clandestines anti-nazi le firent circuler dans tout le Reich et des avions britanniques en répandirent des copies sur les villes allemandes. De nombreux officiels nazis réclamèrent que l’évêque soit accusé de trahison et pendu. Le docteur Joseph Goebbels n’était pas d’accord.
Il a averti que l’exposé de von Galen sur l’euthanasie avait monté de nombreux Allemands contre le régime et qu’il serait « presque impossible » pour le parti nazi de maintenir sa popularité si von Galen était sanctionné.
Hitler approuva. Il ordonna que l’euthanasie soit arrêtée et que cessent les attaques contre les propriétés de l’Eglise. Il était clair cependant qu’après la victoire de l’Allemagne, il « demanderait des comptes » à von Galen et lancerait « un nouveau programme euthanasique. »
En 1941, Pie XII a écrit dans une lettre à un autre évêque allemand :
« Les évêques qui avec un tel courage et en même temps dans une forme aussi irréprochable se lèvent pour défendre la cause de Dieu et de la Sainte Eglise, comme l’a fait Mgr von Galen, auront toujours notre soutien. »
Lors du premier consistoire de son pontificat, Pie XII nomma von Galen cardinal pour « sa résistance intrépide au National Socialisme. » Lors de cet événement, les Allemands présents place Saint Pierre l’acclamèrent, le nommant le « Lion de Münster. »
Un mois plus tard, von Galen mourait.
Le président de l’association allemande des communautés juives commenta :
« Le cardinal von Galen fut l’un des rares hommes droits et probes qui ont combattu le racisme dans une période très difficile. Nous devrons toujours honorer la mémoire du défunt l’évêque. »
Quarante ans plus tard, le pape Jean-Paul II a visité la cathédrale de Münster pour prier sur sa tombe.
La devise épiscopale de von Galen était : Nec Laudibus, Nec Timore – « indifférent aux louanges comme à la crainte. » Si l’Eglise actuelle cherche un exemple à suivre, elle en a un splendide specimen en von Galen et sa défense publique résolue des libertés et vérités chrétiennes, face à l’un des régimes les plus meurtriers des temps modernes.
George J. Marlin, président de l’Aide à l’Eglise en Détresse aux USA, est un rédacteur de The Quotable Fulton Sheen et l’auteur de plusieurs livres.
Illustration : le cardinal von Galen
Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/08/03/the-lion-of-munster/
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