Dans l’Evangile, le Christ veille à s’assurer que nous prenons bien au sérieux le sujet de « l’accomplissement ». Par exemple : « N’allez pas croire que je suis venu pour abolir la Loi ou les Prophètes. Je ne suis pas venu pour abolir mais pour accomplir. Amen, je vous le dis, avant que ne passent le ciel et la terre, pas la plus petite lettre ou la plus petite partie de la Loi ne passera, que toutes tout ne soit réalisé » (Mt. 5, 17-20).
Dans le récit de la Passion (dimanche des Rameaux et Vendredi saint), l’accomplissement ressurgit : « J’ai ardemment désiré manger cette Pâque avec vous avant de souffrir, car, je vous le dis, je ne la mangerai jamais plus jusqu’à ce qu’elle s’accomplisse dans le royaume de Dieu. » (Lc. 22,14)
Accomplissant involontairement la prophétie logée dans le psaume 22, les soldats au pied de la croix décide de tirer au sort le vêtement de Jésus : « Ne la déchirons pas, mais tirons au sort qui l’aura », afin que le passage de l’Ecriture soit accompli qui dit : « Ils se sont partagé mes habits et ont tiré au sort mon vêtement. « (Jn. 24)
Quand le Christ « accomplit » les Ecritures, Il manifeste l’unité de la révélation de Dieu. L’Ancien Testament est à la base du nouveau Testament. L’Epitre aux Hébreux commence : « Dans le passé Dieu a parlé à nos ancêtres par les prophètes à maintes reprises et sous des formes [partielles], mais dans ces derniers jours il nous a parlé par le Fils, qu’il a établi héritier de toutes choses, par qui il a aussi fait les siècles. » (He., 1, 2)
Le message est clair et consolant pour les juifs, les destinataires de l’épître. Le christianisme n’est pas entièrement « nouveau », requérant le rejet de tout ce qui est venu avant le Christ. Il est « nouveau » dans la seule mesure où le Christ résume dans Sa Personne et complète parfaitement tout ce que Dieu a révélé de l’ancien. En ce sens, le Christ est le « Juif parfait ».
Que toutes choses soient accomplies et renouvelées dans le Christ implique une vérité exigeante et très encourageante. L’Eglise transmet les vérités du Christ et les présente à nouveau à chaque génération. L’infaillibilité de l’Eglise et le pape ne permettent pas « d’inventer » de nouvelles doctrines dans les matières de foi et de morale, mais de présenter, promouvoir et clarifier les vérités du Christ.
Pour emprunter une caricature qui vient de certains protestants, le pape n’a pas autorité par exemple pour déclarer un changement dans le dogme de la Sainte Trinité en y ajoutant Marie comme quatrième personne (bien que certains catholiques trop zélés s’en soient dangereusement approchés). On dira la même chose pour une quantité d’enseignements impliquant les Dix Commandements et les normes morales traditionnellement dérivées du Décalogue.
Le changement radical dans la doctrine ne fait partie du lexique catholique – si cela l’est, quelle que soit la source, c’est en dehors de la Foi. La ferme doctrine de « l’accomplissement dans le Christ » garantit qu’une règle de logique s’applique à la Foi : le principe de non-contradiction. Les vérités de la Foi, telles qu’elles sont transmises d’âge en âge, ne se contredisent jamais l’une l’autre.
Il y a une grande beauté et une grande espérance dans la notion d’ »accomplissement » dans le Christ. Il n’y a pas de « changement radical » à moins qu’il y ait une nécessité pour nous de se mettre en accord – de se mettre en accord avec le Christ aussi bien qu’avec la foi juive (la Loi et les Prophètes) avant Lui. Certainement, « les œuvres de la loi [mosaïque] (comme la circoncision, qui sont le prix de l’identification avec « le Peuple élu ») ne sont plus nécessaires parce que dans le Christ, la loi a été intériorisée par la grâce chez les disciples du Christ.
Et le culte juif – le culte de la synagogue et les sacrifices du Temple ont été remplacés par le seul sacrifice du Christ. Mais tous les éléments sont là pour l’assemblée qui convient à la Messe – la synagogue cède à la Liturgie de la Parole, et les sacrifices du temple cèdent à la Liturgie sacrificielle non sanglante de l’Eucharistie. (Voir Benoît XVI : L’esprit de la Liturgie).
Mais si le Christ est le « Juif parfait » parce qu’Il accomplit tout ce qui est venu avant Lui, Marie elle-même pourrait elle aussi être comparée à une « Juive parfaite », même avant que le Christ soit entré dans l’histoire comme homme. Marie participait à la Rédemption avant qu’elle prît place dans le temps par Sa Conception Immaculée. Mais Marie avait besoin de recevoir l’enseignement de la foi juive et en recevant la foi elle est restée sans péché.
Ce qui signifie que Marie vivait la foi juive avec perfection et que la foi juive était sainte, belle et bonne. Saint Paul avertit que la loi juive – nécessaire à cause du péché – a été remplacée par la Loi du Christ. Mais Marie « a décodé » la véritable signification spirituelle de l’ancienne loi avant le Christ, et a vécu, sans transgression, conformément à la loi de Dieu, une loi qui renforçait la loi écrite dans son cœur immaculé. Marie reçut par conséquent la formation d’une bonne juive.
Cela signifie que ses parents Joachim et Anne – et d’innombrables autres juifs comme Joseph, Zacharie et Elisabeth – étaient de la même façon « des juifs proches de la perfection ». Contrairement à l’exemple des scribes et des pharisiens, ils vivaient et enseignaient la foi juive avec une compréhension tout à fait claire – ou simplement, tout à fait intuitivement, un amour – des traditions de la foi juive.
En obéissance ils vivaient correctement et d’une façon véritablement « non fragmentaire » la foi avant le définitif accomplissement dans le Christ. Et ils fournissent à ceux d’entre nous qui sont encore tout à fait imparfaits l’assurance qu’un tel accomplissement est aussi possible pour nous.
La sainte doctrine de la continuité et de l’accomplissement fortifie et transmet l’entière vérité du Christ à travers les générations. Rattacher la vie et l’enseignement du Christ au passé révèle finalement la perspective de de la perfectibilité progressive de la nature humaine, blessée comme elle est par le péché, en commençant sous la tutelle bienveillante de la loi de l’Ancien Testament.
Comme Alban Goodler, s.j., le fit observer un jour : Marie dans son immense chagrin, pur de tout péché, lors de la Crucifixion, ne désespéra pas. Sa foi pure, inébranlable, devint le fil unique et incassable rattachant l’ancienne alliance à la nouvelle, au pied de la Croix.
Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/03/20/the-perfect-jew/
Dimanche 20 mars 2016