Le frère Philippe Jeannin était ce mercredi 14 avril le « grand témoin » sur Radio-Notre Dame. Il vient de prendre la responsabilité du Jour du Seigneur (la messe télévisée sur France 2).
Le frère Philippe Jeannin se trouve ainsi placé au cœur de la transmission de la foi, et celle-ci est associée à la célébration de la messe dominicale. D’un certain point de vue, cette situation est idéale. En effet, il y a toujours danger de glisser vers la controverse apologétique de type idéologique, lorsque la présentation de la foi n’est pas intimement liée à ce que le Père Jousse aurait appelé « la manducation de la parole » et la constitution du corps eucharistique à travers l’offrande actualisée du mystère de la croix. Toutes nos gloses, nos efforts les plus méritoires pour présenter de la façon la plus vivante à nos contemporains le contenu de la foi doivent nécessairement se rapporter à la mission sacramentelle de l’Eglise.
Ne nous cachons pas la réalité: c’est extrêmement difficile à faire admettre, notamment dans le système présent de communication. Très souvent, ce système n’admet que ce qui correspond à ses propres normes de fonctionnement. Le sociologue-philosophe Lucien Sfez a expliqué, déjà il y a un certain temps, qu’un tel système était à la fois autiste et tautologique. Pardon de ces mots trop savants, mais ils renvoient à des notions au fond assez simples. L’autiste, c’est celui qui se replie sur son propre monde et est insensible à ce qui lui est extérieur. Quand à la tautologie, c’est l’attitude mentale qui consiste à tout phagocyter dans sa propre logique, ses propres modèles. Et lorsque le religieux est en proie au traitement de la communication, il n’en sort pas vivant.
Je n’ai pas le temps d’argumenter cette thématique. Il me suffira de l’illustrer brièvement. Prenons l’exemple du sacerdoce qui est, en ce moment, au cœur du drame terrible de la pédophilie. Pour le système de communication, le problème est redoutablement simple. Ce qui ne colle pas avec cette tradition du célibat consacré, c’est que le prêtre ne correspond pas au modèle imposé de consommation sexuelle. On nous explique, de façon publicitaire et donc simpliste, que non-consommateur, le célibataire est forcément prédateur, et qu’il convient au plus vite d’abolir cette règle inhumaine pour qu’enfin le prêtre moderne rentre dans le modèle universel. Bel exemple d’autisme et de phagocytage. On ignore par principe, que depuis les origines chrétiennes, le prêtre se trouve transformé par son ministère dans un processus qui modifie les logiques de ce monde, en le vouant, au royaume eschatologique. Bien sûr, nous savons que ce langage est inaudible pour beaucoup de nos contemporains. Mais ce n’est pas une nouveauté. Il l’était déjà du temps de Jésus comme l’atteste l’Évangile: « Que celui qui peut comprendre, comprenne. » (Mt, 19-12)
Dans la logique de la communication, le célibat consacré est rigoureusement incompréhensible. Ce n’est que par l’entrée dans le mystère du Royaume qu’il nous est permis d’entrevoir une relation constamment attestée par la Tradition ecclésiale depuis les origines apostoliques.
Et pour en revenir à mon propos initial et au Jour du Seigneur, ces choses ne s’éclairent qu’à travers la construction du corps eucharistique. L’Église n’est qu’un concept institutionnel sans vrai contenu si elle n’est pas restituée à l’eucharistie qui lui donne sa substance et constitue sa visibilité authentique pour nous-même et nos contemporains.
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