En fouillant la caverne de Petralona, le paléontologiste grec Arès Poulianos vient de découvrir l’homme le plus ancien d’Europe à ce jour : un pithécanthrope1, dont l’environnement et les particularités donnent à penser.
D’abord la date où il vécut, calculée séparément, par des méthodes différentes et naturellement sur des vestiges différents : environ 700 000 ans2.
Le squelette est celui d’un vieillard, mort apparemment de mort naturelle dans un coin retiré de la caverne, ou bien, autre hypothèse, transporté là après sa mort. De toute façon, la disposition du corps semble indiquer une conscience de la mort, que ce soit chez lui ou chez ses compagnons.
Ensuite sa nourriture : c’était un chasseur et qui cuisait sa viande, car on a trouvé des traces de feu, de cendres, des os partiellement consumés (hyènes, panthères, lions, renards, loups, ours, souris, oiseaux, grenouilles). Si M. Poulianos et les laboratoires canadiens et japonais ne se trompent pas, c’est là la plus ancienne trace au monde du feu domestiqué (ajoutons toujours : jusqu’à la prochaine découverte)3. Enfin ses outils : de pierre, naturellement, quartz et bauxite grossièrement taillés. La pièce la plus intéressante est un « couteau » à deux tranchants dont un seul porte des traces d’usure. Ce petit couteau est lourd de sens : s’il n’est usé que d’un côté, c’est que son propriétaire, mais pas forcément son auteur, était droitier. Autrement dit, l’objet semble avoir été fabriqué par quelqu’un qui avait prévu de le céder soit à un droitier, soit à un gaucher. Autre hypothèse : l’auteur, quoique droitier, n’avait pas conscience de l’être, mais disposait d’une certaine idée de symétrie. Tout cela est troublant. Le crâne de ce pithécanthrope est d’allure bestiale. Cependant, l’usage du feu implique déjà l’usage d’un parler symbolique, fût-il rudimentaire : l’être de Petralona, tout bestial qu’il était, avait franchi le seuil… Il était de notre côté.
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Une fois de plus, nous voici confronté au mystère des mystères : quelles furent les pensées de ces êtres disparus depuis des centaines ou des milliers de siècles ?
Si l’homme de Petralona est évoqué ici, ce n’est pas seulement parce qu’il est une toute récente découverte sur le passé lointain de l’homme. C’est pour introduire un livre à la fois téméraire et génial qu’un physicien de formation, Jean-Jacques Walter4, vient de consacrer à la préhistoire spirituelle de l’homme (a).
Téméraire, car il n’est pas admis, du moins en France, qu’un physicien utilise son outillage intellectuel à autre chose qu’à la physique. Cela ne se fait pas. Toute science est une chasse gardée, non d’ailleurs sans arguments valables : comment un même esprit pourrait-il acquérir une double maîtrise, quand chaque spécialité requiert tout l’effort de la pensée ? Il se trouve pourtant que certains esprits réussissent ce tour de force : voyez George Dumézil, aussi stupéfiant par sa science linguistique que par sa connaissance des vieilles littératures. Le savant, naturellement orgueilleux, s’incline toujours de mauvaise grâce devant les esprits exceptionnels, qui provoquent le désordre et encouragent par leur exemple la présomption des amateurs5.
Le livre passionnant de J.-J. Walter devrait en même temps semer un fécond désordre et décourager les écervelés et les présomptueux.
Il est physicien, c’est vrai : mais il a passé plus de quinze ans de sa vie à collectionner vingt mille mythes, à en établir un échantillonnage de deux mille cinq cents selon des méthodes dont seul un spécialiste exercé aux sciences exactes pouvait connaître à fond la puissance et les limites, à lire les auteurs, enfin à élaborer ses conclusions.
Or, ces conclusions n’auraient jamais pu être soupçonnées autrement que par une réflexion multidisciplinaire. C’est pourquoi il peut attendre tranquillement les réactions de mauvaise humeur. Ce que J.-J. Walter nous propose ne pouvait être conçu que par un homme comme lui. Essayons de résumer son livre.
1. Toutes les cultures grandes et petites ont leur mythologie, que ce soit celles de la Grèce homérique et de la Chine des Ming, ou celle de telle tribu prisonnière d’une petite vallée de Sumatra. Non seulement on est très loin de les connaître toutes, mais c’est là une ambition illusoire, car des milliers et des milliers de cultures petites et grandes ont disparu sans laisser de traces, et des cultures nouvelles ne cessent de naître. Le monde des mythes est potentiellement infini, puisque aussi ancien que l’homme et en perpétuelle évolution.
2. Cependant la mise en fiche des mythologies connues fait apparaître des structures. En fait, les vingt mille mythes connus montrent une redondance de l’ordre de dix : au-delà de deux ou trois mille, les thèmes ne font que se répéter, et cela, pour commencer, par-dessus les dizaines de siècles de l’histoire. J.-J. Walter montre par le calcul que d’une part, il est impossible d’épuiser complètement le répertoire des thèmes, mais qu’en revanche un échantillonnage de 2 500 mythes en fournit une image à très peu près globale et complète. En connaître deux fois plus n’accroîtrait qu’insensiblement la clarté de l’échantillon.
3. Ce qui va sans cesse se répétant, c’est le sens, la signification du mythe, tels que les révèlent non seulement leur comparaison mutuelle (exercice dont on a montré les difficultés) mais leur juxtaposition avec les mythes des psychologies de l’inconscient. Les lecteurs de cette chronique savent mon scepticisme à l’égard des prétentions scientifiques des diverses écoles de psychanalyse. Évidemment, la psychanalyse n’est pas plus une science que le mythe. Elle est un ensemble, un corps de mythes, d’ailleurs variable d’une école à l’autre6. Il faudrait ici proposer une réflexion plausible sur ce fait extraordinaire, démontré par Walter : le sens symbolique des mythes de l’humanité est le même que celui des mythes de la psychanalyse. J’avoue ma perplexité. Est-ce bien le sens qui est le même ? En tout cas quelque chose est identique, même si (peut-être), il reste à préciser ce que c’est. Problème qui, on va le voir, n’est pas le plus important.
4. En effet, Walter montre que toute l’histoire de l’humanité a oscillé entre l’adhésion à deux mythes contradictoires : celui de la Grande Déesse et celui du Grand Dieu. La Grande Déesse symbolise la fécondité, le plaisir, la régression de l’esprit vers la nature, la mort. Le Grand Dieu personnifie l’acte créateur suprême, l’évolution vers le spirituel, la liberté, l’élan vers la vie éternelle. Il me semble que la définition détaillée de la Grande Déesse et du Grand Dieu subsisterait, intacte et non moins bien démontrée, sans le soutien des mythes psychanalytiques.
5. Mais voici l’originalité vraiment géniale du livre. Il s’agit de la datation des mythes. Cela paraît incroyable, mais Walter a trouvé une méthode physique permettant de remonter à travers les rêves, croyances et traditions de l’humanité jusqu’aux origines lointaines de l’Homo sapiens, se rapprochant ainsi de ce que j’appelais plus haut le mystère des mystères ! Il a, peut-on dire, trouvé une méthode de datation de la « spiritualité fossile », véritable œuf de Christophe Colomb de notre préhistoire intérieure. Cette méthode est simple, matérielle, irréfutable : il suffisait d’y penser. Je laisse au lecteur la surprise de la découvrir (car j’espère bien que l’on me croira quand je dis que ce livre est passionnant)7.
6. Donc, Walter remonte à travers les centaines de siècles jusqu’aux traditions des origines. Et que découvre-t-il ?
Tout simplement l’histoire du jardin. Cette histoire qu’on voulait opposer à la science, les hommes en fait se la racontent de mille et mille façons depuis l’événement lui-même, l’événement veux-je dire, depuis le temps lointain où il fut vécu par eux. Non seulement elle n’est pas contraire à la sienne, mais elle l’explique. Les premiers versets de la Genèse montrent que les hommes n’ont simplement jamais oublié leur éveil du monde animal, le drame de la tentation, le choix fatal, la chute. Walter se borne à ce que peut énoncer un savant8. Mais que de sujets de méditation prolongent son livre ! Et comme on se découvre changé par cette vision intérieure de notre naissance ! C’est un deuxième éveil.
Aimé MICHEL
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(a) J.-J. Walter : Psychanalyse des rites (Denoël, Paris 1977).
Chronique n° 288 parue dans F.C. – N° 1605 – 16 septembre 1977
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Notes de Jean-Pierre ROSPARS du 27 juillet 2015 http://www.france-catholique.fr/S-abonner-a-France-Catholique.html
Notes de Jean-Pierre ROSPARS du 27 juillet 2015 http://www.france-catholique.fr/S-abonner-a-France-Catholique.html
- La grotte de Petralona se trouve en Grèce à une trentaine de km de Thessalonique. Cette vaste grotte, dont la partie principale a une longueur de 157 m, a été découverte par un berger plusieurs années avant qu’un spéléologue en fasse les premières descriptions en 1959. L’année suivante, un crâne est découvert en surface dont seule la mandibule manque. Appelé Archanthropus il est aujourd’hui rangé dans l’espèce Homo erectus (homme debout), à laquelle l’Homme de Terra Amata ou de Tautavel par exemple appartiennent aussi, et qu’on appelait jadis Pithécanthrope (homme singe). La découverte de ce crâne incita l’université de Thessalonique à commencer des fouilles qui ne furent pas faites avec soin et dont les résultats n’ont jamais été publiés (http://www.aee.gr/english/6petrlona/exc_history/exc_history.htm). Arès Poulianos dirigea les premières excavations systématiques en 1968 mais reçut du président de l’Académie des Sciences grecque l’ordre de les interrompre. Après la chute de la junte militaire, il put les reprendre de 1974 à 1983, date à laquelle elles furent à nouveau interdites jusqu’en 1996. Quoiqu’il en soit de ces vicissitudes, la grotte de Petralona a livré de très nombreux outils. Ceux des couches les plus anciennes sont des galets taillés. La manufacture des outils s’améliore lorsqu’on remonte vers les couches plus récentes, ce qui indique que la grotte a été utilisée pendant très longtemps. Fait remarquable on a même trouvé de petites pièces en bois, une feuille de chêne et, dans la partie où se trouvait le crâne, des alènes en os qui servaient à assembler des peaux.
- Cette datation du crâne fossile de Petralona a été l’objet de controverses dont la revue scientifique Nature s’est faite l’écho en 1982 (vol. 299, pp. 280-282). Rainer Grün, un spécialiste australien de la datation du Quaternaire, s’est livré à un examen critique de l’ensemble des mesures faites sur divers prélèvements plus ou moins bien associés au crâne (A re-analysis of electron spin resonance dating results associated with the Petralona hominid, J. Human Evolution, 30, 227-241, 1996). Son étude illustre bien la diversité des problèmes à résoudre pour établir une bonne chronologie. L’auteur ne retient comme prélèvements fiables que les dépôts de calcite qui étaient attachés au crâne. Il liste les datations publiées entre 1980 et 1992 sur 25 échantillons de ces dépôts par 5 équipes différentes à l’aide de deux méthodes (le rapport Thorium 230/Uranium 232 et la spectrométrie par résonnance de spin RSE). Hormis deux valeurs extrêmes (650 000 et 84 000 ans) les dates obtenues varient de 451 000 à 127 000 ans. Selon Grün, les erreurs sur les âges déterminés par la RSE ont été sous-estimées et les âges eux-mêmes surestimés. Après réévaluation, les âges RSE sont en bon accord avec les âges U/Th. Il conclut de l’ensemble de ces datations que le crâne de Petralona n’est vieux que de 200 000 ± 50 000 ans. On est donc très loin de l’âge retenu au début des analyses.
- Arès Poulianos estimait même l’âge des traces de feu les plus anciennes de Petralona à 1 million d’années en se fondant sur le paléomagnétisme et la faune associée. Toutefois, il ne semble pas que cette datation ait reçu l’assentiment des spécialistes. En effet, on a vu à propos de la chronique n° 237, L’homme dénudé par la machine – Tout ce qui n’est pas son âme sensible et contemplative sera bientôt évacué dans la machine (08.12.2014) que les plus anciens foyers datés de manière fiable connus actuellement ont 790 000 ans. Ils ont été découverts en Israël et sont attribués également à un Homo erectus. Les suivants par ordre chronologique sont en Europe et ont moins de 700 000 ans.
- Jean-Jacques Walter faisait également partie du réseau informel de réflexion sur les ovnis dont Aimé Michel était un des nœuds [Note de Bertrand Méheust]. Leur relation remonte au moins au début des années 60 puisque J.-J. Walter intervient dans une émission de télévision sur les ovnis réalisée par Aimé Michel vers 1965 et récemment mise en ligne par l’INA. Il y parle (déjà) des planètes extrasolaires et ses conclusions pour être scientifiquement prématurées (en 1965) n’en sont pas moins prémonitoires. Né en 1932 cet ingénieur de l’École des Mines est l’auteur d’une dizaine de livres dont Dieu au futur : Les invariants de l’évolution (Éditions de l’Épi, 1968), Planètes pensantes : Planètes habitées, qu’en dit la science ? (Denoël, 1980), Les Machines totalitaires (Denoël, 1982), Le visage du Christ : Résultats scientifiques sur le Linceul de Turin, (O.E.I.L., 1986), Crépuscule de l’Islam (Éditions de Paris, 2005), Le Coran révélé par la théorie des codes (Éditions de Paris, 2014). Ces titres témoignent de l’étendue de ses intérêts.
- Ce paragraphe fait écho au passage de la chronique n° 374, Quand l’adversaire éventuel nous dit ses points faibles – La défense de l’Europe face à l’Union soviétique dans les années 1980, mise en ligne la semaine dernière, où Aimé Michel évoque sa propre témérité de « spécialiste de la non spécialité » dont la spécialité est… de lire les spécialistes !
- Aimé Michel a, de façon répétée, critiquer les prétentions scientifiques de la psychanalyse a une époque où elle était particulièrement en vogue. On trouvera une liste de ses chroniques sur ce sujet dans la n° 145, Le refus de l’idole – Débat contradictoire avec un lecteur à propos de la psychanalyse, mise en ligne le 15.04.2013.
- La méthode de datation proposée par Jean-Jacques Walter est fondée sur le peuplement de l’Amérique du Nord. Selon une théorie classique bien que discutée (voir la chronique n° 258, Le pot au noir de l’ascendance humaine – De l’asymétrie des acides aminés au peuplement de l’Amérique, 11.05.2015), ce peuplement résulte de migrations successives de populations venant d’Asie et ayant franchi successivement le détroit de Béring (lors de périodes glaciaires) et le verrou glaciaire canadien (lors de périodes interglaciaires). Dès lors, voici l’ingénieux raisonnement de J.-J. Walter : Tout d’abord il constate que les deux systèmes de rites et de mythes qu’il a identifié, celui de la Grande Déesse, surtout en Mésopotamie, en Égypte et dans les régions indo-européennes et dravidiennes, et celui du Grand Dieu, surtout altaïque (turc, tartare, mongol, toungouse, mandchou) et proto-indo-européen, se retrouvent également en Amérique. Il interprète ces concordances entre mythes de l’Ancien et du Nouveau monde par une origine commune. Les thèmes du Grand Dieu s’expriment surtout aux États-Unis et ceux de la Grande Déesse surtout au Mexique, bien qu’il ne s’agisse pas d’un cloisonnement rigide mais simplement d’une dominance de l’un sur l’autre. Il estime que cette dominance n’aurait pas subsisté si les peuples porteurs de ces mythes s’étaient trouvé bloqué en Alaska entre les deux verrous. Ils auraient donc franchi l’un après l’autre, indépendamment, le passage de Bering durant une période où les deux verrous étaient ouverts simultanément. L’ouverture la plus récente des deux verrous est datée de -8 000. Une culture caractérisée par son outillage microlithique l’a franchi à cette époque et on peut suivre sa progression de Sibérie (-9 500) en Alaska (-8 000) puis Colombie britannique (-6 000 à -5 000) et état de Washington (-4 500). Ce ne peut pas être la migration recherchée car elle n’atteint ni le bassin du Missouri ni le Mexique. Par contre elle fournit un indice précieux : la vitesse moyenne de propagation de ces migrations qu’on peut estimer à environ 1 km par an. Une autre ouverture a existé entre -26 000, au plus tôt, et -22 000 qui est compatible avec des sites datés aux États-Unis et au Mexique. « Comme les peuples en question, écrit J.-J. Walter, avant de franchir le détroit, ont dû commencer par y arriver, probablement depuis le Sud de la Sibérie, il faut ajouter le temps de franchir cette distance de sept ou huit mille kilomètres, ce qui reporte les mythes en question vers -30 000. » Ces mythes auraient donc plus de 30 000 ans. (Il reste à voir si cette conclusion est compatible avec les résultats publiés indépendamment cette semaine dans Science et Nature ; selon l’analyse comparée de l’ADN d’individus anciens et modernes des Amériques, de la Sibérie, de l’Océanie, de l’Europe et de l’Afrique publiée dans Science les premiers Amérindiens seraient arrivés de Sibérie en une seule vague de migration il y a moins de 23 000 ans puis sont restés 8 000 ans en Sibérie orientale et en Alaska).
- J.-J. Walter soutient que le récit de la Genèse n’est pas isolé mais qu’il a de nombreux parallèles dans le vaste ensemble mythique de l’humanité. Il montre tout l’avantage qu’il y aurait à étudier et interpréter ensemble tous ces mythes. En fait il est peu question d’un jardin. J.-J. Walter parle plutôt de la montagne primordiale (pp. 388 à 422), montagne souvent carrée, située au centre du monde ; c’est l’un des thèmes, peu nombreux, du complexe mythique du Grand Dieu qui se retrouve dans de nombreux peuples. Walter en détaille les multiples expression. À propos du récit biblique il note : « Le jardin d’Eden se trouve sur une montagne, puisque quatre fleuves en sortent. Le jardin, la montagne aux quatre fleuves, la présence du premier homme et de la première femme, l’arbre de vie, sont tous des thèmes de la montagne primordiale. » (p. 403). Il résume ainsi son analyse : « Cet ensemble complexe finalement met en images un très petit nombre d’idées : le Grand Dieu créateur réside au plus haut des cieux, il est le centre autour de qui tout tourne, toute vie et toute sagesse viennent de lui, il envoie la vie et la sagesse vers les quatre horizons, c’est-à-dire partout, il combat la Grande Déesse, symbole de l’instinct de mort, et il est père pour les hommes. Les premiers hommes vivaient au sommet de la montagne, c’est-à-dire près du Grand Dieu, aux sources de la vie ; la connaissance qu’ils peuvent avoir de lui est obtenue par étapes progressives. » (p. 421). Le thème de la chute (pp. 437 à 453) est bien mieux dessiné, en particulier chez les peuples altaïques. Les mythes altaïques ont avec la Genèse des similitudes surprenantes. J.-J. Walter écarte l’hypothèse qu’ils soient issus de la Bible parce que le système altaïque a passé le Bering et qu’ils sont plus complets que ceux de la Genèse. En résumé : « Avant la chute, l’homme possédait quelque chose qui est symbolisé par la très longue vie, ou l’immortalité ou la taille gigantesque, ou le visage lumineux, ou le regard étincelant qui porte jusqu’aux extrémités de la terre, ou la résistance au froid, ou la peau cornée, ou la vie dans l’âge d’or ». Les mythes attribueraient la perte de cet état à l’adversaire du Grand Dieu que J.-J. Walter identifie à la Grande Déesse. Pour les exemples précis, les surprenants parallèles et les lumières qu’ils jettent sur une possible évolution psychique de l’humanité entière, qui sont au cœur de Psychanalyse des rites, je ne peux qu’inviter le lecteur intéressé à consulter l’ouvrage de Jean-Jacques Walter. Quant à l’éventuelle extension (à l’Afrique dont il n’est pas question) et à la vérification des thèses de ce livre, elles excèdent bien entendu de beaucoup mes compétences et les limites de ces modestes notes de lecture.