Le grand retour des anges - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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Le grand retour des anges

Loin des représentations ésotériques, les anges sont des créatures bien réelles qui tiennent une place essentielle dans le plan de Dieu. Anne Bernet, auteur du livre de référence Enquête sur les anges (éd. Perrin), nous dévoile leur mission.
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L’ange Gabriel, cathédrale Notre-Dame de Reims.

L’ange Gabriel, cathédrale Notre-Dame de Reims.

© Catherine Leblanc / Godong

Depuis une quarantaine d’années les anges font leur retour via le « New age » ou Nouvel Âge. Parle-t-on des mêmes anges que dans la Bible ?

Anne Bernet : Au XXe siècle, la place des anges, et celle des démons, a décru dans le catholicisme, comme si l’Église éprouvait de la gêne à évoquer le monde des purs esprits, dont Bergson disait qu’ils étaient le chaînon nécessaire entre Dieu et l’homme, sans lequel l’harmonie cosmique eût été discordante. Des gens très savants assuraient que cette « mythologie emplumée » était un emprunt du judaïsme au panthéon babylonien.

En fait, c’est le surnaturel qui paraissait à certains impossible à affirmer face au matérialisme triomphant. Cependant, l’enseignement de l’Église n’a jamais varié à propos des anges ; la croyance en leur existence fut réaffirmée par Vatican II, pour l’excellente raison qu’ils jouent un rôle capital dans l’histoire du Salut. Profitant de cet apparent désamour du catholicisme envers les anges, des courants ésotériques, tel le Nouvel Âge, les ont récupérés. Le bon côté de tout cela est d’avoir rendu au monde angélique sa visibilité perdue depuis un siècle ; le mauvais est que ces « anges » – mieux vaudrait parler « d’entités » – ne sont pas les « bons » anges de la Bible mais des anges perdus, des démons, avec lesquels mieux vaut n’avoir aucune relation.

Dans notre quotidien, pouvons-nous faire l’expérience des anges ? Sous quelle forme ?

Tout dépend de ce que l’on signifie par là. Il y a esprits et esprits, entre lesquels un discernement est nécessaire afin d’éviter les mauvaises rencontres. L’Église interdit d’essayer de communiquer avec le monde angélique, pour l’excellente raison que vous risquez d’invoquer les démons. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles l’Église interdit d’affubler les anges de noms de fantaisie, rappelant que seuls les trois archanges cités dans la Bible, Michel, Gabriel et Raphaël, peuvent être invoqués. « Tous les autres noms angéliques sont des noms de démons. »

Donc, toutes les « prières » assurant qu’elles vous permettront de communiquer avec « l’ange de votre jour de naissance », qui ne saurait être votre ange gardien, occupé de vous seul et pas de ceux qui partagent votre anniversaire, sont au mieux des plaisanteries, au pire des incitations au commerce diabolique.

Alors, comment deviner la présence des anges dans nos vies ?

En fait, selon saint Thomas d’Aquin, cette communication, dont, sauf rares exceptions, nous n’avons pas conscience, est constante. Le cardinal Journet disait : « Plus souvent que nous le pensons, cette soudaine inspiration nous est soufflée à l’oreille par notre ange gardien. » Les théologiens appellent cela la communication « ordinaire », suggestion si discrète que nous ne la différencions pas de nos propres pensées. L’autre mode de communication, plus rare mais possible, est « illuminatif ». Il se fait avec grande force et clarté, ne peut être confondu avec nos cogitations et porte la marque de son origine divine, puisque l’ange ne fait que nous transmettre la volonté de Dieu. Saint Thomas d’Aquin dit qu’il s’agit souvent d’une réponse nette à une demande exprimée dans la prière mais que cela concerne des âmes qui possèdent une très grande expérience de l’oraison et de la contemplation. Autrement dit, la plupart d’entre nous doivent renoncer à l’expérimenter, et surtout ne pas essayer de la provoquer car c’est un moyen assuré d’avoir affaire aux démons…

De grands saints ont été accompagnés par les anges. De quelle manière ?

Certains saints ont fait au quotidien l’expérience de la présence de leur ange gardien. En dépit des apparences, ce sont eux qui se meuvent dans la normalité en percevant le monde invisible, que nous dérobent nos péchés. Dans certains cas, cette présence est constante ; dans d’autres, exceptionnelle, comme pour Catherine Labouré, voyante de la rue du Bac à Paris qui, dans la nuit du 19 juillet 1830, lors de la première apparition de Notre Dame, est réveillée par son ange gardien, sous les traits d’un enfant de trois ou quatre ans, mais qui parle « comme un homme et comme l’homme le plus fort », ce qui ne laisse subsister aucun doute sur sa nature angélique. C’est le cas, dans les Actes des Apôtres, de Pierre, délivré de la prison d’Hérode par son ange gardien qui lui fait enfiler chaussures et manteau comme à un enfant, et le conduit jusque dans la rue sans que l’Apôtre admette la réalité de ce qui lui arrive.

Saint Thomas d’Aquin reçoit la visite d’anges après une nuit mémorable où, enfermé par ses parents, qui veulent l’empêcher d’entrer chez les dominicains, en compagnie d’une prostituée, il a défendu sans faillir sa chasteté. Ils lui apportent une ceinture d’étoffe inconnue, aux nœuds impossibles à dénouer : « Au nom de Dieu, nous te ceignons d’une ceinture de chasteté qu’aucune tentation jamais ne pourra défaire. »

Françoise Romaine, au XVe siècle, vit dans la familiarité de son ange gardien, qui ne lui passe rien. Un soir où, distraite, elle laisse médire d’autrui, il lui envoie une claque si violente que l’assistance en entend le bruit et en constate la marque sur sa joue… Pour la consoler après la mort de son fils, Dieu lui envoie, en sus de l’ange gardien, un archange, qui ne la quittera que pour être remplacé par une Puissance du sixième chœur angélique, lorsqu’elle sera devenue veuve et supérieure des oblates de saint Benoît.

La liste serait longue si l’on voulait évoquer tous les saints qui ont côtoyé des anges : Rose de Lima, Camille de Lellis, Gemma Galgani, Faustine Kowalska, Padre Pio pour n’en citer que quelques-uns.

Mais pourquoi ont-ils eu ce privilège et pas nous ?

Parce que leur sainteté leur permettait de traverser le « voile » qui sépare le monde visible de l’invisible ; ensuite pour les soutenir dans les épreuves, immenses, qui étaient leur lot. Âmes victimes, ils avaient besoin d’un secours que les hommes ne pouvaient leur procurer, et d’une protection contre les attaques démoniaques dont ils faisaient l’objet. Dès que l’on connaît le prix payé pour ces faveurs célestes, l’on est, il faut l’avouer, moins désireux de les obtenir !

Quel est le rôle des anges pour porter les vérités de la foi ?

Saint Augustin l’affirme dans La cité de Dieu : « Ange désigne la fonction, non la nature. Tu demandes comment s’appelle cette nature ? Esprit. Tu demandes la fonction ? Ange. D’après ce qu’il est, c’est un esprit. D’après ce qu’il fait, c’est un ange. » Il faut en revenir à l’étymologie du mot ange, du grec angelos, « messager », porteur de nouvelles, qui traduit l’hébreu malaak.

L’une des fonctions des anges est de servir d’intermédiaires entre le Créateur et l’humanité. Les premiers théologiens n’hésitaient pas à affirmer qu’avant la Révélation, et l’élection du peuple juif, il revenait aux anges d’enseigner aux hommes la loi naturelle et de les préserver des démons décidés à les séparer éternellement de Dieu.

Cependant, l’humanité victime du péché originel n’a pas tardé à se fermer aux messagers angéliques de la « révélation primitive » pour se tourner vers les idoles qui sont les masques du démon. Plus ces religions idolâtres prospèrent, plus le pouvoir des anges sur les païens diminue… Seuls quelques justes, parmi lesquels la Tradition range Socrate ou Platon, demeurent capables d’appréhender les prémisses de la vérité et du Salut.

Dieu s’est heureusement réservé un peuple saint, mis à part, préservé du paganisme et c’est auprès d’Israël que le rôle des anges trouve toute sa dimension car il s’agit de préparer la venue du Rédempteur. Une mission dure à remplir, tant Israël saura se montrer « fort contre Dieu », comme son nom l’indique, et les Gentils englués dans leurs fausses croyances.

Ce n’est pas leur faute si les anges se heurtent ainsi au plus dangereux des dons faits à l’humanité : la liberté, et le pouvoir d’en mésuser. Preuve que, malgré tout, les anges n’ont pas failli, c’est à l’un des Sept qui se tiennent toujours devant Dieu, Gabriel, que sera dévolue la mission d’aller annoncer à Marie que, si elle l’accepte, le Verbe divin s’incarnera en son sein. Désormais, le Christ sera l’unique médiateur entre son Père et l’humanité.

Quels rôles les anges vont-ils jouer dans les derniers temps ?

Leur rôle n’est en effet pas achevé. Outre la protection qu’ils dispensent à l’Église, les anges demeurent les ennemis irréconciliables des démons, et cela jusqu’au bout. Présents dès les commencements de la Création, au cœur du drame qui va la déchirer entre fidélité à Dieu et révolte, les anges sont appelés à tenir une place prépondérante lors des derniers temps. Comme le Christ et l’Église l’enseignent, une époque viendra où « les hommes fermeront l’oreille à la saine doctrine », se détourneront de Dieu et de sa loi tandis que des États et des sociétés ennemis du christianisme persécuteront les derniers fidèles. Ce sera le temps de l’Apostasie annoncé par saint Paul, celui de l’Antéchrist.

À cet instant, Satan s’imaginera définitivement vainqueur, comme il l’avait déjà cru aux commencements, lorsque le Tout-Puissant était resté silencieux devant son cri de révolte : « Je serai l’égal de Dieu ! » Mais, ce triomphe sera un faux-semblant, comme en ces heures d’avant le temps où l’archange Michel, soulevé d’une sainte colère, avait entraîné derrière lui les anges fidèles pour bouter Lucifer et ses troupes hors du Ciel. L’heure de la colère divine va sonner, les sept archanges qui se tiennent toujours devant le trône de l’Agneau, quand il aura brisé les sept sceaux du Livre, sonneront des sept trompettes qui marquent le déchaînement des fléaux destinés à anéantir le monde corrompu. Et, lorsque sonne, enfin, la septième trompette – prélude à la résurrection des morts et à l’arrivée du Juge – Michel, accompagnant le Christ pour le Jugement et, brandissant l’étendard de la Croix, interviendra et précipitera « dans l’étang de soufre », pour l’éternité, Satan, les démons et tous ceux qui se sont égarés à leur suite (Ap 20, 10).