Le grand retour de Tissot - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Le grand retour de Tissot

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L’un des grands plaisirs de The Catholic Thing est le fait que chaque jour des images accompagnent ses colonnes : reproductions de peintures qui, comme l’a écrit Bob Royal dans la colonne inaugurale en 2008, démontrent « la réalité historique concrète du catholicisme… la tradition culturelle la plus riche du monde. » (Note de la rédaction : les images dans les colonnes sont l’œuvre pleine de talent de Monsieur Miner)

Et les lecteurs attentifs auront remarqué qu’aucune œuvre d’art n’est apparu plus souvent dans ces lignes que celles de J.J. Tissot – plus de 100 fois en fait.

Jacques Joseph Tissot est né en 1836 à Nantes, en France, près de l’endroit où l’Erdre se jette dans la Loire. Son père était drapier, sa mère dessinait des chapeaux, et le jeune Jacques n’a jamais voulu être autre chose qu’un artiste.

Il est parti pour Paris à 19 ans, et a intégré l’École des Beaux-Arts. Parmi ses amis, on compte James McNeil Whistler, l’américain qui a peint un portrait assez connu de sa mère, et le grand artiste français Edgar Degas, un des fondateurs de l’impressionnisme. (Voir Tissot par Degas 1867 Le MET, N.Y.)

Tissot s’est rapidement établi comme peintre accompli et populaire, et par voie de conséquence, peintre financièrement prospère de la société élégante parisienne. Aussi est-il quelque peu surprenant qu’il se soit engagé pour combattre dans la guerre franco prussienne de 1870, puis ait été entraîné dans la commune révolutionnaire de Paris. Peut-être fut-il désabusé par la guerre et rejoignit-il la Commune pour protester. Pour beaucoup de personnes à l’époque, la Commune, qui a brièvement pris le contrôle de Paris, fut une nouvelle formule de la révolution à l’échelle du continent de 1848. Elle a certainement été célébrée par Karl Marx en tant que mouvement d’avant-garde de la « dictature émergente du prolétariat ».

Quel qu’ait été l’implication de Tissot (et il n’était guère un radical en politique), l’échec de la Commune semble avoir provoqué en 1871, sa fuite à Londres où il acheta une maison à Saint John’s Wood. Peut-être à cause de ce qui s’était passé à Paris, Tissot changea son prénom de Jacques en James (certains disent que c’est son ami Whistler qui l’a suggéré ; d’autres que Tissot était devenu un anglophile fervent).

Dans ce même quartier proche de Londres, vivait une irlandaise nommée Kate Newton (née Kathleen Irene Ashburnham Kelly), fille d’un officier de l’armée britannique, mère elle-même d’une petite fille prénommée Violette. Kate avait été répudiée par son mari après qu’elle lui ait avoué être enceinte – un acte d’une indéniable intégrité de sa part puisqu’elle s’était retrouvée enceinte avant d’avoir consommé son mariage avec le docteur Isaac Newton. Mais le Docteur Newton en fut contrarié et on le comprend, et il la « renvoya ».

Toujours est-il que Tissot rencontra Kate en, 1875, et ils eurent une liaison. Peu après, elle donna naissance à un fils, Cecil George Newton Ashburnham (que « tout le monde » savait être le fils de Tissot), et Kate et les enfants s’installèrent dans la maison/atelier de Tissot route de Grove End.

Elle devint son modèle attitré, « sa ravissante irlandaise ». Ils ne se marièrent jamais bien sûr, tous deux étant catholiques. Mais il a décrit leur union comme merveilleuse. Cela se voit dans son tableau « Le banc de jardin » qui représente Cecil, Kate, Violette, et une autre fille, probablement une nièce de Kate. (1882, Collection privée)

Mais il advint que Kate contracta la tuberculose (comme ce fut semble-t-il le cas de toutes les amantes à l’époque victorienne) et à mesure que sa santé déclinait, Tissot et elle sont tous les deux tombés en dépression. Elle ne put pas supporter de lui voir le cœur brisé, et un jour de 1882, elle prit une trop forte dose de laudanum, une mauvaise teinture d’opium surnommée « l’aide aux mères ». C’était peut-être intentionnel, peut-être pas. À sa mort, elle avait 28 ans.

Tissot fut inconsolable, et veilla son corps pendant 4 jours – ou l’équivalent en nombre d’heures, cela dépend de la façon dont on compte – après quoi, il décampa à Paris. Seul. Cela veut-il dire qu’il était un mufle, laissant les enfants derrière lui ? Peut-être, bien que, plus tard, on ait eu des preuves indirectes que Cecil, le garçon, n’était pas de Tissot – que ce que « tout le monde savait » en fait, était faux. (Ils restèrent liés toute leur vie.)

À Paris, il recommença à peindre les dames de la bonne société pour des mécènes consentants, et une de ces commandes amena le peintre encore malheureux à l’église Saint Sulpice dans le Quartier Latin. Lors d’une de ses visites là-bas pour son travail, – au moment de l’élévation de l’hostie par le prêtre, – Tissot eut la vision du Christ. Le Corps du Seigneur était ensanglanté, mais lumineux, et Il réconfortait deux personnes sans abri au milieu d’un bâtiment en ruines, probablement une église effondrée – un moment très franciscain, et qui a changé la vie de Tissot. Presque aussitôt après cette manifestation, il a réalisé une peinture appelée Les voix intérieures ; Le Christ console des vagabonds (maintenant au musée de l’Ermitage à Saint Pétersbourg, Russie)

Mais ce ne fut que le commencement.

Devenu un catholique fervent, désirant consacrer son art à célébrer la vie de Notre Sauveur, Tissot se rendit plusieurs fois au Moyen Orient pour voir la terre où Jésus avait marché et regarder les visages des descendants de ceux qui L’avaient proclamé Christ.

Vous vous souvenez peut-être l’article du Vendredi Saint, dans ces colonnes, l’année dernière, « Les stations du chemin de croix », qui représentaient les quatorze stations, de Gethsémani jusqu’à la mise au tombeau, illustrées par des aquarelles de la série monumentale de Tissot « La vie de Notre Seigneur Jésus Christ. » Il a réalisé des centaines de tableaux d’après ce qu’il a vu en Terre Sainte, dont la plupart sont dans la collection du musée de Brooklyn, acquises par souscription à la demande de la population en 1900 ; Il est triste de dire que, bien que le musée ait monté une exposition limitée de ces séries en 2009, la plupart des œuvres principales de Tissot sont maintenant dans les réserves. (Voir Moïse et Josué dans la Tente – Tissot 1900 – Musée Juif)

Avant que le bon peuple de Brooklyn ait acquis ces peintures religieuses, elles avaient fait un tour populaire des États-Unis – et on les avait publiées dans des reproductions et des livres de prix – et ce succès a donné envie à Tissot de tourner son attention vers les Écritures hébraïques – de nouveau par un déversement étonnant d’œuvres d’art, avec l’aide d’élèves de son atelier avant et après la mort de Tissot en 1902. Et cette deuxième série de 368 aquarelles fut, de façon détournée, acquise par le musée Juif de New York, et c’est très approprié.

En somme, c’est un résultat stupéfiant des fruits d’un retour à la foi. Je ne connais aucun autre artiste qui ait créé un plus vaste ensemble d’œuvres consacrées à la tradition biblique judéo chrétienne.