En mars 1970, le corps législatif de l’État de New York a abrogé la loi anti-avortement en application depuis 1830. La proposition de loi était passée de justesse, en raison du soutien de plusieurs législateurs de districts fortement catholiques qui ont en conséquence payé leur apostasie d’une non réélection en novembre.
A cette époque, l’Eglise catholique était une autorité morale à New York ; et l’archevêque de New York, le cardinal Terrence Cook, n’avait pas peur d’user de ce pouvoir dans la sphère publique.
Le cardinal Cooke a mené la charge pour obtenir l’abrogation de la loi permettant des avortements sans restriction jusque 24 semaines de grossesse. Et en mai 1972, le corps législatif de l’État l’a fait et a réinstauré celle de 1830.
Malheureusement, le gouverneur Nelson Rockefeller a mis son veto à l’abrogation de la loi libéralisant l’avortement peu après.
Le débat sur l’avortement à New York est devenu stérile, cependant, quand la Cour suprême des États-Unis a rendu l’arrêt Roe contre Wade le 22 janvier 1973.
Quarante ans plus tard, l’avortement a de nouveau fait les gros titres à New York grâce au gouverneur Andrew Cuomo.
Cuomo, catholique baptisé, diplômé de l’Archibishop Molly High School dans le Queens et de Fordham University dans le Bronx, a renié plusieurs principes moraux essentiels de sa foi.
En 2011, sa première année d’exercice, il a manigancé le passage de la législation sur le mariage unisexe. « L’égalité dans le mariage, a-t-il déclaré, est une question de principe et l’État ne devrait pas discriminer les couples homosexuels souhaitant être mariés ».
Ensuite, le 16 janvier 2014, Cuomo a annoncé, dans une émission radio, que les catholiques et autres personnes avec des opinions morales traditionnelles étaient des citoyens incompétents qui n’étaient plus les bienvenus à New York :
Qui sont-ils ? Sont-ils ces conservateurs extrémistes qui sont pro-vie, pour les armes de guerre et anti-homosexuels ? Est-ce ce qu’ils sont ? Parce que si c’est ce qu’ils sont, et ils le sont, ils n’ont pas leur place dans l’Etat de New York parce que les New-Yorkais ne sont pas ainsi.
Cela a empiré.
Cuomo a déraillé sur le sujet de l’avortement. Dans son discours de 2013 sur l’état de l’Etat, il unit son destin à celui du lobby radical pro-avortement, s’écriant à quatre reprises « C’est son corps, c’est son choix ! »
Cuomo a présenté la législation qui allait abroger la loi de 1970 sur l’avortement et qui codifierait l’avortement comme « un droit fondamental de la vie privée », une classification que même la Cour suprême a rejeté.
Pendant quatre ans, la proposition de Cuomo a été refoulée par le Sénat d’État contrôlé par les républicains conservateurs. Mais en novembre dernier, le Parti Républicain a perdu le contrôle de cette chambre législative.
Un Cuomo radieux s’est vanté que sa loi de santé reproductive, puisqu’elle a été ainsi dénommée, serait le premier ordre du jour avant le renouvellement du corps législatif en janvier 2019.
Et il en a été ainsi.
Le 22 janvier, 46e anniversaire de l’arrêt Roe contre Wade, le corps législatif a adopté la proposition de loi, sous un tonnerre d’applaudissement et des rires déchaînés. Quelques minutes plus tard, lors d’une ovation debout, Cuomo a signé la loi.
Cette loi va bien plus loin que l’arrêt Roe contre Wade. Elle retire les clauses sur l’avortement du code pénal et « crée un droit à la procédure dans le cadre de la loi de santé publique ».
Bien que les avortements soient limités aux vingt-quatre premières semaines de grossesse, les exceptions sont si étendues (détresse économique, sociale ou émotionnelle) que tout un chacun sera en mesure de procurer un avortement jusqu’à quelques minutes de la naissance. En d’autres mots, les vies d’enfants viables hors du sein maternel peuvent être maintenant interrompues par des médecins et des non-médecins.
Le gouverneur Andrew Cuomo est très différent de son père, le gouverneur Mario Cuomo. Le père a essayé d’être saint Thomas More et Machiavel en même temps.
Dans son célèbre discours de 1984 à Notre-Dame sur « la croyance religieuse et la moralité publique », le Cuomo-More a dit : « l’Eglise catholique est ma maison spirituelle. Ma tête et mon espérance y sont… et j’accepte l’enseignement de l’Eglise sur l’avortement ». Mais le Cuomo-Machiavel s’est déjugé en proclamant qu’en qualité de fonctionnaire, il ne pouvait pas imposer ses opinions religieuses au reste de la société.
Mario Cuomo a démontré l’absurdité de sa position chaque fois qu’il s’est opposé à la législation sur la peine de mort qui était approuvée de manière écrasante par le corps législatif et soutenue par plus de 60 % des New-Yorkais. Cuomo a imposé ses objections morales personnelles même alors que l’opinion publique était contre lui.
Andrew Cuomo est très différent de son père. Il n’y a pas de dualité en lui ; il préfère être un Machiavel et il promeut tout ce qui peut faire avancer ses ambitions politiques.
De fait, il a été rapporté que lorsqu’il était ministre du Logement et du développement urbain sous Clinton, l’une de ses premières actions avait été de « distribuer le livre de Nicolas Machiavel (Le prince) à ses principaux conseillers en leur disant : « Ceci est ma philosophie de gouvernance ».
Cuomo utilise ou rejette l’Eglise en fonction de ses buts politiques. Alors qu’il rejetait l’enseignement de l’Eglise sur l’avortement, il approuvait et louait le message du pape François en faveur des nécessiteux et des marginalisés. Et quand le Pape a visité la cathédrale Saint-Patrick le 24 septembre 2015, Cuomo s’est arrangé pour être sur un banc de devant. C’était un grand théâtre politique pour le gouverneur.
Puisque Andrew Cuomo a rejeté l’enseignement fondamental de l’Eglise selon lequel toute personne a le droit de vivre parce que faite à l’image de Dieu, il serait peut-être temps que l’Eglise le rejette.
Le catéchisme de l’Église catholique stipule clairement que « quiconque utilise le pouvoir à sa disposition de telle sorte que cela conduise les autres à mal agir devient coupable de scandale et responsable du mal qu’il a encouragé directement ou indirectement ».
Donc, à tout le moins, les évêques de New York devraient annoncer publiquement que Cuomo, ayant causé un scandale public, n’est pas autorisé à communier.
Ou bien les évêques, s’ils en ont le courage, pourraient passer voir Cuomo et lui montrer les pénalités canoniques qu’ils sont disposés à imposer s’il ne renonce pas à son hérésie. Que cela inclue ou non l’excommunication est du domaine des spécialistes de droit canon.
Mais il faut vraiment faire quelque chose, de peur que les évêques de New York ne confirment l’impression grandissante que l’Eglise catholique est un tigre de papier bien compromis.
George J. Marlin, président de l’Aide à l’Eglise en Détresse aux USA est l’auteur de plusieurs livres.
Illustration : lors de la visite du pape François dans la cathédrale Saint-Patrick de New York, debouts de droite à gauche, l’auteur, le maire Bill DeBlasio, Sandra Lee (la compagne d’Andrew Cuomo) et le gouverneur.
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/01/28/should-governor-andrew-cuomo-be-excommunicated/