Il m’est arrivé assez souvent, depuis que j’assume ici ma fonction d’éditorialiste, d’évoquer les travaux universitaires centrés sur ce qu’on appelle les questions de genre. Je n’ai pas attendu le virulent débat qui se déroule en ce moment pour m’intéresser à toute une littérature, d’inégal intérêt d’ailleurs, qui a mis la sexualité au centre de la vie sociale et donc de la vie intellectuelle. J’ajouterai que c’est toute ma génération qui a été touchée par un phénomène qui s’est singulièrement amplifié dans les année soixante. Bien sûr, il y avait eu avant Sigmund Freud et l’élaboration de la théorie psychanalytique, qui avait déjà modifié les regards sur le sujet, avec des conséquences déterminantes. Mais l’héritage freudien s’est trouvé sérieusement bousculé par de nouveaux théoriciens comme Wilhelm Reich et Herbert Marcuse qui ont dénoncé le conservatisme de leur maître viennois et prétendu transformer la société à partir d’une remise en cause des structures familiales et la mise en valeur du principe de plaisir à l’encontre du principe de réalité privilégié par Freud.
Il est donc absurde d’envisager le champ de ce qu’on appelle les études de genre sans s’intéresser aux a priori philosophiques, voire politiques, qui le structurent. C’est se moquer du monde de faire croire qu’il s’agit d’un domaine soumis à une stricte objectivité. Ce n’est pas vrai, parce que tous ces beaux chercheurs ont des a priori théoriques qui concernent notamment la vie morale et qui orientent leurs démarches et leurs recherches. S’il est vrai qu’il y a pluralité d’écoles et que tout ne se ramène pas à une théorie qui unifierait l’ensemble, cela n’empêche pas qu’il existe tout un secteur de pointe, plus militant, plus engagé que les autres et qui a des visées stratégiques sur la société, l’enfance et l’école. Oui, nous avons alors clairement affaire à une théorie offensive du genre, et c’est celle-là qu’avec beaucoup d’autres j’entends combattre.