Le procès de quatre responsables Khmers rouges pour crimes de génocide, crimes de guerre et crimes contre l’Humanité s’est finalement ouvert, après cinq ans de controverses juridiques et cent millions de dollars de dépenses, devant un tribunal avec le soutien des Nations Unies.
Les accusés, qui plaident tous non-coupables, incluent Nuon Chea, 84 ans, l’idéologue en chef du parti communiste, et l’ex-chef de l’Etat de Khieu Sampham, âgé de 79 ans. Au cours du lent processus de recherche de la justice sur les « champs de la mort » cambodgiens, il est aussi apparu que les catholiques avaient également subi une violence hors de proportion.
Cet épisode malheureux a été si négligé – et aujourd’hui presque oublié – qu’un rappel historique s’impose. Les années 1975-1979 au cours desquelles les Khmers rouges communistes, dirigés par Pol Pot, ont terrorisé le pays, constituent la période la plus sombre de l’histoire du Cambodge. Pol Pot et ses partisans, dont bon nombre avaient été éduqués en France et avaient reçu une formation du Parti Communiste Français, se réclamaient de Jean-Paul Sartre et de sa doctrine de la « violence nécessaire », et de Jean-Jacques Rousseau pour lequel l’Etat parfait devait « entrer en possession des hommes et de tous leurs pouvoirs ».
Selon le beau-frère de Pol Pot, celui-ci « se pensait au-dessus de tout sur la surface de la planète… un dieu sur terre. » Pour établir son paradis marxiste, Pol Pot a éliminé la classe intellectuelle, les propriétaires et les commerçants. Suivant Jean-Jacques Rousseau qui voyait dans le « cosmopolitisme » la racine de tous les maux, Pol Pot a ordonné la dépopulation des centres urbains.
Environ la moitié des 4 millions des résidents des villes ont été contraints de quitter leurs maisons, abandonner leurs biens, et marcher pendant des jours sans nourriture, sans eau et sans traitement médical, jusqu’à des camps ruraux de « rééducation » et de détention.
Les « hommes nouveaux », appellation des survivants des cruautés des camps, furent formés à haïr les prolétaires patriotes considérés comme des « laquais des impérialistes capitalistes. » Afin qu’ils ne développent pas de relations durables avec d’autres prisonniers, beaucoup étaient fréquemment transférés d’un camp à l’autre.
Le régime Khmer rouge, qui voyait « des ennemis partout, au sein de ses propres rangs, au siège, au quartier-général, dans les districts et dans les villages », entama une campagne d’éradication des « bouches inutiles » et de divers éléments de la société.
Dans un seul district, plus de 40 000 innocents habitants furent condamnés à mort après avoir été dénoncés comme des collaborateurs de la CIA. La population entière de la zone orientale fut condamnée pour trahison. De mai à décembre 1978, 250 000 des 1,7 million d’habitants de cette zone furent massacrés. Des dizaines de milliers de survivants moururent sur la route vers des camps de concentration situés dans d’autres zones.
Aucune région ne fut épargnée par les cruautés de ce règne de la terreur. Selon diverses études, le total des décès du travail forcé, de la faim, de la malnutrition, de la famine et du génocide s’élève à environ 2 millions, soit 26% de la population du Cambodge. Ceci inclut 34% des hommes de moins de trente ans, 40% entre trente et quarante ans et 54% des hommes et des femmes au-dessus de soixante ans. Le taux de natalité était tombé à zéro ; 38% des femmes adultes étaient veuves. La population après Pol Pot était composée à 64% de femmes dont 35% chefs de ménage.
Il y a plus. Dans son rapport de 1995 sur « Le génocide khmer rouge : une analyse démographique » (en français), qui fait autorité, Marek Sliwinski note que les catholiques romains furent le groupe le plus touché par les massacres de Pol Pot : 48,6% d’entre eux ont disparu. Seulement 4% des Cambodgiens étaient catholiques (85% étaient bouddhistes), mais ils souffrirent proportionnellement plus parce que beaucoup d’entre eux vivaient en ville, étaient d’origine vietnamienne et regardés comme des impérialistes coloniaux. Dans la capitale, Phnom Penh, la cathédrale catholique fut un des seuls bâtiments complètement détruit.
Pendant des décennies, la gauche internationale a nié ces atrocités ou s’est tue. Selon le journaliste français, Jean-François Revel, les futurs historiens qui consulteraient les titres des journaux américains, britanniques ou français de l’époque « ne pourraient jamais deviner qu’un génocide méthodique avait décimé entre le quart et le tiers de la population. ».
Le Père François Ponchaud, missionnaire catholique qui avait servi dix ans au Cambodge avant d’être expulsé au milieu des années 70, fut choqué de l’accueil réservé à son livre publié en 1977 sur le régime assassin de Pol Pot, « Cambodge année zéro », par les intellectuels français qui se refusaient à reconnaître le génocide communiste.
« A la suite de la publication de mon livre, dit le P.Ponchaud qui retourna au Cambodge à la fin des années 90, je traversai une crise religieuse. Je me sentais abandonné par Dieu. Non pas seulement parce que j’avais été témoin de telles horreurs au Cambodge, mais par la mise en doute par mes interlocuteurs de tout ce que j’avais réellement vu et entendu. Or j’avais plutôt minoré que majoré la vérité. »
Il reste à espérer que le tribunal avec l’appui des Nations Unies fasse la part des choses entre les faits et les fantasmes idéologiques et rende un verdict juste.
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/cambodias-genocide-and-catholic-slaughter.html