Monsieur, m’écrit cette lectrice, vous avez tort de tenir pour aberrants les doutes du jeune Claudel perdant la foi à vingt ans à cause de la pluralité des mondes : moi aussi je suis tentée de douter. Le nombre vertigineux des mondes habités ne fait pas douter de Dieu, mais du christianisme, et particulièrement de l’Incarnation. Si les humanités cosmiques sont en nombre infini, comme l’astronomie et la biologie nous donnent toutes raisons de le penser, pourquoi Dieu aurait-il choisi notre humanité à nous pour s’incarner ? Que l’Incarnation se soit produite plusieurs fois, passe. Mais des millions de fois ? (Mlle Sassier, institutrice, Tours.)
Je ne suis pas théologien et me garderai de répondre à une question si difficile. Et aussi, reconnaissons-le, si énorme et si pressante. Mais les théologiens y ont pensé et depuis longtemps.
D’autres Incarnations ?
Il y a six siècles, alors que l’astronomie n’existait pratiquement pas, Thomas d’Aquin lui-même étudiait ce problème et, en quelques lignes, proposait un assortiment de solutions suffisant à résoudre toutes les difficultés possibles (Somme théologique, III, q. 3, a. 5 et 7). Il est possible, lit-on dans ces textes véritablement prophétiques dans leur implication scientifique, que la Seconde Personne de la Trinité ait assumé la nature d’êtres raisonnables vivant sur d’autres mondes. Il est également possible que l’une des deux autres Personnes se soit incarnée ailleurs.
Ces idées ont été développées et élargies depuis par d’autres théologiens, et notamment par le P. Francis J. Connel, doyen de l’Ecole de théologie de l’Université catholique de Washington, dont un article fut publié en France il y a déjà vingt ans (a) 1 . On peut, dit le P. Connel, imaginer que les êtres de l’espace, ou certains d’entre eux, soient dans un état de simple nature, « sans aucun don surnaturel ou préternaturel », et destinés après leur mort à jouir éternellement d’un bonheur naturel. Rien n’empêcherait que de tels êtres, bien que privés du monde de la grâce eussent néanmoins une intelligence plus parfaite que la nôtre (et ceci répond à la lettre d’une autre lectrice, Mme S. Bidault, de La Rochelle, à qui l’idée d’intelligences supérieures à celle de l’homme semble inacceptable.)
Le P. Connel envisage enfin l’hypothèse d’êtres raisonnables qui, comme les anges déchus, auraient péché et n’auraient jamais eu d’autre chance d’être réintégrés dans la grâce. « Cette hypothèse nous donnerait un monde de mauvais génies. Les habitants de l’astre en question pourraient alors être doués d’une intelligence supérieure, mais d’une volonté pervertie… Il est bon, conclut le P. Connel, que les catholiques sachent que les principes de leur foi sont entièrement conciliables avec les possibilités les plus extraordinaires concernant la vie sur d’autres planètes. »
Mais laissons là la théologie où je n’entends rien 2. Je voudrais, à la lumière d’un des faits les plus troublants découverts depuis une vingtaine d’années, montrer combien la science nous invite à la prudence, et combien nous devons toujours prendre garde de raisonner à tort et à travers, nous souvenant que nous ne comprenons rien à rien et que cet immense univers est infiniment compliqué.
De temps à autre (et de plus en plus fréquemment), nous lisons dans la presse que tel ou tel savant vient de découvrir en Afrique un nouvel « ancêtre » de l’homme. Il y a quinze ans, il était courant de parler du « missing link », de l’« anneau manquant » dans la chaîne des êtres vivants reliant l’espèce humaine au monde animal. Maintenant, il y a tellement d’« anneaux » qu’on en est plutôt embarrassé. Non seulement on ne discerne plus de discontinuité dans la chaîne de notre ascendance, mais il semble certain que ces chaînes ont été multiples et qu’elles ont abouti à une foule d’humanités différentes dont une seule maintenant subsiste.
L’un des plus actifs découvreurs de ces humanités passées, le professeur Phillip V. Tobias, de l’Université sud-africaine de Witwatersand, à Johannesbourg, vient de publier un premier classement de ces humanités et préhumanités diverses et successives (b). Rien, je crois, n’est plus saisissant (et émouvant) que la juxtaposition sur une table de laboratoire du XXe siècle de tant de crânes venus de l’abîme du temps pour témoigner que, millénaire après millénaire, ils ne cessèrent de grossir depuis le cerveau de l’animal jusqu’au nôtre. Voici, par exemple, les chiffres mesurant, en centimètres cubes, la capacité crânienne des hominidés ayant vécu depuis la fin de l’ère tertiaire, c’est-à-dire depuis disons une vingtaine de millions d’années, jusqu’à l’apparition du feu, il y a un demi-million d’années (peut-être moins). Les crânes sont classés dans l’ordre chronologique, en commençant par les plus anciens. Les chiffres donnent donc le volume en centimètres cubes du cerveau aux époques successives : 428, 435, 480, 485, (428), 500, (440), 540, (530), 633, 684, 750, 859, 890, 915, 975, 1000, 1005, 1029, 1030, 1043.
Cependant, cette expansion ne se fait pas sur une seule lignée : en effet, comme on le voit aussi, les nombres entre parenthèses marquent des récessions apparentes. Ce qui est intéressant, c’est que ces chiffres récessifs concernent des crânes trouvés dans des endroits différents. Qu’est-ce que cela signifie ? Que les lignées évoluèrent séparément, les unes plus vite, d’autres moins, bref, qu’il y avait à chaque instant, mais dans des régions différentes, plusieurs espèces d’hominidés anatomiquement différents non seulement par la taille et le degré d’évolution, mais par l’aspect, tous en marche vers l’Homo sapiens. Rappelons que les hommes actuels, eux, appartiennent à la même espèce quelle que soit leur race, et que leurs différences physiques sont tout à fait superficielles. Il y a plus de différence entre deux crânes quelconques de la liste ci-dessus qu’entre le crâne d’un Papou ou d’un Tasmanien et celui d’un Européen.
Le cerveau de toutes ces lignées d’hominidés grossissait donc inlassablement, se rapprochant de plus en plus du nôtre, s’éloignant de plus en plus de l’animal.
L’homme du futur a disparu
Et voici où nous touchons le fantastique. En Afrique, il atteignit un jour le volume de notre cerveau moderne. C’était il y a quelque quinze ou vingt mille ans. Et puis il le dépassa. Le cerveau de l’Homo sapiens, le nôtre, fait en moyenne 1350 centimètres cubes. Le crâne de Naivasha en fait 1453 ; celui de Gamble’s Cave, 1470 ; celui de Tafotalt, 1647 ; celui de Boskop et celui de Fish Hock 1650 ; ceux de Matjes River 1660 ! Et non seulement le cerveau de ces hommes était plus évolué, que le nôtre, mais il en est de même de leurs autres traits, en particulier de la forme de leur front, de celle de leur mâchoire, de celle de leurs dents : les nôtres sont plus près de la forme animale ancienne ! Comme le dit le paléontologiste Loren Eiseley (c), l’homme du futur a vécu il y a plus de douze mille ans en Afrique du Sud, puis il a disparu…
Qui saura jamais ce que signifie cette mystérieuse catastrophe ? Qui nous dira jamais ce que furent les pensées de l’homme de Boskop ? « Il n’existe, dit Eiseley, aucun visage vivant que j’aie tant scruté, et avec un tel tourment, que celui de ce squelette. » Je comprends ce savant. 3
Aimé MICHEL
(*) Chronique n° 99 parue initialement dans France Catholique – N° 1334 – 7 juillet 1972.
(a) La Croix, 12 août 1952.
(b) Ph. V. Tobias : The brain in Hominid Evolution (Columbia University Press, New York et Londres 1971).
(c) Loren Eiseley : The immense journey (New York, 1958, pages 127-128). Eiseley est professeur à l’Université de Pennsylvanie. Ce livre a paru en français aux Editions Planète-Denoël en 1965 sous le titre : l’Immense Voyage.
Les Notes de (1) à (3) sont de Jean-Pierre ROSPARS
- Aimé Michel a reproduit cet article à la fin de son livre Lueurs sur les soucoupes volantes (Mame, 1954, pp. 283-286). Le R.P. Connel y affirme tout d’abord, citations à l’appui, qu’« il n’y a rien de contraire à la foi, à admettre qu’il existe des créatures raisonnables sur d’autres corps célestes » et, par ailleurs, qu’ « il est conforme à l’enseignement solennel de l’Église catholique d’affirmer l’existence d’une multitude d’êtres intelligents, en dehors des êtres humains. Ce sont les anges au ciel et les démons en enfer. » Au regard de la théologie, les êtres hypothétiques d’autres mondes de l’univers peuvent exister dans quatre états :
1/ Ils ont reçu des dons surnaturels (« l’immortalité du corps, le contrôle parfait de leur volonté sur toutes les réactions de leur sens et une intelligence hautement illuminée ») mais, comme nos premiers parents, ont pêché et les ont perdus. Il est possible que Dieu leur ait fait connaître une révélation, leur ait étendu les mérites du Christ ou ait pourvu autrement à leur rédemption (ici le R.P. évoque les thèses de Saint Thomas résumées par Aimé Michel).
2/ Ils n’ont pas reçu de dons surnaturels et accèdent après leur mort « à un bonheur purement naturel pour toute l’éternité, sans la possibilité de contempler Dieu face à face ». « Leur intelligence pourrait (…) être plus parfaite que la nôtre, mais elle pourrait l’être également moins. »
3/ Ils ont reçu des dons surnaturels mais, n’ayant pas pêché, ne les ont pas perdu. « Ces êtres pourraient être très supérieurs à nous, aussi bien intellectuellement que physiquement. »
4/ Ils ont péché et n’ont pas été rachetés. Ils pourraient « être doués d’intelligences supérieures, mais de volontés perverties. »
Les vastes questions théologiques posées par l’existence possible d’autres humanités sont présentées dans une revue-livre de la collection « Question de », n° 122, Dieu, l’Église et les extraterrestres. Christianisme et conquête spatiale, sous la direction d’Alexandre Vigne, Albin Michel, Paris, 2000.
Voici cinq de ces questions telles qu’elles sont formulées dans l’ouvrage :
« 1. Le magistère de l’Église est-il opposé à l’idée d’une pluralité de mondes ?
2. Si les mondes sont pluriels, est-il nécessaire que l’incarnation le soit aussi ?
3. Qui est Jésus s’il a effectivement pris la condition d’autres créatures que celle des hommes ? (…)
4. Dans la double hypothèse où, d’une part, des êtres pensants existeraient ailleurs que sur Terre et, d’autre part, n’auraient pas été affectés par le péché originel, de quelle façon les chrétiens pourraient-ils leur annoncer la bonne nouvelle du salut ?
5. En quoi les dogmes de la primauté et de l’infaillibilité pontificale conserveraient-ils tout leur sens pour des colonies humaines vivant sur d’autres planètes et pour des créatures non humaines qui seraient christianisées ? »
Ce questionnaire fut adressé « aux universités et aux facultés canoniquement érigées par le Saint-Siège et en conformité avec les normes de loi académique de l’Église ». Alexandre Vigne commente ainsi les réponses : « Seul Wolfgang Klausnitzer (Allemagne) y a répondu point par point. Joseph Kallarangatt (Inde), Mihaly Kranitz (Hongrie) et Karl H. Neufeld s.j. (Autriche) ont préféré se consacrer à l’une ou l’autre des questions. Mais tous sont formels : chacun sur son coin de Terre, sans s’être donné le mot et en s’appuyant sur sa propre interprétation spirituelle, affirme que l’Incarnation n’a pu se produire qu’une seule fois. » (p. 25).
C’est à cette vue également que se rallie le P. Pouget selon Jean Guitton : « Lorsque je lui parlais, il y a trente ans, de ces choses, il me laissait libre de feindre des Incarnations. Quant à lui, il pensait que l’Incarnation unique suffisait à élever et à racheter tous les mondes. » (Dialogues avec Monsieur Pouget sur la pluralité des Mondes, le Christ des Évangiles, l’Avenir de notre espèce, Grasset, Paris, 1954, p. 50).
On peut s’étonner de cette unanimité compte tenu de la position plus nuancée de St Thomas ou du R.P. Connel et des réserves émises par Teilhard de Chardin. Dans le chapitre qu’il lui consacre, J.-P. Demoulin et G. Martelet, montrent que Teilhard a beaucoup réfléchi à la question du rapport entre l’incarnation et la multiplicité des mondes, même si nulle part il ne lui propose de réponse. Toutefois il écarte fermement trois des solutions possibles : que la Terre seule est habitée, que la Terre seule a connu le péché originel, que l’incarnation s’est opérée sur la Terre seule, s’inscrivant ainsi en faux contre la position apparemment majoritaire. En janvier 1955, quatre mois avant sa mort, il insiste sur la gravité et l’urgence de la situation : « Le christianisme ne peut survivre (et super-vivre), je le sens, qu’en subdistinguant dans la nature humaine du Verbe incarné une nature “terrestre” et une nature cosmique. Autrement, notre Foi et notre Charité ne couvrent plus le phénomène et (…) nous sommes f… ». Il en appelle aux « théologiens d’un nouveau Nicée » pour trouver dans cette « sub-distinction » « une noble et constructive issue à la situation » (pp. 233-234).
L’un des mérites de ce livre sur l’expansion cosmique de l’humanité et la pluralité des mondes est de souligner la valeur heuristique et prophétique de cette réflexion pour une meilleure intelligence du christianisme. Il est peu d’aspects qui ne soient éclairés par elle. Comme l’écrit un des auteurs (Jean Werckmeister, de l’université Marc Bloch de Strasbourg, p. 352) « il apparaît à l’évidence que la conquête de l’espace obligera à revoir certains des fondements du droit canonique en vigueur. Ce droit est bien trop platement terrestre, parfois moins prophétique que les droits étatiques ». Ou encore (Jean Rigal de l’Institut catholique de Toulouse, p. 336) : « L’interplanétaire peut contribuer au renouveau de l’Église. Pour être la même, fidèle à sa mission, elle doit paradoxalement devenir autre : Semper ipsa, numquam eadem – “Toujours elle-même, jamais la même” », dit le vieil adage ! ».
- Aimé Michel a toujours affirmé son incompétence voire son désintérêt pour la théologie. La phrase suivante explique sa position.
- Ces intrigantes observations de Loren Eiseley proviennent du chapitre 9, intitulé « L’homme du futur », de son livre L’immense voyage (trad. par H. Boussinesq, édition originale 1957). Loren Eiseley (1907-1977) fut chef du département d’anthropologie de l’université de Pennsylvanie et président de l’institut américain de Paléontologie humaine. Cet auteur parle donc de ce qu’il connaît et mérite qu’on le lise avec attention. L’Immense voyage est l’un de ces rares livres de science qui ont plu à un large public : il s’en est vendu un million d’exemplaires et il a été traduit en 16 langues. Ce succès valut à son auteur la réputation, confirmée par les neuf autres livres qu’il publia par la suite, d’un savant « capable d’écrire avec une sensibilité poétique et un sens aigu d’émerveillement et de révérence envers les mystères de la vie et de la nature ». Voici de larges extraits de son texte sur l’homme de Boskop :
« Il y a des jours où j’incline au pessimisme quant à l’humanité future. (…) Dans les vitrines d’un grand musée métropolitain se trouve un crâne, simplement étiqueté : Strandlooper, Afrique du Sud. Je n’ai jamais contemplé un visage humain aussi longtemps que les traits de ce crâne. J’y reviens souvent, attiré malgré moi. (…) Il caricature l’homme moderne, non parce qu’il est primitif, mais par son modernisme saisissant qui nous dépasse. Il constitue, en fait, une prophétie et une menace mystérieuse. Car, au moment même où ceux qui étudient l’humanité esquissent leur concept de l’homme futur, voici qu’il est déjà venu, qu’il a vécu, qu’il a disparu. (…) L’homme du futur, dans le passé dont je parle, (…) avait un cerveau plus développé que le nôtre. Son visage était rectiligne, petit, presque celui d’un enfant. (…) Leurs dents menues, leurs mâchoires sont le témoignage d’une hâte à se transformer, étrange et interne. Aucun élément de leur environnement ne les explique. Ils étaient, à coup sûr, les enfants de demain, nés par erreur dans un pays de lions, d’épieux et de sable. (…) La base du crâne, qui va de la racine du nez à la dernière vertèbre, est serrée, diminuée comme dans un crâne d’enfant avant qu’elle se déploie pour contribuer à la formation du visage adulte. Ainsi sur cette base (…) diminuée, se développe le vaste cerveau, bombant le front au-dessus des yeux, et laissant le visage nettement rétracté sous les arcades sourcilières. (…) Si l’on étudie le crâne en projection pour en calculer les proportions, on constate que (…) le crâne et le visage sont dans le rapport étonnant de cinq à un. Chez l’Européen, le rapport est de trois à un. Ces chiffres disent bien à quel point le visage avait été “modernisé” et subordonné à la croissance du cerveau. (…) Leurs dents sont petites, joliment proportionnées à leurs mâchoires délicates, et ne montrent aucune trace des maux dont nous souffrons. (…) Quoi que ces crânes (…) puissent nous dire d’autre, ils démontrent clairement ceci : ceux qui soutiennent l’opinion que, par la suite du volume crânien atteint aujourd’hui et d’un pelvis limité, le cerveau de l’homme ne peut plus grandir davantage, sont dans l’erreur. »
Certes, on peut s’arracher de bien des façons à cette méditation, rappeler que la taille du cerveau n’est pas tout, que son organisation interne est plus importante, et qu’on ne sait rien des capacités intellectuelles de ces hommes, mais cette manière de se vacciner à l’avance de toute surprise, de toute remise en cause de ses petites idées toutes faites, est-elle bonne conseillère ? Loren Eiseley et Aimé Michel ont préféré l’autre voie.
Ils n’ont pas été les seuls. En 2009, Gary Lynch et Richard Granger, deux universitaires américains spécialistes des neurosciences publient Gros cerveau : Les origines et l’avenir de l’intelligence humaine (non traduit) qui présente la structure et le fonctionnement du cerveau ainsi que son évolution. Les auteurs y relatent la découverte des fossiles de l’homme de Boskop. Selon eux, il s’agit d’une espèce disparue dont le cerveau était 30% plus gros que la moyenne actuelle et dont le QI moyen atteignait environ 149. On aura reconnu la thèse d’Eiseley sous une forme quelque peu caricaturale. Mais s’il faut en croire le paléoanthropologue John Hawks à l’université du Wisconsin, si Loren Eiseley pouvait encore soutenir cette thèse il y a plus de cinquante ans, cela n’est plus possible aujourd’hui (voir son blog johnhawks.net). La plupart des publications scientifiques sur l’homme de Boskop ont paru entre 1915 et 1930 (on en trouvera un résumé dans l’article de P. Lester « Le peuplement primitif de l’Afrique » de 1937, disponible sur le site www.persee.fr). Mais, en 1958, Ronald Singer, passant en revue les données disponibles (Man, 63: 101-104), montra qu’il n’y avait aucune raison de penser qu’un groupe d’hommes à grosse tête et petite face avait réellement existé. Les « hommes de Boskop » résultaient selon lui de la sélection d’un petit ensemble de gros crânes prélevés dans un plus vaste échantillon de crânes de tailles diverses. « Il est maintenant manifeste, concluait-il, que ce qui était une spéculation justifiable (en raison du peu de données disponibles) en 1923 et une spéculation évidente en 1947, est devenu d’un maintien inexcusable en 1958. » Ces fossiles d’Afrique du Sud sont simplement ceux des ancêtres des populations autochtones actuelles. Les choses en sont restées là et aucun auteur compétent, semble-t-il, n’est revenu depuis sur les conclusions de Singer.Est-ce la fin de l’histoire ? Peut-être pas. En effet John Hawk confirme un fait peu connu, à savoir qu’il y a bien eu une réduction de la taille moyenne du cerveau au cours des 10 ou 20 derniers millénaires non seulement en Afrique du Sud mais également en Europe et en Chine. Le volume moyen chez les individus mâles est passé de 1500 à 1350 ml. Cette réduction, dont les causes sont un objet de spéculation, s’il ne signifie pas une diminution de notre intelligence, relance néanmoins la réflexion d’une manière inattendue.