16 juin – Réveil exagérément matutinal : je laisse mon esprit tournoyer autour de ce qu’une voix mielleuse, encore rattachée au rêve dont je viens de sortir, clame sans répit : « Le droit du plus fort est le seul droit ! ». De quelle profondeur de l’inconscient a surgi cette affirmation brutale ? Je ne sais, mais je lui répond par un énergique « Je m’oppose ». Incroyable le courage virtuel que l’on déploie dans ces controverses à multiples bouches d’une unique personne au cours de ces débats du demi-sommeil dont il semble que l’on ne pourra jamais sortir…
Pour aboutir in fine à la décision de me lever tôt et de ne jamais cesser de « résister » !
Naturellement, nous aurons toujours à résister : tel est le destin de celui qui entend, comme cela se dit un peu partout aujourd’hui, « ne rien lâcher »… Que veux-je dire par ce « rien lâcher » ? Qu’est-ce donc pour moi que l’essentiel ? La Vérité, certes, et l’Amour, bien entendu. Seule la conscience éclairée est juge de ce contre quoi l’être humain doit entrer en résistance. Éclairée par les grands exemples du passé ; éclairée par l’étude, la méditation des exigences métaphysiques, spirituelles, morales qui ont permis aux sociétés d’échapper à la barbarie ; éclairée par l’adhésion toujours à renouveler aux lois divines telles que révélées par le Christ.
L’exemple de la Vendée trotte toujours au sein de mes neurones : la loi s’imposait alors par le déploiement de forces sans autres règles que la cruauté dans sa démence ; la conscience libre s’imposait par le martyre. Exemple tragique qu’il nous faut porter au plus profond de nos réflexions comme de nos actes jusqu’au jour où la République française avouera humblement son péché d’origine.
Il est rare qu’une telle question se pose en France : aujourd’hui pourtant chacun, dans la mesure même où il est informé et capable de peser le pour et le contre, doit se décider, non parce que la loi l’emporte toujours puisqu’elle émane de la force politique dominante1., mais parce que l’on a choisi en connaissance de cause soit le dictat de cette loi, soit la décision d’une conscience amenée à penser que l’on ne doit pas accomplir ce que parfois elle impose. Car bien des lois sont justes et l’objection de conscience ne les concerne pas.
Depuis 1974 nombre de gens ont subi, en leur esprit, en leur âme, des violences suite au vote qui légalisait et ainsi justifiait la pratique de l’« interruption volontaire de grossesse », normalement nommée avortement : leur conscience exigeait d’eux qu’ils s’opposent par des actes non-violents mais expressifs.
Il nous convient de prendre la mesure de ce que l’État – en ces matières qui dépassent le seul niveau du politique pour atteindre le seuil de ce que l’on nomme « la civilisation » – peut décider contre ceux qui le défient : adversaires armés, non de forces policières, non de jugements prononcés par des juges inféodés aux idéologies libertaires, francs-maçonnes ou marxistes, mais seulement de leur ferme conviction qu’il leur est impossible de commettre de tels actes, d’obéir à de tels règlements totalement opposés à leurs convictions philosophiques, morales ou chrétiennes… Parce que ces convictions sont le squelette même de leur être.
Les chrétiens quelque peu informés de leur histoire savent qu’à certaines heures de leur vie ils ont ou auront à choisir : aujourd’hui, nombreux ceux qui ont commencé à souffrir dans leur chair et/ou leur esprit. Certains ont perdu leur emploi ayant refusé d’obéir à des ordres injustes. D’autres ont connu la brutalité policière, les longues heures de garde à vue, les interrogatoires absurdes et orientés… Ainsi se forgent peu à peu des personnalités aptes à ne plus reculer « devant la force injuste de (certaines) lois »…
Nous connaissons des lois qui ne posent aucun cas de conscience, même si des foules peuvent se mettre en mouvement pour exprimer leur refus : je pense ici à la loi sur les retraites, ou à celle instaurant de nouveaux impôts (quoiqu’à ce sujet il y aurait beaucoup à dire : un impôt peut être déclaré injuste à partir du moment où il empêche un pays de sortir d’une crise essentiellement supportée par les plus pauvres). La conscience ne peut intervenir contre elles car il ne s’agit pas d’une atteinte à la civilisation dont nous vivons. Par contre toucher au mariage en le défigurant – ainsi n’en faire qu’un contrat reconnaissant un « amour » particulier, une sexualité contraire à l’anatomie du corps humain, alors qu’il est tout à fait autre que seulement cela – c’est un casus belli, dans la mesure où ces lois annulent ce pour quoi le mariage existe depuis toujours et abolit les règles traditionnelles de la filiation. Dans la mesure où elles renversent les droits « de » l’enfant pour leurs substituer ceux des adultes désireux de faire admettre « leur droit ‘’à’’ l’enfant » ! Etc..
J’entends dire, de la bouche même de responsables politiques, qu’aucune loi votée ne doit être refusée ou récusée. Mais nous avons bien suivi le cheminement de cette loi, étudiée à la va-vite, les arguments majeurs présentés contre elle rejetés avec mépris et surdité. Les partisans d’icelle la voulaient pour des raisons idéologiques dont certains aspects sont innommables : comme première étape pour instaurer durablement les conceptions malsaines et perverses (malgré quelques arguments éventuellement recevables) de la théorie du « gendeure », déclarée scientifique alors qu’elle ne l’est en rien. D’autre part, les exemples abondent de lois récusées ou abolies dès le changement de majorité. Les lois sont temporairement appliquées et le jour où le peuple en a assez, on les bazarde…)
La civilisation n’est pas du ressort exclusif des hommes politiques : par bonheur ! Vouloir comme ils le font aujourd’hui tout bouleverser sans accepter la mise à l’étude précise et complète des conséquences, en lien étroit avec tous ceux qui sont concernés, relève de l’inacceptable, sans omettre de préciser à quel point notre société s’en trouve ridiculisée… Le maire d’Arcangues2 risque de subir les sanctions très désagréables de l’injuste force de la loi, mais il y gagnera le salut de son honneur. Un honneur dont notre gouvernement, sur ce sujet précis, semble se contreficher, comptant sur sa force. Mais temporaire, Monsieur le Président Normal, temporaire !…
Qui légifère sur des questions qui touchent au plus profond de l’être, en son esprit, en son âme, sans accorder la « liberté de conscience » à ceux qui auront à appliquer la loi nouvelle, celui-là commet le mal. Purement et simplement. Il se trouve alors l’allié du Mal.
Pour aller plus loin :
- Affaire Ulrich KOCH contre Allemagne : la Cour franchit une nouvelle étape dans la création d’un droit individuel au suicide assisté.
- Le commerce plus fort que l'amour
- Fillon propulsé plus fort dans une difficile présidentielle
- Charlie - Que penser ? Que dire ? 3/3
- La paternité-maternité spirituelle en vie monastique est-elle menacée en Occident ?
- Quel député socialiste a osé dire, en substance, que la loi Taubira devait être considérée comme légitime parce qu’ils étaient « les plus forts » ?
- Arcangues, joli village basque proche de Bayonne où j’eus le bonheur d’être reçu à plusieurs reprises en 1963 et 1964 chez les parents du camarade Delzangles, comme moi sous-lieutenant en Algérie dans une compagnie basée à Ruina près d’Orléansville : après l’indépendance, les SAS furent supprimées et je dus, naturellement, rejoindre une nouvelle affectation.