En relisant de près Le drame de l’humanise athée, je me souviens de ce que le père de Lubac m’en disait, une quarantaine d’années après sa publication :
« Si j’avais aujourd’hui à réécrire un livre qui réponde à l’athéisme contemporain, je ne procéderais plus du tout de la même façon. Au moment où je l’écrivais, j’avais face à moi les grands systèmes athées dans leur cohérence. Aujourd’hui, il en va tout autrement. Nous sommes face à l’éclatement des systèmes et à la dissémination des esprits. »
À l’époque, ne parlait-on pas de « l’éclatement des grands systèmes de sens » ?
J’ai, toutefois, le sentiment qu’il y a quand même beaucoup à retenir de ce livre dans le climat intellectuel contemporain, ne serait-ce qu’en raison du vaste matériau intellectuel qu’il contient et où nous pouvons nous retrouver. Je pense notamment à ce qui est dit de Nietzsche et de ses thématiques. Tous les penseurs de la « déconstruction » se sont voulus nietzschéens et l’on continue à se réclamer de l’auteur de L’antéchrist. Il est vrai, en même temps, qu’il y a une incroyable distance entre Nietzsche lui-même et la bien pensance actuelle. Quelle formidable colère serait la sienne, je présume, à l’égard de « l’émancipation moderne ». Il n’empêche qu’un Michel Foucault a reçu toute son impulsion philosophique de ce côté-là et que nous en sommes toujours tributaires.
Dans notre univers éclaté, ce qu’écrit Henri de Lubac sur la démarche intérieur d’un Kierkegaard a gardé tout son intérêt. Car il s’agit, hors des systèmes, le système hégélien en tête, d’assurer son propre cheminement, sa propre vie spirituelle.