Il est difficile, et même extrêmement délicat, de se concentrer sur ce qu’on appelle « un fait de société », car on s’expose au risque de tirer d’une histoire personnelle, d’un cas individuel, une leçon générale qui alourdit le réquisitoire contre la personne qui s’est rendue, par exemple, coupable d’un crime. C’est pourquoi, avant de m’avancer trop loin sur l’affreux drame qui s’est produit sur la plage de Berck dans le Pas-de-Calais, je voudrais insister sur la détresse morale d’une maman, qui semble avoir été livrée à la plus terrible des solitudes. Solitude qui n’est pas du tout étrangère à la société urbaine d’aujourd’hui et qui concerne des milieux sociaux très différents. Cette jeune femme ne vivait pas dans la précarité, elle était, par ailleurs, fort intelligente et poursuivait des études de philosophie. Cela n’a rien empêché.
À partir de là, il faut comprendre que cette personne s’est trouvée comme enfermée dans sa logique individuelle, qui pourrait être qualifiée d’autiste. Son avocate explique qu’elle se trouve « dans une logique parallèle à la nôtre ». En pareille situation, l’intelligence peut aggraver les choses en suscitant une dialectique intérieure déconnectée du monde commun et plus encore de la présence d’autrui. L’avocate insiste encore sur la singularité de sa cliente, en affirmant qu’elle aimait sa fille et qu’elle pleure en pensant à elle. Sa sensibilité ne l’a pas empêchée de commettre l’irréparable. « Je crois qu’elle a euthanasié cette enfant et qu’en l’euthanasiant, elle s’est euthanasiée aussi. Elle entrevoyait pour cette enfant un avenir sombre. Elle se disait : La vie qu’elle aurait eu, c’est comme si c’était une maladie dont je l’ai soustraite. »
Euthanasie, le mot est prononcé. Je n’aurais peut-être pas osé le formuler moi-même, en dépit de l’idée qui s’imposait à moi en réfléchissant au drame de Berck. Mais il s’impose désormais dans le débat public. Dès lors qu’on a porté atteinte à un impératif absolu, que la transgression est envisageable, elle se profile comme débouché à une situation de détresse et de solitude. Peut-on condamner cet acte singulier alors que la transgression est désormais aux portes de la loi ?
Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 2 décembre 2013.
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