La belle image que nous reproduisons en couverture de ce numéro de France Catholique date de la fin du XIVe siècle et était alors courante dans les églises pour dénoncer les entorses que les différents corps de métier (chacun est représenté par un outil qui blesse le corps du Christ) pratiquaient au Jour du Seigneur. Les atteintes au repos dominical que le président Sarkozy a voulu faire entrer dans la loi – contre l’avis intime de sa propre majorité – ne sont donc pas nouvelles. Celles-ci ne seront d’ailleurs peut-être pas si graves en pratique – pour peu que le Conseil constitutionnel y mette encore son grain de sel ! – voire apporteront des garanties souhaitables pour certains travailleurs ! Mais c’est au plan des symboles et de la philosophie – qui est bien celui auquel le Président a entendu se situer – qu’il faut revenir.
S’il ne s’était agi en effet que d’une mise au point législative pour mieux garantir certains droits, notamment ceux des travailleurs assujettis au travail du dimanche pour des services nécessaires et surtout pour protéger le caractère strictement volontaire de ce qui doit demeurer une exception, un consensus national se serait sûrement dessiné. Mais il faut bien admettre que, dès le début, c’est une certaine philosophie qui a voulu s’imposer, affirmant la primauté de l’économie et justifiant la suppression de tous les obstacles, supposés antimodernes, pour permettre l’optimum des profits.
L’opposition de gauche n’a pas été seule à manifester son refus à ce qu’elle considérait comme l’affirmation d’une conception marchande de la société. Les objections les plus fortes sont venues d’un groupe d’une soixantaine de députés, animé par Jean-Frédéric Poisson, ancien maire de Rambouillet. Une bonne part des remarques de ce groupe a finalement été intégrée dans la dernière mouture du texte de loi. Cependant un réel malaise subsiste.
Pour les chrétiens, le respect du jour du Seigneur n’est pas négociable. Il s’inscrit dans la suite du respect du sabbat impératif dans la loi mosaïque. Même si Jésus a réagi contre certains aspects formalistes du repos sabbatique, il entendait lui restituer son vrai sens théologique. Tous nos compatriotes n’adhèrent pas à l’idée de sanctification du dimanche, mais beaucoup demeurent attachés à ses retombées symboliques. L’homme n’est pas seulement homo faber, et lorsqu’il n’est pas explicitement religieux, il doit pouvoir disposer d’un temps de repos pour être disponible à sa propre liberté intérieure.
G.L.
Illustration de couverture : « Il Cristo della Domenica »
(Le Christ du dimanche), fresque de la cathédrale de Biella (Piémont) (autour de 1470). Cette représentation très populaire du Christ blessé par les travailleurs du dimanche a été interdite après le concile de Trente.