Le désert lieu de rencontre avec Dieu - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Le désert lieu de rencontre avec Dieu

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On demandait à Lawrence d’Arabie pourquoi il aimait le désert. Il répondait : « Parce que c’est propre ! » Le désert est par excellence le lieu de rencontre avec Dieu. C’est Dieu lui-même qui l’a voulu ainsi. Par la bouche du prophète Osée, il déclare à la génération des années – 750 : « Ma fiancée, je la guiderai au désert. Là, je la séduirai et je parlerai à son cœur. Je la fiancerai à moi pour toujours dans la tendresse et la miséricorde » (2, 16). Cette invitation au désert, cette séduction de Dieu pour se fiancer à son peuple, pour renouer l’alliance avec chacun d’entre nous, cette promesse de tendresse et de miséricorde, c’est le programme du carême. Ce que Dieu a dit il y a près de 3 000 ans vaut pour nous maintenant.

Les lieux où Dieu aime parler sont les montagnes et les déserts. Le mont Moriah où Dieu attend Abraham et son fils, le Carmel où Dieu se révèle à Élie sous la forme d’un nuage qui ressemble à une étoile, le mont des béatitudes. Le désert d’Idumée, le désert qui descend entre Jérusalem et Jéricho et surtout le désert au-delà du Negev, le désert de Parân, le désert de Sin avec sa montagne qui culmine à 2652 mètres, le Sinaï, à la pointe du golfe de Suez et du golfe d’Aqaba. Cette vaste contrée balayée par le vent sec, entre l’Égypte de l’esclavage mais où la nourriture abonde et la Terre promise mais improbable.

Le désert est par excellence le lieu de la solitude. Quand on parle de faire retraite au désert, on signifie qu’on cherche la solitude. Moïse est seul quand Dieu s’adresse à lui au cœur du buisson ardent : « Par-delà le désert il parvint à la montagne de Dieu, l’Horeb. Dieu lui apparut dans un feu, au milieu d’un buisson. Il lui dit : « Je suis le Dieu de tes pères, Je suis celui qui suis. J’ai vu la misère de mon peuple. Je connais ses angoisses. Je vais le libérer » » (Exode 3). Pour entendre la voix de Dieu, qui ronfle doucement dans le feu ou murmure dans la brise, il ne faut pas être distrait. Il faut être face au divin interlocuteur. Mais la solitude est difficile. L’homme la hait comme la circonstance où il est face à lui-même et face à Dieu. Avec sa concision terrifiante, Blaise Pascal a bien vu le trait de l’homme moderne : « Tout le malheur de l’homme vient d’une seule chose, qu’il est de ne pas savoir demeurer au repos dans une chambre » (Pensées, 126). Cette réflexion de Pascal est sans doute inspirée par l’Évangile que nous avons entendu le mercredi des Cendres : « Toi, quand tu pries, retire-toi au fond de la maison, ferme la porte et prie ton Père qui est présent dans le secret. » Le paradoxe de notre vingt-et-unième siècle est que nous ne goûtons guère la présence de notre prochain, contaminés que nous sommes par l’individualisme contemporain. La solitude est donc un refuge apprécié (Enfin seul ! Plus de collègues, plus de voisins, plus d’importuns), mais à condition d’habiter une solitude limitée. La solitude avec le haut débit (Internet), avec le baladeur MP3, avec l’ordinateur (portable) plein de films, avec le réseau (téléphonique). Ce n’est pas dans cette solitude remplie d’accessoires que Dieu nous attend. C’est dans la solitude désarmée, désencombrée, débarrassée des prothèses de l’homme moderne.

Premier combat du carême : trouver où construire une vraie solitude, âpre et belle, silencieuse et durable. Or ces lieux de solitude existent encore ; et nous les connaissons. Les hôtelleries des abbayes, les foyers de charité, les maisons de famille en Limousin pendant un week-end d’hiver, munies d’une cheminée et de son cantou propice à la méditation.

D’emblée se pose alors la vraie question : voulons-nous profiter de ce carême 2013 pour nous désaliéner ? Pour trouver l’essentiel, ce qui fait vivre et grandir ? Sommes-nous encore capables d’aller au désert où Dieu nous attend ? Pouvons-nous nous passer des artifices de l’homme et de la femme moderne ? Celui qui prétend que c’est facile est un fanfaron. Il s’agit d’une véritable ascèse, tant nous sommes habitués à exister par le truchement de bricoles ingénieuses et inutiles.

à 88 kilomètres du lieu désertique où Dieu révéla à Moïse qu’il connaissait la misère de son peuple, un homme s’installa dans un autre désert pour vivre avec le Seigneur. Antoine du désert, Antoine d’Égypte, Antoine le Grand vécut soixante-dix ans au désert, dans sa thébaïde du mont Qolzum, près du wadi Araba, dans le djebel el-Galala el Qiblîya. Athanase d’Alexandrie a raconté la vie de son maître, l’imitation de la vie du Christ au désert. Car le carême c’est aussi cela : le disciple n’est pas plus grand que le maître. Pour vivre en vérité, pour vivre en liberté, il doit subir l’épreuve et la tentation.
L’épreuve spirituelle peut être une épure. La première épreuve, c’est de faire la vérité face à soi-même. Oser en début de carême se reposer les questions : « Qui suis-je ? Qu’est-ce que je fais de ma vie ? Quels sont mes beaux projets ? Où en suis-je avec les gens que j’aime, avec Dieu ? Est-ce que je fais fructifier mes talents ? Est-ce que je pardonne ? Est-ce que je partage ? Est-ce que j’ai la patience d’écouter mes enfants ? Qu’ai-je fait de mes rêves de sainteté ? » C’est conscient de mes potentialités et de mes limites que je peux me présenter face à Dieu. C’est la deuxième épreuve. Ce face-à-face avec le Seigneur me met à la place du fils prodigue. À genoux et peut-être en larmes. Recevoir le sacrement de la réconciliation est une étape nécessaire et salutaire dans ma retraite au désert. Si je ne devais prendre qu’une résolution pendant le carême, que ce soit de renouer l’Alliance avec Dieu et goûter sa miséricorde.

Le carême au désert est un temps de vérité, un temps de retrouvailles. Le reste de l’année, à part les vacances, la vie est organisée avec emploi du temps, rendez-vous, loisirs programmés, réunions, corvées. Le passage au désert est le moment du bilan objectif et tranquille. Il faut aller jusqu’à la rencontre radicale avec Dieu. Il faut croire que Dieu connaît la misère de son peuple, c’est-à-dire qu’il connaît notre peine. Il faut croire que Dieu nous sauve.

L’Église offre les moyens de cette rencontre personnelle et privilégiée : la liturgie, la prière personnelle, la lecture de la Bible, les sacrements de l’Eucharistie et du pardon. Saint Paul nous rappelle qu’« au désert, nos pères ont mangé une nourriture spirituelle ».

Il nous faut prendre des forces spirituelles pour le reste de l’année. Dans la joie des retrouvailles, il faut profiter de la grâce pour fonder notre vie chrétienne sur des bases solides. Il nous faut profiter du carême pour prendre les bonnes habitudes du témoin, les réflexes qui seront un talisman contre le péché. Il convient d’opter pour quelques bonnes résolutions, celles qui vont nous faire grandir, celles qui vont nous aider à reconnaître le Seigneur dans nos frères, celles qui vont nous acheminer vers la sainteté. Point trop n’en faut. Deux résolutions à tenir coûte que coûte, en durée et en qualité, c’est déjà beaucoup. Ne plus dire de mal de son prochain, voilà ce qui change le monde et rafraîchit le cœur. Demander pardon à sa femme, à ses parents ou à ses enfants, voilà ce qui change la vie. Consacrer au moins un quart d’heure par jour à l’oraison, voilà ce qui ouvre le ciel. S’inscrire aux cours de théologie de l’institut catholique le plus proche de chez soi, voilà qui oxygène l’intelligence.

Se convertir, c’est revenir. Revenir à ses premières amours. Revenir là où j’ai rencontré Dieu. C’est retrouver une pureté originelle, une relation simple et franche avec le Créateur. C’est recréer l’Éden ou construire le Royaume. C’est remplir le ciel de joie, puisque le Seigneur nous assure qu’il y a plus de joie au ciel pour un seul pécheur qui se convertit que pour 99 justes. C’est accepter de retrouver les yeux émerveillés de l’enfant que je fus.

Mais ne rêvons pas. Le désert, c’est la sécheresse. La conversion est difficile. Le vieil homme résiste. Il faut une volonté de fer et l’aide de la grâce pour renoncer à son confortable petit tas de péchés, ces habitudes dans lesquelles on se love au quotidien. C’est laborieux de faire de notre existence un lieu d’expérimentation pour Dieu. L’épreuve de la confiance et de l’amour réclame de courage et de l’audace. Le regard des autres risque de changer. Mes certitudes risquent d’être ébranlées. Mon identité risque de se transformer au gré de la grâce. Heureusement, nous ne sommes pas seuls dans l’aventure. Sinon, il ne s’agirait plus de sainteté mais de stoïcisme.

L’Esprit-Saint nous guide. Le Christ agit en nous dès que nous entrouvrons la porte vermoulue de notre cœur : « Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour prendre la soupe » dit Jésus aux Laodicéens (Ap. 3, 20). L’Église célèbre un temps liturgique, où des centaines de millions de catholiques prient avec nous, espèrent avec nous, se battent avec nous. Et nous ne sommes pas plus grands que le Maître : Jésus a été éprouvé pendant quarante jours dans le désert. Nous savons que par lui la victoire est acquise sur la grisaille diabolique. « Chaque jour je commence » aimait répéter le père Carré dans une formule proche de la devise du P. Bruno Lantéri (« Maintenant, je commence ! »). Oui, chaque jour l’aventure de la sainteté est possible. Le désert du carême nous transfigure en fils et fille de Dieu, le désert nous apprend la liberté, le désert peut refleurir.