Le dernier triduum du Père Jacques Hamel - France Catholique
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Noël : Dieu fait homme
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Le dernier triduum du Père Jacques Hamel

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DIMANCHE 24 juillet 2016

A saint Etienne de Rouvray, vers 9h00 en ce dimanche matin, les cloches de l’église saint Etienne annoncent la messe de 9h15.

L’assistance est clairsemée en ce temps de vacances. Un prêtre monte à l’autel et un fidèle de passage demande à sa voisine : « Qui donc est ce prêtre ? »

Notre curé est en vacances, c’est aujourd’hui le Père Jacques Hamel qui célèbre la messe.

Malgré son bel âge de 86 ans, il est en activité ici comme prêtre auxiliaire, totalement investi dans la vie de la paroisse. Certains de ses confrères aiment plaisanter : “Jacques, tu en fais un peu trop, il serait temps de prendre ta retraite”. Ce à quoi il répond en riant, “tu as déjà vu un curé à la retraite ? Je travaillerai jusqu’à mon dernier souffle”.

C’est un homme atypique ! Déjà en Algérie, lors de son service militaire, il refusait d’être officier pour ne pas avoir à faire risquer la mort à qui que ce soit. Lors d’une opération périlleuse, il fut le seul survivant de son groupe, il s’est toujours demandé pourquoi…

Notre curé est africain, c’est le Père Moanda-Phuati, salésien.
Tout le monde l’aime, notre Père Jacques, depuis le maire communiste, jusqu’à l’Imam et le Pasteur, il rend service à tout le monde sans distinction.

Arrive le moment de l’homélie. Le Père Hamel a toujours été habité par ce dialogue du livre de la Genèse entre Abraham et le Seigneur ! Pour sauver
Sodome et Gomorrhe combien faudra-t-il trouver de justes ? Cinquante ? Quarante cinq ? Quarante ? Trente ? Vingt ? Dix ?

Même pour dix, mon sacerdoce, pense le Père Jacques, est utile ici à Saint Etienne, malgré mon grand âge !

La lettre de saint Paul lui rappelle aussi son rôle de « pardonneur » au nom du Christ.

 « Vous étiez morts parce que vous avez commis des fautes mais Dieu vous a donné la vie avec le Christ, il nous a pardonné toutes nos fautes »

L’Évangile évoque le « Notre Père », la seule prière enseignée par Jésus Lui même. Le petit Jacques l’a balbutiée sur les genoux de sa mère. La finale du texte évoque un peu sa devise : « à qui frappe on ouvrira », c’est sa façon d’être en permanence comme serviteur.

De retour au presbytère, le Père Jacques vient, sans le savoir, de vivre son dernier dimanche sur terre ! Mission accomplie, demain la liturgie célèbre saint Jacques, son saint patron.

LUNDI 25 juillet

En semaine, la messe est à 9h00 . Même pour la saint Jacques, les bancs sont clairsemés mais ce sont des fidèles parmi les fidèles : souvent trois religieuses de saint Vincent de Paul et un couple âgé. Cinq personnes pour célébrer ce grand saint qui attire tant de pèlerins sur les routes de Compostelle depuis des siècles.

Mais c’est mon saint Patron se dit le Père Jacques, le premier martyrs des douze apôtres, de plus cette église et cette commune sont dédiées à saint Etienne ! Il fut premier martyr du nouveau testament ! Comment alors ne pas être habité par ce mystère que représente le martyr : verser son sang pour
Dieu ? Célébrer saint Jacques dans l’église Saint Etienne, c’est tout un symbole !

Comme par anticipation, le Père Jacques lit à haute voix cette deuxième lettre de saint Paul aux Corinthiens :

« En toutes circonstances nous sommes dans la détresse, mais sans être angoissé ;

nous sommes déconcertés, mais non désemparés,

nous sommes pourchassés mais non pas abandonnés ;

terrassés mais non pas anéantis ;

Toujours nous portons, dans notre corps, la mort de Jésus, afin que la vie de Jésus, elle aussi soit manifestée dans notre corps.

En effet , nous les vivants, sommes continuellement livrés à la mort à cause de Jésus, afin que la vie de Jésus, elle aussi, soit manifestée dans notre condition charnelle vouée à la mort »

Car nous le savons, celui qui a ressuscité le Seigneur Jésus nous ressuscitera, nous aussi, avec Jésus et il nous placera près de lui avec vous ».

L’évangile de Mathieu est prémonitoire de ce qui se passera demain :
« Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur ; et celui qui veut être parmi vous le premier sera votre esclave. Ainsi, le Fils de l’Homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude. »

MARDI 26 JUILLET

A son réveil, vu son âge, le Père Jacques, se compare aux grands parents dont c’est un peu la fête en ce jour où l’église honore sainte Anne et saint Joachin.

Porter témoignage, apporter son expérience à ses enfants et petits enfants, en quelque sorte consumer sa vie pour eux qui sont la jeunesse de l’Église et de la société !

Quelle belle coïncidence et quelle étroite relation entre « la sainte Anne » et ce premier jour des JMJ.

Parlant de Benoit XVI le Pape François dit de lui : « c’est un peu le grand père à la maison », il prie et se tient devant le Seigneur.

Tous ceux qui le connaissent voient en Jacques Hamel ce grand père à qui l’on vient se confier ou demander un service. Au lendemain de la saint Jacques, ce 26 juillet est donc aussi un peu sa fête.

Habité de toutes ces intentions, le Père Jacques est ponctuel pour célébrer sa messe à 9h00 , il découvre les cinq habitués du matin.

La lecture de Jérémie rappelle que la vie sur terre n’est pas un long fleuve tranquille : « Que mes yeux ruissellent de larmes nuit et jour, sans s’arrêter !

Elle est blessée d’une grandes blessure, la Vierge, la fille de mon peuple, meurtrie d’une plaie profonde.

Si je sors dans la campagne, voici les victimes de l’épée.

Si j’entre dans la ville, voici les souffrants de la faim.

Même le prophète, même le prêtre parcourent le pays sans comprendre. »
Au moment de l’évangile, l’un des deux futurs assassins vient repérer les lieux, allant même jusqu’à s’adresser à l’une des religieuses.

Pendant ce temps voici le texte de saint Mathieu sur la parabole de l’ivraie (Ch 13 , 36-43)

– « Celui qui sème le bon grain, c’est le fils de l’homme ; le champ c’est le monde ;

– le bon grain ce sont les fils du royaume ;

– l’ivraie ce sont les fils du mauvais. L’ennemi qui l’a semé, c’est le diable ;

– la moisson, c’est la fin du monde, les moissonneurs ce sont les anges.

– De même que l’on enlève l’ivraie pour la jeter au feu, ainsi en sera-t-il à la fin du monde.

– Le fils de l’homme enverra ses anges et ils enlèveront de son royaume toutes les causes de chute et ceux qui font le mal ; ils les jetteront dans la fournaise : là il y aura des pleurs et des grincements de dents.

– Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur père.

Depuis 58 ans, le Père Jacques accompli « le miracle » au quotidien : il fait venir le Christ sur l’autel, en vu de s’en nourrir et de nourrir ceux qui s’en approchent. Il le fait « in persona christi » .

Aujourd’hui il est pris au mot : « ceci est mon sang ».

Après la communion sous les deux espèces, il est véritablement devenu le corps et le sang du Christ.

Survient Satan qui, quant à lui, a possédé le corps et l’âme de deux jeunes garçons. Ce qui va suivre est devenu un authentique combat entre Dieu et Satan. Jacques et les deux tueurs se sont éclipsés. C’est Dieu lui même qui, une fois son prêtre blessé d’un premier coup de couteau, va dire, à deux reprises, « va-t-en Satan ». Ce dernier accomplira son geste comme au calvaire, mais ce faisant, il perd la partie. Un saint, un intercesseur, un prophète est né au ciel.

La densité extrême de l’homélie de Monseigneur Lebrun, lors de la sépulture du Père Jacques, fait souvent référence à ce combat démoniaque qui s’est déroulé en cette matinée du 26 juillet dans l’église de son diocèse, à saint Etienne du Rouvray.

L’avenir nous dira si le martyre du Père Jacques constitue cette semence jetée dans la bonne terre ; les fruits ne seront-ils pas les premiers pas tant attendus d’une foule de musulmans en marche vers la lumière du Christ ressuscité ?

Bertrand Lemaire