Le dernier empereur, Charles Ier - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Le dernier empereur, Charles Ier

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La dernière fois que j’eus l’occasion d’interviewer le cardinal Jean-Marie Lustiger – c’était pour son quatre-vingtième anniversaire – je lui demandais quel souvenir il avait gardé de son premier entretien avec le pape Jean-Paul II. Je ne pus m’empêcher de lui faire remarquer qu’il y avait quelque chose de fascinant dans la rencontre entre le pape venu de Cracovie et l’archevêque de Paris dont la mémoire était indéfectiblement marquée par la tragédie qui s’était accomplie en Pologne sur les terres même de l’ancien métropolite de Wavel.

Je ne le formulais pas évidemment dans ces termes, me contentant de désigner le cœur névralgique de l’Europe. Or ce cœur, partie intégrante de l’empire des Habsbourg. Le propre père du pape polonais avait servi dans l’armée de l’empereur Charles d’Autriche. Lorsqu’il reçut l’impératrice Zita au Vatican, Jean-Paul II ne manqua pas de rappeler ce fait : le destin de l’Europe s’est noué dans cette Europe centrale, cette Mitteleuropa où avait été déclenchée avec l’attentat de Sarajevo, la Première Guerre mondiale. Faut-il rappeler que l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand devait décider de l’avènement du petit neveu de François-Joseph qui devenait ainsi le successeur de l’empereur ?

Le court règne de l’empereur Charles déboucha sur la fin de l’Empire des Habsbourg, on l’a rappelé ce matin, mais de cette fin malheureuse résulta la grande tragédie de la Seconde Guerre mondiale. Comme le dit Jean Sévillia, on ne voulait plus des Habsbourg mais les peuples d’Europe centrale ont subi Hitler et Staline. De la déflagration du grand empire central résulta la ruée totalitaire. Faut-il rappeler qu’Hitler et Staline se mirent bel et bien d’accord pour se jeter sur la Pologne et y déployer l’un et l’autre leurs desseins criminels ?

Lors des obsèques de l’impératrice Zita à Vienne, le 1er avril 1989, fut réitérée la cérémonie si émouvante qui marquait l’entrée de la défunte dans la chapelle des Capucins, là où reposent les membres de la dynastie. Joseph Roth, le grand romancier autrichien, a mis en valeur dans son livre célèbre intitulé précisément La chapelle des Capucins, ce rite où l’impératrice, après avoir décliné tous ses titres – et Dieu sait s’ils sont nombreux – demande l’accès à sa sépulture au titre d’humble pécheresse. Mais parmi les titres de l’impératrice il en est un qui apparaissait saisissant au regard de l’histoire. C’est celui, me semble-t-il, de duchesse d’Auschwitz. Les téléspectateurs français avaient pu à l’époque suivre la cérémonie commentée par notre actuel ministre de la Culture, lequel avait d’ailleurs su rendre parfaitement le sens de cette entrée de Zita dans la nécropole des Habsbourg.

Je me suis fixé sur cette image mais elle me semble hautement symbolique. Charles et Zita d’Autriche-Hongrie, si intimement liés à notre destin européen nous renvoient aussi à la signification du prince chrétien. Ce couple si uni, si évangélique dans son comportement et sa mission politique, nous indique en quoi il y a une modification chrétienne du politique qu’un philosophe a pu traduire comme une kénose christique. Ce mot de kénose, qui est paulinien et qui signifie l’abandon total de soi au service du prochain, peut conduire en certaines circonstances à l’héroïsme de la sainteté.

Je fais des vœux fervents, dans une totale confiance au discernement de l’Église, pour que ce couple admirable soit reconnu à l’exemple de Louis et Zélie Martin, comme des modèles et des intercesseurs pour le service d’une Europe qui oserait assumer son identité réelle.

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