Le défi de la transmission de la foi - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Le défi de la transmission de la foi

Transmettre la foi est la première finalité du projet éducatif chrétien, et ce depuis les origines de l’Église. Aujourd’hui pourtant, cette mission n’est pas toujours simple à accomplir dans les établissements catholiques, surtout dans une société de plus en plus sécularisée. Petit rappel des grands principes.
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© Philippe Lissac / Godong

«L’étude de la religion est si essentielle à la jeunesse, qu’elle doit être sa première leçon, sa leçon de tous les jours. » Étonnamment, c’est de Diderot, en ce XVIIIe siècle dit des « Lumières », que nous vient cette recommandation…

De façon paradoxale et probablement involontaire, l’artisan de l’Encyclopédie rejoint ainsi toute la tradition de l’Église éducatrice depuis ses origines. C’est ce que le Magistère nomme « la formation intégrale », rappelant qu’elle n’a qu’un but : former l’homme « en vue de sa fin dernière », le Ciel, tout en lui apprenant à servir ici-bas le « bien commun de la société » (Code de droit canonique §795).

Face à la déchristianisation, l’éducation est ainsi aujourd’hui un défi crucial : en France, un élève sur cinq, soit 2,1 millions d’élèves, est encore scolarisé dans un établissement de l’enseignement catholique sous contrat avec l’État. Que reçoivent-ils dans ces écoles ? Que devrait-on leur y transmettre ?

La transmission de la foi, objectif prioritaire

Transmettre la foi est une des missions principales de l’Église. La première même, si l’on se réfère au Magistère, exprimé notamment par Pie XI (1857-1939) dans l’encyclique Divini illius Magistri sur l’éducation chrétienne, publiée en 1929. Le pape y rappelle le but de l’éducation : « On doit se comporter dans cette vie terrestre pour atteindre la fin sublime en vue de laquelle l’homme a été créé », à savoir la vie éternelle avec Dieu. « Il ne peut donc pas y avoir, poursuit le Souverain pontife, de véritable éducation qui ne soit tout entière dirigée vers cette fin dernière. Et comme Jésus seul est la voie, la vérité et la vie (Jn 14, 6), il ne peut y avoir d’éducation complète et parfaite en dehors de l’éducation chrétienne. »

C’est ce qu’ont aussi rappelé les Pères du concile Vatican II, dans la Déclaration sur l’éducation chrétienne – Gravissimum educationis – en 1965 : « L’éducation chrétienne […] ne vise pas seulement à assurer la maturité […] de la personne humaine, mais principalement à ce que les baptisés, introduits pas à pas dans la connaissance du mystère du salut, deviennent chaque jour plus conscients de ce don de la foi qu’ils ont reçu, apprennent à adorer Dieu le Père en esprit et en vérité […]. »

Cet objectif est accessible, même au plus jeune âge, comme l’expérimente le chanoine Adrien Mesureur, de l’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre, aumônier de l’école hors contrat Notre-Dame-de-Fatima (La Chapelle-d’Armentières). Il constate que « les enfants sont capables de très grandes choses : il faut leur donner de grands buts. Ils doivent savoir qu’ils ne travaillent pas pour une récompense humaine, mais pour rien moins que le Ciel, le paradis, l’amour éternel ! » Pour l’aumônier, c’est dès la petite enfance qu’il faut ancrer la foi : « Peu à peu, on fait entrer ce patrimoine dans l’esprit et l’âme de l’enfant. Cela devient une partie de lui-même… » Ainsi, selon cet éducateur, « s’il n’y a pas la transmission de la foi, on passe à côté de l’essentiel ».

Pie XI est allé, quant à lui, jusqu’à écrire dans son encyclique : « La fréquentation des écoles non catholiques ou neutres ou mixtes […], doit être interdite aux enfants catholiques. » Une position qui a connu depuis une substantielle évolution.

Le pape précise le nécessaire éclectisme dans ce domaine : « C’est de plein droit que l’Église se fait la promotrice des lettres, des sciences et des arts, dans la mesure où tout cela peut être nécessaire ou profitable à l’éducation chrétienne comme à toute son œuvre de salut des âmes […]. »

Un objectif que partagent encore aujourd’hui nombre d’éducateurs engagés. Pour Ambroise Tournyol du Clos, professeur d’histoire dans l’enseignement public, puisque « l’homme est destiné à la vie éternelle, un enseignement digne de ce nom doit lui permettre d’accéder à cette vérité de la vie éternelle, y compris par le biais des disciplines profanes ».

Une vision de l’homme

Lorsque l’objectif premier de l’éducation – la transmission de la foi – est mis à sa juste place, et le reste s’ordonne logiquement, explique François-Xavier Clément, ancien directeur de l’école Saint-Jean-de-Passy, à Paris, auteur de La voie de l’éducation intégrale, et fondateur de Saint Joseph Éducation, un organisme qui vise à développer la formation à l’éducation intégrale au sein des établissements catholiques : « Tous les éléments de l’éducation s’articulent autour de cette finalité du Ciel dans la vie de l’enfant : formation de la volonté, vie physique, affective, intellectuelle, spirituelle… C’est le socle de toute l’anthropologie catholique. » Une anthropologie fondée sur la nature unifiée de l’homme, comme le rappelle Pie XI : « Il ne faut jamais perdre de vue que le sujet de l’éducation chrétienne, c’est l’homme tout entier : un esprit joint à un corps, dans l’unité de nature, avec toutes ses facultés naturelles et surnaturelles. » Une unité dont la société s’éloigne de plus en plus, comme le déplore Ambroise Tournyol du Clos : « Quand on perd le sens de Dieu, on perd le sens de l’homme ; il ne reste plus que l’homme auto-construit. » Cet homme qui veut réinventer le modèle familial, choisir son identité sexuelle, séparer la sexualité de la procréation, éliminer les enfants à naître « non désirés » et les personnes grabataires…

Un « grand écart s’est installé entre l’école catholique et la société », constate François-Xavier Clément. « Nous tentons de rester fidèles à notre conception de l’homme, de la famille, de la vie morale… Mais la société est partie tellement loin ces dix dernières années, que nous arrivons à une situation très difficile. »

Par conséquent, estime-t-il, la tentation est grande « d’accompagner cette rupture, de supporter des entorses, des approximations… ». Au point qu’il y a « des choses que l’on ne dit plus », constate-t-il, donnant l’exemple d’un document envoyé par l’enseignement catholique aux 90 directeurs diocésains, en décembre 2021, appelant à « accompagner les élèves ‘‘en situation de transidentité’’, souhaitant changer de prénom, pour répondre à la demande de l’Éducation nationale, “à accueillir ces demandes, et, à l’issue d’un dialogue approfondi avec les parents, à y accéder dans la mesure du possible’’ ». Pourtant, le fameux « contrat » avec l’enseignement catholique établi par la loi Debré de 1959 ne préconise pas d’aller aussi loin ; il concerne essentiellement les professeurs, les programmes et l’activité d’enseignement dans la classe. Selon le fondateur de Saint Joseph Éducation, « cela laisse une totale latitude pour exprimer le “caractère propre’’ de l’enseignement catholique. » Ainsi appelle-t-il « les évêques et les directeurs diocésains de l’enseignement, à assumer les conséquences de l’attachement à l’anthropologie chrétienne, au nom de la foi, devant le ministère et les rectorats ».

Une institution auxiliaire

Les papes, Pie XI en particulier, ont aussi toujours rappelé que l’école est « une institution auxiliaire et complémentaire de la famille et de l’Église ». Elle doit « s’harmoniser positivement avec les deux autres milieux, dans l’unité morale la plus parfaite possible, de façon à constituer avec la famille et l’Église un seul sanctuaire consacré à l’éducation chrétienne. Faute de quoi elle manquera sa fin pour se transformer, au contraire, en œuvre de destruction ».

Certes, aujourd’hui, les familles n’ont pas à leur disposition toutes les ressources nécessaires et n’ont elles-mêmes souvent pas reçu cet enseignement. Mais pour le chanoine Mesureur, « les enfants souffrent de ce manque d’unité entre l’école et la famille : ils sont trop fragiles pour assumer cet écart. La petite graine de la foi a besoin de grandir dans une ambiance protégée ». C’est pour cette raison que, si « les droits et devoirs, premiers et inaliénables, d’éduquer leurs enfants reviennent aux parents », rappelle le concile Vatican II, dans la Déclaration sur l’éducation chrétienne, ceux-ci doivent pouvoir « jouir d’une liberté véritable dans le choix de l’école ». Une liberté pas toujours simple à mettre en œuvre aujourd’hui, mais dont certains parents font le choix courageux, « en organisant leur vie en fonction de l’école qu’ils souhaitent offrir à leurs enfants », assure le chanoine.

Éduquer à la vraie liberté

« La fin de l’éducation est que l’enfant en vienne à préférer librement pour toujours le vrai au faux, le bien au mal, le juste à l’injuste, le beau au laid, et Dieu à tout », résumait l’abbé Louis-Alain Berto, fondateur de l’Institut des sœurs enseignantes des dominicaines du Saint-Esprit. Cette capacité à discerner est un des grands axes de l’école chrétienne. Pour Ambroise Tournyol du Clos, « si nous voulons que nos enfants puissent poser des actes libres, il faut que toute l’éducation soit ordonnée à la dimension surnaturelle de l’existence. L’apprentissage des vertus en vue du salut est indissociable de la transmission. » Il rejoint en cela le pape Benoît XVI, pour qui le rôle essentiel de l’école était clair, comme il le disait dans son discours devant les étudiants du Collège universitaire Sainte-Marie de Twickenham (Angleterre) en 2010 : « Une bonne école catholique […] devrait aider tous ses élèves à devenir des saints. »