La presse française a rapporté le succès populaire qu’a suscité l’ostension des reliques de sainte Thérèse de Lisieux en Angleterre. Trois cent mille personnes sont venues vénérer les restes mortels de cette jeune carmélite connue dans le monde entier. Les responsables des sanctuaires de Lisieux ne sont pas étonnés par un phénomène qui n’a fait que croître, depuis que la décision a été prise de promener ainsi la châsse en tous pays, afin d’aller à la rencontre des populations. Un phénomène qui touche toutes les catégories, les plus humbles – comme les détenus des prisons – mais aussi parfois les plus illustres. Dans les archives, on conserve notamment plusieurs photos de François Mitterrand après son départ de l’Élysée, qui était venu honorer Thérèse à la voiture qui reconduisait les reliques depuis Paris jusqu’à Lisieux. Mais voici maintenant que ce sont les parents, les bienheureux Louis et Zélie Martin, qui se trouvent associés à la dévotion que suscite leur fille. Le diocèse de Pontoise ne vient-il pas d’accueillir également leurs reliques, au milieu d’une intense ferveur ? Nous raconterons un jour ici les phénomènes de même nature qui sont en train d’accompagner le déplacement des reliques de sainte Marguerite-Marie, ou celles du Curé d’Ars…
On sait que ce culte ne suscite pas toujours l’enthousiasme des théologiens. La Réforme au XVIIe siècle s’est dressée contre des pratiques réputées superstitieuses et il n’est pas rare que des protestations se fassent entendre pour dénoncer le retour des pratiques médiévales. Certes, il a pu y avoir dans le passé des abus, voire des scandales, lorsqu’on faisait commerce desdites reliques. Les philosophes du XVIIIe siècle se sont abondamment gaussés de leur manque d’authenticité, avec parfois, il faut le reconnaître, de bonnes raisons. Mais l’Église catholique a néanmoins persisté à proposer ce type de dévotion qui prend la forme, aujourd’hui, d’une vague propre à stupéfier les plus incrédules.
Toute la question est de savoir le type de pastorale, de prédication et de prière qui entoure le culte des reliques. Les dévotions ne valent que par les sentiments religieux qu’elles suscitent et ceux qui crient un peu vite à la superstition, devraient prendre garde qu’il s’agit d’une très ancienne observance liée au culte des martyrs. Au IVe siècle, on commence à transférer les corps ou des fragments de corps pour susciter la ferveur des fidèles et leur attachement au témoignage de ceux qui ont donné leur vie au Christ. On construit des églises dédiées aux saints martyrs dont les restes sont placés sous les autels. Aujourd’hui encore, toute église consacrée comporte un autel où se trouve incrustée une pierre contenant une relique. À chaque messe le célébrant pose les lèvres sur cette pierre qui participe à la symbolique du sacrifice de l’autel. C’est dire combien les reliques sont associées à la liturgie et que leur vénération, loin d’être une excroissance provoquant forcément des déviances, constitue au contraire une démarche de conversion et d’adhésion au mystère de la rédemption. Que la translation des restes de Thérèse, Louis et Zélie Martin suscite des quantités de petits miracles intérieurs ne saurait surprendre ceux qui savent combien le christianisme est une religion incarnée, où les signes sensibles provoquent les mouvements profonds de la sensibilité et du cœur.