Une fois la loi sur le mariage homosexuel votée, tous les recours légaux ne sont pas fermés. La décision du Conseil constitutionnel est attendue avec la plus grande attention. Par ailleurs, la pression des manifestations de rue, si elle se conclut par un gigantesque rassemblement le 26 mai prochain, peut impressionner le Président de la République, dans la mesure où il lui faudra passer outre, ou non, à une opposition massive, qui correspond à une fracture profonde de la communauté nationale. Tout indique que les semaines à venir vont marquer une montée en puissance de la contestation. Celle-ci ne saurait s’éteindre, un vote du Parlement ne pouvant entamer un désaccord de fond, qui, contrairement aux affirmations péremptoires, subsistera dans les cœurs et dans les consciences.
C’est là que nous pouvons comprendre la nature du mouvement qui est né et n’a cessé de s’amplifier depuis l’automne dernier. Pour ma part, je l’interpréterais volontiers en termes culturels, au sens où mon ami Maurice Clavel définissait ce terme : « La culture est une option sur l’absolu. » Refuser la transgression du sens du mariage et la désarticulation de la filiation, c’est bien autre chose que s’opposer à une loi circonstancielle. C’est prendre parti pour une certaine conception de l’homme, qui s’enracine dans les traditions philosophiques et spirituelles les plus fortes. C’est pourquoi il faut en revenir à l’analyse clavelienne des événements de 68, qui allaient bien au-delà d’une révolte de jeunesse. C’était les raisons de vivre qui étaient en cause, au sein d’une civilisation qui n’était plus en cohérence avec ses fondamentaux.
Clavel mettait en évidence une lutte qui se situait au plus profond de l’inconscient de l’Occident. Ce mot « inconscient », il ne fallait pas le prendre au sens freudien, mais bien plutôt en référence avec ce que saint Augustin signifiait en désignant le rapport de l’intériorité humaine avec le maître intérieur. Clavel l’associait aussi au combat perpétuel de l’homme avec l’Ange, qui marque l’oscillation des sociétés en fonction des choix décisifs pour la vie ou pour le déclin. Il me semble que pour apprécier l’actuel mouvement, c’est à cet éclairage métaphysico-transcendantal qu’il faut recourir. Une opposition a osé se lever contre une culture dont elle n’accepte plus les diktats. Pour la première fois depuis longtemps, elle défie la puissance installée des médias, de l’argent et de toutes les idoles. C’est une date que l’histoire retiendra.