Qu’est-ce qu’un moine coupé du monde peut nous dire ?
Un moine ne vit pas coupé du monde, mais à l’écart. Comme saint Antoine le Grand au désert d’Égypte, il s’affronte au mal. Le Christ aussi fut tenté par Satan. Un chrétien n’est pas seul dans ce combat ni toujours vainqueur : le Christ lutte avec lui. Le moine mène ce combat avec une intensité particulière comme membre de l’Église avec sa vocation propre, la prière. Cette vocation rend sensible à la fracture entre le monde et l’Église, aux fractures à l’intérieur de l’Église, à celles qu’éprouve notre cœur de chrétien… En réalité, ces trois fractures n’en sont qu’une qui laisse passer de la lumière dans l’obscurité. Toute personne qui mène une vie de prière sait combien ce combat est concret et personnel.
Pourriez-vous résumer votre analyse en quelques phrases ?
Je ne me pose pas en analyste mais en témoin. Je suis né dans une famille profondément chrétienne, j’ai un oncle Père Blanc. Lors de mes études supérieures, j’ai tout lâché. Je cherchais le bonheur en aveugle et j’ai finalement retrouvé le Christ. Nous vivons une période agitée depuis quarante ans. D’excellentes analyses en ont été faites. La Bible et les théologiens apportent beaucoup en portant un regard juste sur le mal. J’analyse le récit de la Chute avec humour et gravité, puis la pédagogie du Saint-Esprit ! Le pape François reparle du diable et c’est libérant car, si on arrive à se bien situer vis-à-vis du mal, on peut retrouver une dimension d’Espérance : je suis responsable, mais pas de tout. À partir de là, s’ouvre un espace dans lequel nous pouvons assumer nos responsabilités sans avoir l’impression que tout se cassera la figure en cas d’échec. Depuis le siècle des Lumières, l’homme a essayé de se construire sans Dieu. Cela n’a en rien évacué le mal, mais a reporté au contraire toute la responsabilité sur l’homme qui étouffe sous sa culpabilité. Il n’a plus personne pour le guider et personne pour lui pardonner. Il faut échapper à cette atmosphère selon laquelle, lorsque quelque chose ne va pas, nous sommes entraînés à penser que c’est de notre faute. En partie, oui, mais on ne prend pas tout sur soi. Cela permet de prendre la juste mesure des responsabilités liées au fonctionnement de l’Église et de celles qui reviennent à la culture contemporaine. Dans une société où la structure morale offre des rails équilibrés, il est plus facile de faire le bien. Le monde n’aime pas qu’on lui dise ce qu’il fait mal. Et ce, depuis la création du monde. Voyez les prophètes… La parabole du bon grain et de l’ivraie dit vrai : c’est dans le Royaume que Dieu triera parmi nos actes. En essayant de trier dès ici-bas, on arracherait tout.
Retrouvez l’intégralité de l’entretien dans le magazine.
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Frère Samuel, Fils de Lumière en temps d’épreuve, Artège, 208 pages, 16,50 €.