« Le ciblage des chrétiens ne fait aucun doute » - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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« Le ciblage des chrétiens ne fait aucun doute »

En s’attaquant à l’Église nigériane, les djihadistes croient mener une guerre contre les valeurs occidentales. Pour Pierre Vermeren, normalien, spécialiste des sociétés berbères et arabes contemporaines, les chrétiens doivent répondre aux défis que pose ce conflit, y compris sur notre propre sol.
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L’église d’Owo a été attaquée le 5 juin dernier, lors de la messe de Pentecôte.

L’église d’Owo a été attaquée le 5 juin dernier, lors de la messe de Pentecôte.

© Aide à l’Église en Détresse

Qui sont les auteurs de ces massacres dont l’un des plus récents, perpétré le 5 juin dans l’église d’Owo, a fait 40 morts ?

Pierre Vermeren : Les choses sont complexes et opaques dans ce pays le plus peuplé d’Afrique, véritable poudrière sécuritaire, et sur lequel nous sommes très mal informés : entre le risque mortel d’informer, l’hyperviolence et le peu de transparence des autorités, tout conduit au silence. Cela dit, depuis la création de Boko Haram en 2002, la situation des chrétiens s’est considérablement aggravée.

Pour des raisons différentes, les chrétiens – ils représentent la moitié de la population du pays – sont ciblés par plusieurs forces : Boko Haram, des groupes nomades peuls du nord, des éléments gouvernementaux, l’État islamique au Sahel…

2014 a été une année de rupture, quand l’armée a combattu avec une extrême brutalité Boko Haram. Depuis, l’état d’urgence est permanent. Le nombre de morts annuels a chuté dans le pays, mais plusieurs milliers de chrétiens sont tués chaque année – soit 8 chrétiens sur 10 tués en tant que tels dans le monde en 2021 –, avec un ciblage qui ne laisse aucun doute quant à sa finalité.

La situation au Nigeria doit-elle être envisagée dans un contexte plus large, international ?

Oui et non. Oui, parce que plusieurs groupes terroristes ou djihadistes, comme Boko Haram, ont prêté allégeance à Al Qaïda et à l’État islamique, qui continue d’exister au Moyen-Orient. Non, parce que se surimposent à cette réalité des logiques nationales ou régionales propres au Nigeria : une surpopulation qui tend gravement la corde de l’accès aux ressources vitales – situation aggravée par le réchauffement climatique – ; un comportement difficile à suivre – parfois criminel – des autorités militaires nationales et des administrateurs locaux ; la lutte pour l’usage des ressources entre les éleveurs peuls musulmans et les agriculteurs sédentaires chrétiens ; des actes criminels terroristes anti-chrétiens de groupes salafistes, etc. À une logique transnationale du djihad se greffent donc des éléments propres à la situation nigériane.

Quelle est la logique strictement religieuse de ces attaques ?

Pour les djihadistes, c’est Dieu – Allah – qui écrit l’histoire des hommes, et ils en sont le bras armé.

Retrouvez l’intégralité de l’entretien et du Grand Angle dans le magazine.