Le christianisme au Népal (II) - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Le christianisme au Népal (II)

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ROME, Dimanche 25 avril 2010 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous la deuxième partie de l’entretien avec Mgr Anthony Francis Sharma évêque au Népal. La première partie a été publiée dimanche 18 avril.

Mgr Sharma est Népalais de naissance, natif de Gurkha, district de la région du Midwest au centre du Népal. Il est né et a été élevé dans une famille hindoue, comme un brahmane (ou brahmin).

Cet entretien a été diffusé dans l’émission télévisée « Là où Dieu pleure », conduite par le Catholic Radio and Television Network (CRTN), en collaboration avec l’association Aide à l’Eglise en Détresse (AED.

Ces dernières années, d’énormes changements sont survenus dans l’histoire du Népal. Le pays a été déclaré Etat laïc, et les rois hindous, qui avaient régné sur le Népal pendant des siècles, ont été destitués. Est-ce une étape positive pour le pays ?

Mgr Sharma : Je pense que oui, c’est une étape positive. Le Népal fait ainsi son entrée dans l’arène internationale, et avec un peu de chance… par exemple … encore aujourd’hui, le samedi et le dimanche sont des jours ouvrables, de sorte que le service du dimanche a lieu le samedi. Ainsi, nous l’espérons, le Népal suivra le calendrier international, et nous suivrons donc le même.

Et je pense que, de cette façon, il y aura une reconnaissance. L’Etat laïc n’a pas été déclaré sous une forme écrite. Tout s’est passé il y a deux ans au moment où cette proposition a été faite ; il y a eu une approbation des parlementaires qui ont simplement tapé sur la table devant eux et déclaré : « oui » c’est ce que nous voulons. Mais ce sont les maoïstes et le parti communiste qui ont fourni cet effort. Le Congrès et les autres partis n’y étaient pas du tout favorables, mais ils ont emboîté le pas. Ils ont vu taper sur la table et ont fait de même.

Mais vous pensez que cette reconnaissance arrivera ?

Mgr Sharma : Oui, je pense, avec la rédaction écrite de la nouvelle constitution. Celle-ci nous donnera, je suppose, une certaine liberté de prêcher, sans problème. On m’a souvent posé cette question, et ma réponse a été : que le Népal reste un pays hindou ou devienne un pays laïc ne fera aucune différence pour nous. Nous continuerons à faire ce que nous avons toujours fait : servir le peuple à travers nos programmes sociaux et notre action dans le domaine de l’éducation.

Mais vous aurez une plus grande liberté ?

Mgr Sharma : Nous aurons une plus grande liberté. Nous ne serons plus contestés ; dans le passé, avant 1990, quand on fondait des écoles, je devais invariablement me présenter à l’autorité civile pour expliquer ma présence, car ils pensaient que j’essayais juste de propager le christianisme dans le pays.

En 2007, Benoît XVI a élevé l’Eglise catholique du Népal au rang de vicariat apostolique. Pourquoi avoir choisi ce moment particulier après le renversement du gouvernement ? Est-ce une mesure stratégique ou politique, pour ancrer plus profondément l’Eglise en l’élevant au statut d’un vicariat apostolique ?

Mgr Sharma : L’Eglise catholique au Népal est entrée dans l’arène politique non pas en 2007, mais en 1984. In 1982, le roi Birendra, avant d’être massacré avec sa famille, est allé voir le Pape, accompagné de sa femme et de son entourage. Le but de cette visite était de demander au pape de reconnaître le Népal comme zone de paix. Comme vous savez, le Népal est un tout petit pays de 147,000 km², coincé entre la Chine au nord et l’Inde au sud, à l’est et à l’ouest. Aussi la menace existait pour le Népal d’être absorbé par l’un de ces deux pays.

En étant reconnu comme zone de paix, le Népal bénéficierait de la protection de la communauté internationale, et la reconnaissance du Népal comme zone de paix par le pape et le Saint-Siège devait lui permettre d’être reconnu comme zone de paix par d’autres pays sans aucun problème. Le calcul du roi s’est révélé juste, et le Népal a été reconnu zone de paix. Deuxièmement, quand le roi a sollicité cette reconnaissance, le pape a réalisé qu’il n’y avait pas une présence officielle de l’Eglise, sous une forme reconnue. Il fallait créer une Eglise « Missio sui iuris », et c’est ainsi que j’ai été nommé le premier supérieur ecclésiastique en 1984.

La création d’un vicariat apostolique avait certainement une implication symbolique, à défaut d’une incidence légale, pour l’Eglise, dans la mesure où celle-ci s’enracinait plus profondément dans le pays ?

Mgr Sharma : Sans aucun doute, cela a contribué à ce que notre présence soit reconnue. Ce vicariat a été un honneur accordé à notre peuple. Et aussi, la reconnaissance des efforts de nos pionniers. Ces pionniers qui sont arrivés en 1750, les Capucins ont vu ainsi tous leurs efforts récompensés, tous leurs rêves qui se réalisaient. Deuxièmement : la politique du Vatican est de valoriser l’Eglise du Népal par étapes : d’abord Mission ecclésiastique, « Missio sui iuris » –, elle est ensuite devenue Préfecture apostolique en 1997, Vicariat apostolique en 2007, et à la prochaine étape, mon successeur aura la joie de voir l’Eglise élevée au rang de diocèse à part entière.

Dans l’Etat d’Orissa, Bangalore, et dans d’autres Etats de l’Inde, nous assistons à la montée du fondamentalisme hindou. Ne craignez-vous pas qu’il franchisse la frontière du Népal ?

Mgr Sharma : C’est déjà fait. Il y a quelques petits indices : ces groupuscules de personnes connus sous le nom de Népal Defense Army (NDA), l’Armée de Défense du Népal, qui prétendent être le groupe militant hindou, mais ne le sont pas. Ce sont des criminels. Ils extorquent de l’argent aux gens pour leur propre enrichissement, à leurs propres fins. Ce groupe n’a rien à voir avec l’hindouisme. Je pense que nous, au Népal, devons nous attendre à ce type de comportement agressif de notre communauté hindoue.

Pendant 240 ans, vous savez, le Népal a été un royaume hindou et, tout à coup, le voilà déclaré Etat laïque. Aussi il existe une grande menace. Le roi a perdu son empire. Il a été couronné empereur d’un royaume hindou, qui n’existe plus. L’hindouisme a cessé d’être, aussi la communauté hindoue est-elle fortement menacée, et nous devons nous attendre à des troubles de ce genre, à une montée du fondamentalisme.

Vous dîtes qu’il s’agit d’un groupe d’extrémistes, pourtant vous avez effectué une démarche auprès du gouvernement en les menaçant, s’ils n’intervenaient pas, de fermer les écoles, ce qui serait apparu comme une mesure spectaculaire compte tenu de l’importance des écoles au Népal, comme une déclaration publique ?

Mgr Sharma : Je devais écrire cette lettre au gouvernement. A ce moment-là, il n’y avait pas de gouvernement en exercice au Népal. Les différents partis se battaient entre eux, de sorte qu’aucun gouvernement ne se formait. Je suis donc allé voir le ministre de l’Intérieur avec une lettre en trois paragraphes. Le premier paragraphe décrivant la situation et les meurtres qui avaient été commis ; le second paragraphe faisant état des conséquences et des appels téléphoniques menaçants que nous avions reçus. Enfin le troisième paragraphe prévenait que, si aucune protection ne nous était accordée contre ces menaces et ces appels téléphoniques menaçants, nous irions voir les parents pour leur dire que, désormais, nous n’étions plus en mesure de fournir et gérer les services que nous avions pris en charge jusqu’ici, si le gouvernement ne faisait pas quelque chose. Tel était l’objet de la lettre.

Le travail de l’Eglise est très apprécié, ce qui a probablement contraint le gouvernement à faire quelque chose. La lettre a porté des fruits. Des membres de ce groupe ont été arrêtés ; le chef qui m’avait menacé par téléphone se cache quelque part. La police sait qui il est. Sa photo est sur leur portable et il y a un mouvement. Mais il y a eu de bons résultats.

Quel serait votre espoir pour le Népal ? Pour l’Eglise du Népal ?

Mgr Sharma : Vous voulez dire, je suppose, nos rêves ou nos défis. L’Eglise aimerait aller dans les zones les moins développées du Népal. Les Capucins des 17e et 18e siècles sont en train de revenir. Ces Capucins qui ont été les pionniers des entreprises missionnaires au Népal sont de retour. A partir d’aujourd’hui, il y a un Capucin qui apprend le népali dans un village népalais. La communauté se déplace. Ainsi nous nous déplaçons à l’ouest vers les zones les moins développées du Népal, là où les gens n’ont même pas de l’herbe à manger.

Ils n’ont pas de nourriture ? Pourquoi ?

Mgr Sharma : En raison de la pénurie alimentaire. Je ne sais pas si vous avez entendu parler du « nettle bush », une espèce d’ortie ? C’est une petite plante bourrée d’orties. Cuite, on la donne à manger aux cochons. Très nourrissante, elle renferme de nombreuses protéines : c’est ce que j’ai appelé de l’herbe ; elle n’est même pas disponible pour ces gens qui ont faim. Dans les zones éloignées, le riz est devenu un problème. Jadis le Népal cultivait le riz en quantité suffisante pour nourrir sa population, maintenant nous devons importer le riz de l’Inde.

Certains endroits sont encore très éloignés et coupés du monde ; il n’y a pas de routes, seulement des pistes, et il faut plusieurs jours pour les atteindre. Des endroits où vous pouvez seulement larguer des vivres par hélicoptère, mais les hélicoptères ne peuvent pas y aller à chaque fois. Certains de ces endroits souffrent du manque de nourriture, notamment de riz. Le riz est notre aliment de base. Vous savez, les gens mangent du riz pour se remplir le ventre, il n’est pas assez nourrissant en soi, mais remplit le ventre.

Si nous choisissons d’aller à l’ouest, c’est pour encourager les gens, les aider à cultiver la terre, se mettre à faire des potagers, des choses à eux. Caritas s’y implique, et donne accès à l’éducation aux personnes à qui le gouvernement n’a pas donné cette possibilité. Notre gouvernement est lourdement tributaire de l’aide étrangère et les lieux distants n’en bénéficient pas.

Du côté de l’Eglise, des besoins de l’Eglise, quel serait votre appel aux catholiques ?

Mgr Sharma : Nous voudrions poursuivre notre action dans le domaine de l’éducation. Nous aimerions démarrer un programme de santé, car les équipements sanitaires manquent. Nous aimerions approcher les communautés etniques et tribales qui sont en train de mourir comme les Raute, Bhote, or Chepangs ; il y a des gens qui vivent en forêt et se nourrissent de racines. Ils n’ont jamais bénéficié de l’éducation. Nous aimerions aller et travailler au milieu d’eux. Les amener à s’intégrer dans le courant principal de la vie de notre pays.


Propos recueillis par Mark Riedemann.

Traduit de l’anglais par E. de Lavigne

Sur le Net :

– Aide à l’Eglise en détresse France
www.aed-france.org