Le 3 novembre 1637, Denys Antheaume, frère Fiacre de Sainte-Marguerite en religion, convers du monastère des Augustins, voit la Sainte Vierge à quatre reprises à Notre-Dame-des-Victoires, à Paris. Alors que Louis XIII et Anne d’Autriche tardent à avoir un enfant, Marie présente un enfant au religieux, en lui disant : « Ce n’est pas mon Fils, mais l’enfant que Dieu veut donner à la France. » Elle demande alors que la reine effectue trois pèlerinages : l’un à Notre-Dame de Paris, le second à Notre-Dame-de-Grâces, à Cotignac en Provence, et le dernier à Notre-Dame-des-Victoires à Paris.
Ayant décrit le sanctuaire de Provence, qu’il n’a jamais vu, le frère Fiacre est cru et agit en conséquence : Louis XIV naît l’année suivante. Vingt-deux ans plus tard, le 21 février 1660, le jeune roi qui s’apprête à gouverner réellement, après la Régence et Mazarin, va à Cotignac remercier Notre-Dame-de-Grâces pour sa naissance.
Une conjonction de dates
Mais quelles sont les origines de la dévotion de Louis XIV à saint Joseph ? Sans doute dans les suites de l’apparition de saint Joseph, près du village de Cotignac en Provence, le 7 juin 1660 – soit quatre mois après le passage du futur souverain. Apparition qui avait fait grand bruit à la Cour et chez deux princesses espagnoles, les plus proches du souverain : sa mère, Anne d’Autriche, et l’infante, Marie-Thérèse d’Espagne. Cette dernière était en effet entrée en France, en traversant la Bidassoa, fleuve-frontière, avec son futur mari… le jour même de l’apparition, pour le mariage royal à Saint-Jean-de-Luz.
Le 31 janvier 1661, après enquête, Mgr Joseph Ondedei, évêque de Fréjus, reconnaît donc officiellement les apparitions de saint Joseph à Cotignac, et en approuve le culte. C’est ainsi au tout début du règne personnel de Louis XIV que la fête de Saint-Joseph fut reconnue en France, avec une rapidité confondante. Dans la nuit du 8 au 9 mars 1661, le cardinal Mazarin meurt. Les 9 et 10 mars, Louis XIV, après avoir demandé l’avis de deux conseils, prend personnellement la décision de consacrer le royaume à l’époux de la Vierge Marie. L’affaire est menée tambour battant.
Le 12 mars 1661, soit trois jours après avoir pris les rênes du pouvoir, Louis XIV décide de solenniser sans retard le culte de saint Joseph : sa fête sera chômée dans tout le royaume. Les rares évêques qui purent être contactés à temps donnèrent leur accord. Le lendemain, 13 mars, pendant la réunion du Conseil d’En-Haut (le conseil du roi), le roi interdit tout commerce et tout travail tous les 19 mars à partir de 1661. Ce fait est connu et rapporté par les historiens du Grand Siècle.
Consécration du royaume
En parallèle, la cérémonie de consécration du royaume à saint Joseph eut lieu dans l’intimité, dans la chapelle du Louvre, le samedi 19 mars 1661. L’après-midi, après les vêpres, Bossuet célébra les gloires du nouveau protecteur de la patrie, en présence d’Anne d’Autriche, sur le thème « Le Seigneur s’est choisi un homme selon son cœur » (1S 13, 14). Citons, pour conclure, la belle envolée par laquelle se termine ce sermon : « Joseph a mérité les plus grands honneurs, parce qu’il n’a jamais été touché de l’honneur ; l’Église n’a rien de plus illustre, parce qu’elle n’a rien de plus caché. Je rends grâces au roi d’avoir voulu honorer sa sainte mémoire avec une nouvelle solennité. Fasse le Dieu tout-puissant que toujours il révèle ainsi la vertu cachée ; mais qu’il ne se contente pas de l’honorer dans le ciel, qu’il la chérisse aussi sur la terre. Qu’à l’exemple des rois pieux, il aille quelquefois la forcer dans sa retraite… Si votre Majesté, Madame, inspire au roi ces sages pensées, elle aura pour sa récompense la félicité. »