Le chœur tout entier - France Catholique
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La justice de Dieu
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Le chœur tout entier

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« Le dernier chapitre de la Rome Antique, et le premier chapitre de l’Espagne » a-t-il été dit de Saint Isidore de Séville, ce docteur de l’Eglise au savoir encyclopédique qui a éclos au début du septième siècle. On le fêtait hier 1 dans mon vieux missel, et, je suis ravi de le constater, c’est toujours le cas dans mon nouveau missel.

Aujourd’hui un autre Espagnol, fort différent d’âge et de destin, mais « également » saint : le dominicain Vincent Ferrer, qui a harangué les pécheurs à travers l’Italie et la France, bien loin de sa Valence natale. Cela quelque sept siècles plus tard, après l’occupation musulmane de la péninsule ibérique.

J’ai mis le mot « également » entre guillemets parce que cela le nécessite parfois. Pour nos beaux esprits démocratiques statisticiens post-modernes, le mot finit par signifier quelque chose comme « interchangeable ». Mais pour les catholiques scrupuleux, deux êtres humains ne sont pas interchangeables, les saints encore moins que les autres. Ils sont comme les autres gens mais avec encore plus de caractère et de diversité.

On peut trouver de nombreux usages à un missel, dont le principal est d’aider à louer Dieu. Celui qui vient juste après est peut-être celui-ci : avancer en sainteté, soi et ses proches.

L’aspect éducatif ne doit pas être oublié. A mon avis, il est d’une importance considérable à notre époque. Dans les conditions actuelles, nous vivons comme dans un petit quartier urbain surpeuplé, subissant l’éblouissement des médias modernes qui éclipsent les étoiles au-dessus de nos têtes et même le soleil derrière les grands immeubles. Ce que je vois autour de moi, pour parler concrètement, c’est un ghetto catholique entouré de toutes parts par de hauts murs.

Ce que je veux dire, c’est qu’à notre époque, il nous faut sortir davantage. Comme converti, je le discerne peut-être mieux que bien des catholiques de naissance. L’Eglise qui m’a appelé n’était pas l’Eglise contemporaine — oh, non — bien que je reconnaisse pleinement sa validité dans le temps présent. C’était l’Eglise à travers les âges.

Et vraiment, ce qui m’a tenu à l’écart si longtemps – et qui, je crois, a maintenu de nombreuses personnes dans le froid extérieur c’était « l’esprit de Vatican II ». Je mets les guillemets car je n’ai pas l’intention de renier le Concile. C’est plutôt que, dans le sillage de ce concile, je fais allusion à l’abandon de tant de choses qui ont donné à l’Eglise sa consistance, sa radieuse beauté, sa liberté à l’égard des modes et des attitudes.

Il m’a semblé alors que l’Eglise essayait soudain d’embrasser le temps présent, faisant fi de son âge et de son passé, se fardant outrageusement comme une femme couguar, cherchant à paraître jeune, pendant que les abandons se multipliaient désespérément. Je crois que c’est l’image que le monde se faisait également. Et quand j’ai assisté à la messe dans une église catholique, l’horreur de l’abandon du sacré liturgique m’a habité. Où que j’aille, la messe était célébrée sans révérence ni même dignité, par des prêtres qui n’étaient plus correctement formés.

Inutile de le dire, cet avis était superficiel. En définitive, quand mon haut-anglicanisme m’est devenu insupportable, la question a été : « Vers quelle Église me tourner ? » C’est là que j’ai était saisi par le Gloria : par l’impact de la chorale tout entière, par la puissance de vingt siècles, et des siècles hébreux bien plus nombreux qui les ont précédés.

Je serai bien fou de prétendre que notre Eglise est en ordre. En Occident, elle a presque capitulé devant « l’esprit du monde ». Je pense souvent que nous traversons une période analogue au quatrième siècle, quand la hiérarchie était corrompue par les fantasmes ariens et gnostique, et où il fut du ressort d’un petit reste de fidèles et de prêtres de base de garder la foi vivante jusqu’à ce que l’intelligence humaine de la Sainte Eglise retrouve le chemin de l’intelligence divine.

Car je n’en doute pas : l’Eglise va se ressaisir. C’est peut-être au-delà des capacités humaines de mener la barque, mais le Christ peut réaliser ce qui dépasse nos capacités. Il peut même ressusciter.

Je pense vraiment que si l’assistance divine avait fait défaut, notre Eglise aurait explosé dans les années 70, et personne n’aurait plus su discerner lequel des fragments aurait été le bon : l’Eglise sainte, catholique et apostolique. Elle aurait été comme la Pan’ Am’ : mémorable, mais ne volant plus. Elle n’aurait plus appartenu vraiment qu’aux historiens de l’art, aux férus de musique ancienne et aux quelques professeurs de poésie subsistant encore.

Alors Saint Isidore est important à mes yeux. Comme correctif. C’est par lui que j’ai compris la continuité catholique. Il venait de la vieille Espagne catholique d’avant la conquête musulmane, une Espagne très vivante et visigothe.

Il y a des aperçus de la future langue espagnole dans nombre des mots et phrases d’Isidore. Nous pouvons y observer la transmission de l’héritage du monde antique (y compris Aristote) directement à l’Occident, sans passer par les traductions arabes. Nous pouvons voir sans doute possible la combinaison d’enseignement et de sainteté, signe distinctif du catholicisme et du monachisme, menant patiemment sa tâche de reconstruction.

Nous pouvons voir ce que nous pourrions bien voir de nouveau, quand notre propre monde re-paganisé s’écroulera comme l’ancien monde païen. (Lisez donc, si vous ne l’avez déjà fait Un cantique pour Leibowitz). Car le temps est proche où des hommes, dans des lieux retirés, vont de nouveau, patiemment au milieu des ruines, rassembler et remettre en ordre les fragments d’un passé civilisé, avec quelque génie et l’empressement grandissant de la foi, au service des hommes et de Notre Seigneur.

En attendant, le missel sert à ouvrir de telles perspectives, à nous libérer des pièges du temps présent et à laisser entrer le soleil et les étoiles, l’immense paysage de temps non confiné à notre sombre petit enclos. A travers le cortège des saints et martyrs des siècles passés, les lectures, les mémoires, nous sommes emportés hors de notre petitesse pour rencontrer de nouveau le grand large.


David Warren est un ancien rédacteur du magazine Idler et un journaliste de Ottawa Citizen. Il a une profonde expérience du Proche et de l’Extrême-Orient.

  1. NDT :le 4 avril