Le chien, compagnon spirituel - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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Le chien, compagnon spirituel

Dans la Création, le chien jouit d’une place à part. Il peut nous guider sur le chemin du Ciel selon le Frère Xavier Loppinet, dominicain, docteur en théologie et auteur de Mon chien me conduira-t-il au Paradis ?
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© Julian Kumar / Godong

Pourquoi pensez-vous que le chien peut être un « compagnon spirituel » pour l’homme ?

Frère Xavier Loppinet, o. p. : Le premier enjeu est d’admettre, d’oser reconnaître, que ce que je vis avec mon chien a de l’importance pour moi jusque dans ma vie spirituelle. Il n’y a pas dans ma vie, d’un côté ma relation à Dieu et, d’un autre côté, ma relation avec le monde, et tous ses êtres vivants. « Tout est lié », comme le dit le pape François dans Laudato sí.
Dieu, devant sa création, « vit que cela était bon ». Notre regard, finalement, rejoint le sien quand nous percevons la bonté de notre animal de compagnie. Bien sûr, on rejoint là aussi toute l’intuition franciscaine qui voit dans chaque être, un frère, une sœur, tous issus d’un même Père.

On peut même associer, dites-vous, le rôle du chien à celui de l’ange ?

Dans la Bible et la tradition chrétienne, il y a ce que j’appelle un « inséparable trio » : l’ange, l’homme, et le chien. Avec ces trois-là, c’est tout le cosmos qui est représenté. Dans le livre de Tobie, le chien – qui n’apparaît que dans deux versets – a une fonction parallèle à celle de l’ange Raphaël. Dans la version de la Vulgate, de Jérôme, sans que l’on sache trop d’où Jérôme tire sa traduction, le chien a même la fonction d’annoncer la bonne nouvelle du retour de Tobie à ses parents qui le pensaient mort : « Alors, le chien qui était avec eux sur le chemin les précédait, et survenant comme un messager, manifestait sa joie en remuant la queue » (Tobie 11, 4).

Cette fonction de messager, c’est une fonction angélique ! On retrouve anges et chiens dans la parabole du mauvais riche et du pauvre Lazare (Luc 16, 19-31).

Pareillement, on les retrouve dans l’histoire bien connue de saint Roch. En fait anges et chiens sont mis par Dieu au service de l’homme, chacun dans sa fonction. Quant au fameux « Gris » de Jean Bosco, ce chien providentiel qui l’a sauvé plusieurs fois d’attaques d’assassins, survenant à l’improviste, le fondateur des Salésiens, à la fin de sa vie, a dit que c’était peut-être bien un ange qui se cachait derrière ses interventions.

Dans sa symbolique, le chien est un gardien de la conscience. Sainte Catherine de Sienne l’évoque ainsi…

Les dominicains et les chiens, c’est toute une histoire ! Il y a bien sûr ce jeu de mots sur le latin : les dominicains sont des Domini canes, c’est-à-dire qu’ils sont des « chiens du Seigneur ». Surtout, le chien qui aboie pour prévenir du danger et protéger le troupeau, a été considéré comme l’image même du prédicateur efficace. Cette image ne pouvait que convenir aux Prêcheurs que sont les dominicains. La dominicaine Catherine de Sienne, avec son génie propre, a intériorisé l’image : nous avons, en chacun de nous, la conscience, qui est comme le chien de garde de notre cœur. Il l’avertit des dangers.

L’écrivain Dino Buzzati qui était fou de chiens, a écrit une nouvelle formidable : Le chien qui a vu Dieu, dans laquelle se trouve un chien ayant appartenu à un ermite. Il suffit que l’animal regarde dans les yeux les villageois malhonnêtes pour qu’ils se détournent du mal qu’ils s’apprêtaient à faire. Je dirais qu’en général tout animal, regardé sincèrement, en âme et conscience, nous élève.

Vous racontez cette scène incroyable d’un chien assistant à l’apparition mariale de La Salette !

Oui, c’est Loulou, le chien du papa de Maximin, un chien aussi nerveux que l’enfant. Pendant l’apparition, qui a duré une demi-heure, il s’est tenu tranquille alors qu’il « était si vigilant et si craintif qu’une feuille qui s’envolait, poussée par le vent, le faisait aboyer » rapporte Mélanie. La relation qui s’était établie entre Maximin et Loulou est étonnante. Loulou était vraiment son compagnon, au sens étymologique du terme, celui avec lequel Maximin partageait son pain, généreusement, irraisonnablement même, à vue humaine.

Dans mon livre, je crois avoir rassemblé, à partir des différents témoignages, tous les renseignements sur ce sacré Loulou ! Monté à La Salette pour faire des recherches, quelle n’a pas été ma surprise de voir un homme avec son chien prier devant le groupe des apparitions. En fait, c’était tout naturel. L’homme tourné vers le mystère de Dieu, avec son chien simplement heureux d’être là à ses côtés.

Aux apparitions de Beauraing en Belgique, en 1932-1933, les religieuses de l’école où apparaissait Marie aux cinq enfants, avaient lâché leurs deux chiens qui étaient en furie devant la foule présente. Mais dès que la Vierge apparaissait, ils se taisaient, d’un coup. Dès qu’elle partait, ils se remettaient à aboyer. Cela n’a pas manqué de surprendre l’entourage des voyants, mais pas les voyants eux-mêmes. L’un d’eux a même déclaré : « Les premiers à nous avoir crus, ce furent les chiens » !

Le rôle du chien est-il finalement de révéler à l’homme la bonté dont il doit être capable pour être à l’image du Créateur ?

Le chien aime naturellement son maître, l’homme, et le maître de l’homme, c’est Dieu. Je résume mon livre par ces deux phrases : Dieu aime l’homme qui aime son chien, du moment que l’homme voit en son chien une bénédiction, un don de Dieu dans sa vie. Et le chien aime l’homme qui aime Dieu. Il y a là comme une restauration du Paradis.

C’est quand l’homme se détourne de Dieu que la création tourne au chaos. L’homme de Dieu attire naturellement à lui les animaux. Il y a dans tout homme un petit François d’Assise capable de tenir dans sa main la patte du loup qui terrorisait les habitants de Gubbio. Saint Paul a cette formule : « La création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu » (Romains 8, 19) : la création attend que l’homme manifeste en lui l’image de son créateur, qui est aussi le sien.

Quels conseils pour de joyeuses promenades spirituelles avec son chien ?

Tout à la fin de mon livre, je propose en effet que toute promenade avec son chien soit réellement l’occasion d’un temps spirituel. Le chien est un petit ambassadeur de la création dans laquelle la promenade se passe. Je propose donc de prendre un temps d’arrêt et de prier, sans se soucier de ce que fera le chien. Je me dis que, comme Loulou, il saura trouver sa place auprès de son maître, puisque son maître aura trouvé la sienne auprès de Dieu.

Pensez-vous que nos fidèles compagnons aient une place au Paradis ?

C’est, au sens technique, ce qu’on appelle une « opinion théologique », c’est-à-dire qu’on peut le penser raisonnablement, mais que l’on peut aussi penser le contraire. L’Église ne s’est jamais prononcée sur ce sujet. Je vous donne mon opinion : tout a de l’importance pour Dieu. « Est-ce que l’on ne vend pas cinq moineaux pour deux sous ? Or pas un seul n’est oublié au regard de Dieu » (Luc 12, 6).

Ce qui a touché notre histoire, et notre histoire intime, spirituelle en particulier, Dieu le sait bien, et il ne peut pas l’oublier, puisque nous-mêmes avons été comme façonnés par cette relation avec ces animaux. Au cimetière des chiens d’Asnières – le plus grand cimetière pour chien du monde, 40 000 animaux, chiens pour la plupart ! – j’ai trouvé sur une tombe cette phrase du livre de Job : « Dans la main du Seigneur est l’âme de toute chose qui vit » (Jb 12, 10).

Dieu nous a donné des compagnons de route vers le Ciel, je crois qu’il ne les laissera pas à la porte.