Le chagrin et la colère - France Catholique
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Le chagrin et la colère

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Un an après le massacre de l’équipe de Charlie Hebdo, l’éditorial de Riss, l’actuel directeur du journal, crée l’émoi, d’autant qu’il accompagne une couverture provocatrice. Beaucoup s’estiment insultés par une prose vindicative, voire haineuse, à l’égard des croyants, décrits uniformément comme des illuminés. J’avoue que ce qu’il y a d’insultant dans le papier de Riss ne m’a fait ni chaud ni froid. J’ai surtout retenu la colère de celui qui avait subi l’épreuve du feu, avec l’insupportable mise à mort de ses amis et compagnons. Que cela provoque une houle de fureur, comment s’en étonner, a fortiori s’en scandaliser ? Certes, cette colère alimente une rhétorique particulièrement véhémente, mais on a plutôt l’habitude de ce type de langage. Et pardon, mais à l’analyse, en terme de pensée, c’est plutôt pauvre et même nul. Cela ne vaut même pas réponse, c’est tellement hors de toute éthique de discussion.

Alors, le mépris ? Non, ce serait tomber dans un piège malheureux. On ne peut pas mépriser quelqu’un qui souffre à ce point, et qui hurle parce qu’il a mal. On peut être totalement étranger aux obsessions de Charlie Hebdo et se souvenir des visages de ceux que deux tueurs fous ont massacrés. J’en reste, pour ma part, à ma première réaction au moment du massacre. Une tristesse infinie, une colère d’être ainsi privé de collègues, d’interlocuteurs, dont tout à peu près me séparait mais dont l’absence m’était insupportable, ne serait-ce que parce que j’étais privé de la possibilité de les affronter en personne ! Et puis il y a des nuances à apporter. Avec certains collaborateurs de Charlie, il m’arrivait d’avoir des connivences, ne serait-ce qu’avec Bernard Maris. À la mort de Cavanna, j’ai même rendu hommage dans cette chronique au talent et à l’épaisseur humaine du personnage.

Non, il importe surtout de ne pas tomber dans le piège de la haine et du ressentiment. Nous avons beaucoup mieux à faire, ne serait-ce qu’à retrouver un fond d’humanité commune, qui nous soulève au-delà de nous-mêmes et nous fasse espérer.

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 5 janvier 2016.