Il y a plusieurs semaines, j’ai écrit un article sur ce site, insinuant que dans notre actuelle vénération pluraliste multi-culturelle des « autres », victimes et aliénés, certains « autres » étaient plus « autres » que d’autres.
Une certaine sorte d’altérité vous procure le respect et une quasi vénération tandis qu’une autre forme d’altérité — une altérité « pas cool » — ne vous vaut que le mépris.
Il n’est pas vrai que que notre civilisation accueille toutes les diversités. Non, les gens accueillent les sortes de diversités qu’ils aiment ou qui les font se sentir particulièrement ouverts d’esprit. Et pour être particulièrement ouvert d’esprit et « ouvert à l’autre », on se doit d’accepter avec plaisir des choses clairement différentes de soi, ce qui tend à nous donner un jugement favorable sur certains groupes uniquement parce qu’ils sont différents, pendant que nous en méprisons d’autres bien plus proches de nous pour la seule et unique raison qu’ils ne sont pas assez différents.
Vous trouverez à l’œuvre une dynamique similaire dans les facultés et universités catholiques. L’un de leur plus étranges problèmes est l’anti-catholicisme proclamé de tant de membres du corps enseignant, qui finissent par vouloir que les universités dans lesquelles ils travaillent embrassent toutes sortes d’altérités sauf la catholique. Soyez musulman, protestant, bouddhiste, hindou, adepte du new-âge — n’importe quoi du moment que ce n’est pas, horreur, catholique.
Un vieux dicton dit que « l’enfer n’a pas de pire furie qu’une femme dédaignée ». Eh bien, « les femmes dédaignées » ne sont rien par rapport aux ex-catholiques qui ont décidé de s’incruster dans les universités catholiques. Ils ressemblent à des adolescents révoltés qui quittent le foyer pour s’éloigner des ces raseurs de parents et frères et sœurs auprès de qui ils ont grandi pour finalement être forcé d’y retourner l’école finie.
Le ressentiment qu’ils éprouvent à être forcés de retourner à un endroit qu’ils pensaient avoir abandonné derrière eux est palpable. Il se lit sur leur visage, il plane dans l’air autour d’eux, il imprègne chacune de leurs réactions : « O mon Dieu, pas ce fatras catholique, pas encore une fois. »
Je reconnais être quelque peu désorienté par ces gens-là. Pas par leur rejet du catholicisme. Le catholicisme est dur. Il est différent. Il va à contre-courant de la culture dominante. Mais je suis sidéré par leur propension à chercher et accepter des postes dans l’enseignement catholique.
Prendre un poste dans une université catholique quand vous détestez cordialement le catholicisme, c’est comme prendre un poste dans une école qui étudie les grands livres quand vous détestez les grands livres. Et donc, quand vous avez obtenu le poste, vous commencez à tenir des propos tels que : « Les grands livres, les grands livres, pourquoi parlons-nous toujours des grands livres. Ce n’est que du pipi de chat !»
D’accord, très bien, nous sommes dans un pays libre. Chacun peut penser ce qu’il veut. Mais alors, pourquoi diable prendre un poste dans une école qui enseigne les grands auteurs ?
Je me représente toujours ce que diraient les collègues d’un tel énergumène : « Mais les grands livres sont le fondement de notre enseignement. Nous ne vous l’avons pas caché quand vous avez postulé. Il y a plein d’endroits où on n’enseigne pas la grande littérature et où vous pouvez aller. Il n’y a que deux ou trois endroits dans le pays où on l’enseigne et nous voulons juste être un de ces endroits « différents » !»
Le problème est, bien sûr, que cette sorte d’altérité n’est pas assez différente. Je n’ai aucun doute qu’il existe des gens qui, au nom de l’altérité, veulent éradiquer les deux où trois programmes de grands livres encore existant dans le pays afin de les forcer à adopter la littérature des autres – tout juste comme les autres écoles et universités du pays. De même pour les universités catholiques. Toutes les autres institutions du pays sont laïques et ont quasiment le même programme. Il y a une seule sorte d’école qui peut faire ce que font les universités catholiques. Mais pour une certaine sorte de catholiques, ce n’est pas assez « autre ». Le résultat paradoxal, c’est que du coup ils veulent que leur école soit exactement semblable aux autres.
Une modeste suggestion pour les enseignants qui envisagent d’enseigner dans un établissement d’enseignement catholique : s’il vous plaît, ne prenez pas ces postes si vous haïssez le catholicisme. Pourquoi vous rendre malheureux ? Personne ne vous blâmera si vous prenez un poste dans un de ces « bien meilleurs endroits », un endroit qui fait comme tout le monde.
Les enseignants, catholiques de nom, qui prennent des postes dans des établissements catholiques en s’imaginant qu’ils finiront par changer et abandonner « cet ennuyeux contenu catholique » font le même genre d’erreur que certains couples se mariant. Un vieux dicton dit que les femmes se marient en croyant changer leur mari tandis que les hommes se marient en croyant que leurs femmes ne changeront jamais. Les deux sont finalement déçus.
Le système éducatif de ce pays s’écroule, gravement miné par son manque de hauteur de vue et ses contradictions internes. Des étudiants d’université qui payent des frais de scolarité considérables et s’endettent de plus en plus sont incapables d’écrire des phrases stylées ou de pratiquer des mathématiques élémentaires.
Dans ces circonstances, les facultés et universités catholiques devraient s’offrir un brin de toilette et proposer aux étudiants de toutes croyances la meilleure éducation et formation morale du pays.Mais elles ne le font pas. Souvent, ces écoles sont handicapées par leur manque de perspective et de confiance en soi, sans parler de leur mépris pour la différence que crée le fait d’être catholique.
Beaucoup de gens semblent penser que le problème des facultés et universités catholiques est qu’elles embauchent trop de non-catholiques. A l’heure actuelle, ce n’est pas le plus grand problème. Nombre de nos meilleurs enseignants dans les universités catholiques sont des « compagnons de route » non-catholiques qui respectent le caractère catholique des institutions où ils travaillent.
Non, les plus grands problèmes, dans bien des cas, ce sont ceux qui ont le vernis catholique mais qui détestent l’église de leur naissance de la même façon qu’un enfant blessé et déçu pourrait considérer un parent qu’il juge insensé et sans cœur. J’espère que ces âmes blessées trouveront ailleurs un soulagement.
Il est clair que pour ces gens, l’altérité catholique n’est pas une altérité de la bonne sorte. Ils se sentiront sans aucun doute bien mieux en compagnie des diversités appréciées par leurs pairs dans des autres écoles.
Randall Smith est professeur de théologie à l’université Saint Thomas de Houston.
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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/the-anti-catholic-catholic.html
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Illustration : buste d’Homère.