Il y a une dizaine de jours déjà, nous parlions d’Haïti, de sa situation catastrophique, et j’évoquais une tribune libre de Régis Debray où le philosophe proposait un concept nouveau pour venir au secours de ce pays sinistré, celui de « pupille de l’humanité », comme il existe en France des pupilles de la nation. Il s’agissait de pérenniser une aide qui risque de se raréfier à mesure que la catastrophe s’éloignera dans le temps et que les télévisions feront rapatrier leurs équipes de Port au Prince. C’est une certitude absolue. Pour relever Haïti, il faudra des années et des années, et une continuité dans l’effort qui suppose que l’on envisage dès maintenant une sorte de plan mondial concerté entre les nations les plus riches du monde et forcément un contrôle et un arbitrage internationaux. On sait que les États-Unis sont massivement sur place et que la question d’un leadership trop exclusif a tout de suite donné lieu à polémique. Incontestablement, le problème de Haïti relève des décisions politiques à traiter au plus haut niveau.
Mais quid alors de ce qu’on appelle le caritatif ? Le caritatif qui est indépendant des Etats, ainsi que l’indique le sigle universellement reconnu ONG (Organisation Non Gouvernementale). Il est évidemment essentiel. D’ailleurs, les États aujourd’hui n’envisagent leur action qu’en connivence avec ces ONG qui fournissent des moyens, notamment en hommes et en femmes, un dévouement, une initiative ciblée que les États seraient bien en peine de susciter à eux-seuls. Au sein de ces ONG on ne peut compter pour négligeable l’existence de tout un secteur caritatif d’inspiration chrétienne, qui continue à mobiliser à travers le monde des réseaux considérables liés à l’Église catholique et aux Églises protestantes. Dans le cas précis d’Haïti, le rôle et ses institutions spécifiquement caritatives – le mot de charité est d’origine évangélique- apparaît essentiel puisqu’il s’agit d’un pays chrétien dont les structures ecclésiales sont en phase directe avec le monde chrétien.
C’est une des raisons pour lesquelles je me permets d’insister sur l’originalité de ce caritatif chrétien et de la nécessité de sa pérennisation. Tout le monde n’est pas convaincu de cela, et il y a même des exemples très actuels d’organismes fondés par des grandes figures de l’Église qui ont fait le choix d’une déconfessionalisation et d’une prise de distance par rapport aux autorités des Églises. Bien sûr c’est la liberté des fondateurs et de leurs successeurs de pouvoir choisir leur propre destin. J’ai entendu plusieurs fois le cardinal Lustiger regretter ce qui était bien plus qu’une déconfessionalisation institutionnelle, la rupture avec une inspiration initiale qui ne pouvait être sans conséquence. Bien sûr, toutes les organisations humanitaires ont leur mérites, leurs formes propres de dévouement, et il y a de multiples maisons dans la maison du Père, fussent-elles laïques. Mais il y a aussi des organisations chrétiennes spécifiques et il y a risque pour certaines de « perdre leur âme » pour devenir autre chose que ce qu’elles étaient. Il me semble qu’il y a une perte sensible d’inspiration et de comportement qui mérite qu’on y réfléchisse à deux fois : la charité d’inspiration chrétienne n’est pas une notion dépassée. C’est même une réalité vivante et vivace, qu’il faut développer dans l’intérêt supérieur de la solidarité humaine.
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A récouter sur Radio Notre-Dame ces deux émissions du 11 mars
* Alain Boinet, directeur général fondateur de l’ONG Solidarités aide humanitaire d’urgence
* Nathalie Leenhardt, journaliste à l’hebdomadaire Réforme, qui revient de Haïti.
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Aujourd’hui l’Eglise le débat à 11h05, animé par Elodie Chapelle.
J-3 avant la fête de Sainte Louise de Marillac, collaboratrice de St Vincent de Paul, et fondatrice des filles de la charité
Quel héritage pour les œuvres sociales aujourd’hui en France, 350 ans après la mort de l’initiatrice de l’assistance publique ?
* Père Bertrand Ponsar, lazariste, chapelain de la chapelle de la Médaille Miraculeuse.
* Pascale Lepeu, représentante française de l’AIC, association internationale de la Charité, premier mouvement créé par Saint Vincent de Paul.
* Soeur Antoinette-Marie, Fille de la Charité.