Le 15 mai 1969 paraissait dans les Informations catholiques internationales une longue interview du cardinal Suenens sur « L’unité de l’Eglise dans la logique de Vatican II » suivie une année plus tard, le12 mai 1970 d’une longue déclaration au journal Le Monde, du primat de Belgique. Entre temps un théologien suisse professeur à Tübingen, Hans Kung, collègue du futur Benoît XVI traçait dans le même journal parisien un « portrait d’un pape » , réflexions suscitées par l’interview du cardinal Suenens. Au même moment, Paul VI déployait des trésors d’intelligence et de charité pour éviter un schisme de l’Eglise hollandais engagée dans un synode national non prévu par le droit canonique et la défense d’un « catéchisme hollandais » qui posait des problèmes. A Genève le 10 octobre 1969, le cardinal Journet, associé par Paul VI à la réponse romaine, expliquait dans une conférence comment se pose le problème de l’autorité dans l’Eglise, mais les médias n’étaient pas au rendez-vous.
Le schisme fut évité et le pape se réserva plusieurs questions comme le célibat des prêtres, tandis que l’encyclique Humanae vitae (1968) suscitait la contestation à l’intérieur de l’Eglise et à l’incompréhension polémique des médias.
La démarche du cardinal Suenens avait deux caractéristiques, elle intervenait en utilisant les médias et relevait davantage de la sociologie des organisations que de la théologie. Paul VI qui avait confié des tâches très importantes au cardinal Suenens garda le silence et pardonna, trois cardinaux de la Curie, Tisserand, Villot er Garrone réagirent tandis que le cardinal Alfrink primat de Hollande demandait que l’on étudiât la tâche du collège de évêques. Le cardinal Journet lors de sa conférence devant quelques dizaines de proches rappela que la primauté de Pierre n’était pas une monarchie mais une autorité unipersonnelle souveraine dépendant directement du Christ. Deux auteurs russes, Soloviev et Rozanov étaient mis à contribution. L’égalité des apôtres était rappelée, mais à leur mort seuls les successeurs de Pierre héritaient de la primauté. Les Orientaux, en ne reconnaissant pas cette primauté, montraient par leur propre histoire son importance pour la liberté de l’Eglise. En Occident les tentatives conciliaristes allaient dans le même sens.
Cette « affaire Suenens » montra comment la charité et la délicatesse de Paul VI évitèrent un schisme qui aurait été parallèle à celui de Mgr Lefebvre qu’on ne put empêcher malgré la charité de trois papes et l’évidence dogmatique (Vatican I).