On savait le cardinal Tauran fragilisé depuis des années par la maladie de Parkinson, et on n’en admirait que plus l’engagement d’un homme de Dieu, qui pouvait aller jusqu’à l’héroïsme. En une période où l’Église catholique et ses responsables sont sans cesse harcelés et mis au banc des accusés, il nous est précieux de nous incliner devant cette belle figure française et romaine, dont la vie entière a été vouée au service de la foi dans le monde d’aujourd’hui. Ce ne sont pas là des mots de convenance. Vatican II avait insisté sur l’insertion du christianisme dans la civilisation contemporaine et au sein de la famille humaine, pour répondre à la vocation spécifique qui est la sienne : « Continuer sous la pulsion de l’Esprit consolateur, l’œuvre même du Christ, venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité, pour sauver, non pour condamner, pour servir, non pour être servi » (Gaudium et spes).
Ceux qui ont bien connu le cardinal Tauran attestent que par son action et le rayonnement de sa personnalité, il n’a cessé d’œuvrer au seul service de l’Évangile, avec sa foi enracinée et son cœur ouvert à toutes les requêtes des peuples les plus divers et dans des conjonctures souvent périlleuses. C’est le propre de cet organisme singulier qu’est la Curie romaine et particulièrement la partie d’elle-même vouée à la diplomatie, que d’assumer cette tâche d’incarnation du message dans les réalités internationales. Jean-Louis Tauran, ordonné prêtre pour le diocèse de Bordeaux, avait très vite reçu cet appel de l’Église universelle pour un ministère assez différent dans ses modalités, mais toujours mu et orienté par la même grâce sacerdotale. Dans La Croix, Frédéric Mounier, qui l’a bien connu dans ses fonctions à Rome, rappelle ce que le chef de la diplomatie pontificale recommandait aux futurs nonces apostoliques : « Si vous jouez aux diplomates, vous serez méprisés. Si vous vous comportez comme des prêtres, vous serez estimés. »
Devenu responsable du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, le cardinal se trouvait en charge d’un des postes les plus délicats, à l’heure où l’extrémisme islamiste exerçait ses ravages au risque de ranimer les hostilités interreligieuses. Il avait parfaitement compris la véritable signification du fameux discours de Ratisbonne de Benoît XVI, qui marquait le caractère crucial du dialogue de la foi et de la raison pour le christianisme d’abord. L’expérience et le recours aux meilleures expertises lui permirent de comprendre que ce dialogue était également indispensable pour traiter des relations avec l’islam. Il fallait respecter la distinction des ordres, et celle-ci s’imposait dans la discussion avec les représentants des traditions étrangères à la théologie chrétienne. Jamais las de proposer la paix et le règlement des conflits, le cardinal Tauran revenait au secret intime qui animait sa vie. Dieu premier servi, et Jésus Christ sauveur du monde !