Tous ceux qui ont approché à un moment de sa vie, le cardinal Bernardin Gantin, conserveront le souvenir lumineux d’un homme d’exception. La dénomination de prince de l’Église convenait particulièrement à ce serviteur de la papauté dont la fière allure rayonnait encore sur son lit de mort. Paul VI avait tout de suite compris qu’il lui fallait à ses côtés cet archevêque de Cotonou, qui apporterait à la haute administration romaine le renouveau tant attendu à l’heure de la nécessaire internationalisation de la curie. À Justice et Paix comme à Cor Unum, organismes suscités par la réforme conciliaire, Mgr Gantin révéla d’emblée ses qualités de dispensateur de la charité concrète à l’échelle du monde. Jean-Paul II ne pouvait que promouvoir un pareil collaborateur à une des plus importantes et délicates responsabilités du gouvernement de l’Église. Le cardinal Gantin, préfet de la Congrégation pour les évêques eut à gérer les affaires internes les plus difficiles. C’est avec peine qu’il sanctionna l’acte de rupture grave de Mgr Marcel Lefebvre. En tant que prêtre et jeune évêque africain, il avait apprécié l’ancien archevêque de Dakar, fondateur des premières conférences épiscopales locales. Tout comme son ami, le cardinal Thiandoum, il vécut l’affaire d’Ecône comme un déchirement.
Quand sonna l’heure de la retraite, Jean-Paul II nomma Bernardin Gantin doyen du collège des cardinaux, mais il ne put lui refuser de retourner sur sa terre natale, pour vivre ses dernières années. Au Bénin, le cardinal avait un statut moral incomparable, comme figure historique à la fois nationale et universelle. Qu’il soit venu mourir à Paris constitue également un signe précieux pour nous. Bernardin Gantin aimait beaucoup la France, où il comptait de nombreux amis, au premier rang desquels le cardinal Jean-Marie Lustiger. Il faut signaler aussi ses liens avec Mgr Jean-Louis Riocreux, évêque de Pontoise, qui l’accompagna jusqu’au bout. À l’heure de la repentance et des procès destinés à instruire les fautes du passé, notamment à l’égard de l’Afrique, le cardinal Gantin se signalait comme porte-parole de la gratitude. Un peu à l’image de Léopold-Cedar Senghor, n’ignorant rien des plus cruelles blessures de l’histoire, il ne voulait à aucun prix aviver les ressentiments réciproques. Sa gratitude, il l’exprimait à tout propos aux missionnaires qui avaient apporté à l’Afrique ce cadeau sans prix : la foi au Christ.