Le bijoutier de Nice - France Catholique
Edit Template
Le martyre des carmélites
Edit Template

Le bijoutier de Nice

Copier le lien

Un bijoutier de Nice, 67 ans, a subi un braquage dans sa minuscule boutique au matin du 12 septembre dernier. Deux jeunes gens l’ont menacé d’une arme et frappé jusqu’à ce qu’il ouvre son coffre, et se sont enfuis avec les bijoux sur un scooter. Le commerçant s’est alors saisi d’un pistolet et a tiré par trois fois dans leur direction. Voulait-il seulement crever leurs pneus ? Se sentait-il encore menacé par l’un de ses agresseurs armé qui se retournait ? Le passager du scooter, 18 ou 20 ans, a été tué. Le procureur de Nice n’a pas retenu l’excuse de légitime défense et le bijoutier se trouve accusé d’homicide volontaire : nul n’a le droit de se faire justice soi-même.

Le député-maire de Nice, Christian Estrosi, a dit que dans cette affaire, il y avait « deux victimes » : le voleur mort, et le commerçant qui a tué. Il est vrai que personne n’aimerait être moralement à la place de ce dernier.

D’un point de vue purement judiciaire cependant, s’il passe devant un jury populaire, il n’a pas grand-chose à craindre. En trois jours en effet, une page de soutien sur Facebook a engrangé plus d’un million et demi de signatures de soutien. Ce phénomène, d’une ampleur jamais vue (au point que certains ne veulent pas y croire) devient politique, à quelques mois des élections municipales, et montre l’exaspération de tout un peuple qui se sent abandonné face à la montée des violences (et pas seulement du « sentiment » d’insécurité, comme disent les sociologues).

Les internautes, a priori citoyens honnêtes et pacifiques, s’identifient au com­merçant, qui avait déjà été victime d’un cambriolage en octobre dernier. On nous dit qu’après 14 condamnations, le jeune homme tué venait tout juste de se voir libéré d’une mesure de contrôle par bracelet électronique. On pense à la nouvelle loi Taubira censée vider les prisons…

Les médias ont beaucoup donné la parole à la famille du braqueur tué. Aucun n’excuse le vol, mais tous comprennent que ce jeune, qui allait être père dans quelques mois, voulait de l’argent facile et sont scandalisés par la disproportion entre cette « connerie de jeunesse » et sa sanction par une telle mort. Le père dit : « Le bijoutier est assuré, il sera remboursé, alors que personne ne rendra la vie à mon fils. Je ne défends pas mon fils, il n’avait pas à faire ça. Mais ça lui coûtait quoi au bijoutier de le laisser partir ? »

On n’accablera pas ce pauvre père, mais il pose une question qui mérite d’être approfondie.

Ouest-France du 13 sep­­tembre consacrait un article à un marchand de motos de Saint-Julien-sur-Sarthe, dans l’Orne, qui, après 54 cambriolages (!), a lui aussi tiré sur ses voleurs le week-end dernier. Il n’a heureusement tué personne, mais s’il n’en avait pas blessé un, jamais on n’aurait retrouvé celui-ci dans un hôpital de Dreux ! Et le commerçant explique qu’il passe sa vie à rembourser les vols car aucun assureur ne veut le suivre, et le chef des gendarmes avoue son impuissance…

C’est bien là que le bât blesse. On peut faire confiance aux assurances pour chercher à s’exonérer par tous les moyens de leur engagement de rembourser de tels dommages. Il y faudrait l’intervention de l’Etat

Nous avons interrogé un petit bijoutier de banlieue parisienne. Il a été victime l’an dernier d’un braquage par deux jeunes s’échappant à moto. La police n’a retrouvé personne et ne l’a d’ailleurs jamais informé de ses éventuelles enquêtes. Et ce bijoutier a estimé le montant du vol de tout son or à quelque 40 000 euros. Une misère pour une bijouterie, mais cela représente 10 ans de travail nous assure-t-il. Les assurances ne lui en rembourseraient que le quart et, depuis, la boutique ne vend en tout cas plus que des montres… que personne n’achète ! Cet homme a en fait perdu tout véritable moyen d’existence.
Il faut savoir que les petits commerçants, étant justement petits… et isolés, sont particulièrement malmenés par le fisc, les collectivités locales, les banques, les assurances, les copropriétés d’immeubles… et les voyous…

Le bijoutier de Nice s’est rebiffé. Il a réagi comme on fait dans les Balkans dont il semble être originaire, en y mêlant peut-être une question d’honneur. On ne peut pas lui donner raison. Mais ce fait divers demande une réponse de solidarité concrète avec toutes les victimes, mais surtout peut-être avec ceux qui passent leur vie à travailler jusqu’à un âge avancé et au risque de leur vie. Alors la tentation folle de tuer pour sauver son gagne-pain aurait moins de raisons d’exister.