Le retour de la gauche aux affaires sera-t-il caractérisé par une crispation à propos de la laïcité ? La question était posée, lorsque le candidat François Hollande a indiqué qu’il avait l’intention d’intégrer la loi de 1905 dans la Constitution. J’avais expliqué, en son temps, que c’était une drôle d’idée, d’ailleurs à peu près inapplicable. Mais ce pouvait être un signal. La laïcité vue de gauche a souvent un parfum idéologique assez particulier qui ne rappelle pas que de bons souvenirs. Entendons-nous : je n’affirme nullement qu’un pouvoir socialiste est forcément amené à des offensives anti-religieuses. La période du Front Populaire, me semble-t-il, n’a nullement renoué avec la fièvre anticléricale qui avait été ranimée au moment du Cartel des gauches et des provocations d’Édouard Herriot. De même, lorsque Lionel Jospin était Premier ministre dans une période de cohabitation, il avait eu une initiative très heureuse en décidant d’une rencontre annuelle à l’Hôtel Matignon avec la hiérarchie catholique, pour faire le point sur les rapports Église-État.
On souhaiterait que François Hollande poursuive dans la ligne de ce qu’on a pu appelé une laïcité apaisée. Je sais bien que certains militants n’acceptent pas qu’on associe à leur chère laïcité le moindre qualificatif, le mot devant être considéré dans sa pureté insoupçonnable. Comme s’il n’y avait pas une « laïcité de combat », qui pose bien des problèmes et a entrainé hier à ce qu’on a appelé la guerre scolaire ? Justement, à l’enseignement catholique on s’est ému d’une lettre du candidat socialiste au Comité national d’action laïque, remettant en cause le forfait communal dû aux enfants des écoles catholiques. Si les maires n’étaient plus tenus de prendre en charge la scolarité des enfants qui fréquentent des écoles privés extra-territoriales, les établissements catholiques, dans une bonne part, ne pourraient plus boucler leur budget.
Voilà qui me rappelle les moments épiques du premier septennat de François Mitterrand, où le pouvoir socialiste avait été obligé d’abdiquer en rase campagne. J’ai encore dans l’oreille ce que m’avait confié le Président sur les militants laïques, « leur passion très noble, leur fonds plein d’idéal ». C’était dans le bureau de l’Élysée ou siègera bientôt François Hollande. J’ose espérer que cette passion et cet idéal ne provoqueront pas de conflits où l’unité nationale et la paix sociale auraient tout à perdre.